La rentabilitĂ© du baril n’est plus ce qu’elle Ă©tait dans les premières annĂ©es de sa dĂ©couverte. Le coĂ»t d’extraction augmente, de mĂŞme que la demande, mais les stock diminuent, faisant Ă©clater par ci par lĂ des crises Ă©nergĂ©tiques qui menacent de devenir des problèmes sĂ©curitaires.
De plus en plus de pays ne veulent plus vendre ce qu’ils dĂ©tiennent de rĂ©serves pĂ©trolières, choisissant de satisfaire leur demande nationale croissante. Le Maroc se voit confrontĂ© Ă cette rĂ©alitĂ© depuis que l’AlgĂ©rie a dĂ©cidĂ© de fermer les vannes du Gazoduc Maghreb Europe.
La semaine s’Ă©coule, un accord sur l’utilisation des terminaux GNL espagnols par le Maroc pour s’approvisionner en gaz naturel via le gazoduc Maghreb-Europe (GME) a Ă©tĂ© signĂ© par le ministre espagnol de la Transition Ă©cologique. CensĂ© offrir au Maroc une sortie de sa crise Ă©nergĂ©tique, cet accord se heurte toutefois Ă deux obstacles principaux. L’un relatif au temps, l’autre aux finances.
Le Maroc compte utiliser le GME, dont la partie traversant le dĂ©troit de Gibraltar ainsi que les stations de compression appartiennent au groupe espagnol Naturgy, en inversant le flux gazier, soit s’approvisionner Ă partir de l’Espagne alors que c’Ă©tait jusque-lĂ l’inverse.
Gaz : l’AlgĂ©rie a-t-elle coincĂ© le Maroc ?
InterrogĂ© par l’APS, le spĂ©cialiste et l’expert pĂ©trolier Mourad Preure affirme que « inverser le flux gazier demande du temps et de l’investissement, chose dont ne semble pas disposer le Maroc pour satisfaire ses besoins immĂ©diats en gaz naturel ».
Le même expert explique que Le Gazoduc GME, notamment sa partie qui traverse le détroit du Gibraltar, est la propriété du groupe espagnol Naturgy, tandis que le tronçon du gazoduc qui transite par le Maroc, est la propriété du royaume chérifien, mais qui est géré par Metragaz, une société mixte entre Natrugy et ses partenaires portugais et marocain.
Cela indique que l’inversement du flux gazier est techniquement et juridiquement possible, mais ça serait sans compter des obstacles techniques de taille. Le plan du Maroc d’acquĂ©rir du gaz naturel liquĂ©fiĂ© (GNL) sur les marchĂ©s internationaux, le faire livrer dans une usine de regazĂ©ification en Espagne pĂ©ninsulaire pour enfin utiliser le GME pour l’acheminer vers son territoire se heurte Ă la contrainte du temps que le Maroc ne veut pas affronter.
Quelle solution pour le Maroc ?
Pour ne rien arranger aux choses, l’Espagne ne peut ni sacrifier sa propre demande interne, assez importante, pour voler au secours du Maroc, et mĂŞme si elle le dĂ©sirait, elle ne le pourrait pas vu que son accord avec l’AlgĂ©rie stipule que le gaz AlgĂ©rien acheminĂ© vers l’Espagne doit ĂŞtre consommĂ© en Espagne. Le Maroc se retrouve donc obligĂ© de chercher plus loin, ce qui lui fait perdre plus de temps.
« L’Espagne considère l’AlgĂ©rie comme un partenaire stratĂ©gique, pas seulement sur le plan gazier, et ne peut se hasarder Ă enfreindre la lettre des contrats, et surtout l’Ă©thique des affaires avec notre pays », dĂ©clare l’expert, ajoutant « qu’en clair, tous les volumes expĂ©diĂ©s d’AlgĂ©rie doivent ĂŞtre consommĂ©s en Espagne. Libre aux Ă©nergĂ©ticiens espagnols de spĂ©culer, faire des opĂ©rations d’arbitrage ou de couverture contre le risque pris en achetant et revendant des volumes spot au plus offrant. Les volumes algĂ©riens ne peuvent ĂŞtre concernĂ©s par ces transactions ».
Toujours selon le mĂŞme expert, une autre contrainte s’ajoute Ă la problĂ©matique auquel doit faire face le Maroc. « Le Maroc a-t-il les moyens, et Ă quel prix livrera-t-il ce gaz au client final », s’interroge le Pr Preure. Il explique qu’au coĂ»t de cette Ă©nergie importĂ©e d’Espagne il faudra ajouter les dĂ©penses de regazĂ©ification dans les usines espagnoles et de son acheminement via le GME jusqu’au Maroc, ce qui n’est pas rien.
Le Maroc, s’il tient Ă assurer ses besoins Ă©nergĂ©tiques, et il faudra bien qu’il le fasse afin de maintenir la paix sociale, devra mettre la main Ă la poche au moment oĂą les prix ont augmentĂ© et oĂą les stocks s’amenuisent. Une explosion sociale au Maroc risque toutefois d’avoir un impact sur toute la rĂ©gion.