Le directeur de la prévision au ministère des Finances, Sidi Mohamed Ferhane, a soulevé un coin du voile des velléités du gouvernement qui semble vouloir reprendre ce chantier de réforme des subventions après avoir soufflé le chaud et le froid pendant plusieurs années.
Le débat sur la consommation nationale d’énergie revient de plus belle, remis au centre des controverses par le ministre de l’Énergie, Mustapha Guitouni, qui, lors d’une plénière à l’Assemblée, avait indiqué qu’au rythme où vont les choses, “l’Algérie risque de ne plus pouvoir exporter son gaz naturel d’ici à trois ans”. Le ministre a indiqué que 50% du gaz produit est dirigé vers la consommation domestique. Ses propos ont eu l’effet d’un pavé dans la mare. Le patron du groupe Sonatrach a pris le relais, soulignant l’impératif de stabiliser la consommation locale en gaz naturel. “On a un mode de consommation de gaz exponentiel.
On ne peut pas continuer à consommer autant de gaz et aussi rapidement. Le véritable challenge que nous devons relever est de stabiliser la consommation locale en ce produit énergétique”, a indiqué le P-DG de Sonatrach. Pour étayer “la gravité” de la situation, le patron de Sonatrach a expliqué, lundi, que l’Algérie, dont la production actuelle de gaz naturel oscille entre 130 et 140 milliards de mètres cubes, a exporté en 2018 pour une quantité qui tourne autour de 50 milliards de mètres cubes, soit quasiment la même quantité que celle exportée en 2017. Les chiffres du ministère de l’Énergie lèvent le voile sur une production en gaz naturel de 130 milliards de mètres cubes, répartie entre 50 milliards de mètres cubes destinés à la consommation interne, 50 milliards de mètres cubes réservés à l’exportation et 30 milliards de mètres cubes consacrés à l’activité des puits pétroliers.
En moins d’un mois, le débat s’est emballé et a pris la tournure d’un enjeu de taille auquel tient la sécurité énergétique du pays. L’autre enjeu porte, bien évidemment, sur le niveau de la rente, étant donné que la consommation interne commence à grignoter d’importantes parts des hydrocarbures produits. Pour le pouvoir politique, il s’agit plutôt d’une question de survie. Preuve d’une évolution à vive allure de la consommation nationale des produits énergétiques, les ventes de carburants sont passées d’une moyenne de 5,7 millions de tonnes en 2000 à 16 millions de tonnes en 2015, et devraient passer à 30 millions de tonnes en 2030. Les ventes des six premiers mois de 2018 culminaient à plus de 8,7 millions de tonnes.
La consommation interne en gaz naturel évolue, elle, en moyenne de 10% annuellement depuis maintenant une dizaine d’années. Les dernières données du ministère de l’Énergie montrent que sur les seuls six premiers mois du précédent exercice, la consommation nationale en gaz naturel a bondi de 11,4%, à 24,1 milliards de mètres cubes. Les prévisions de consommation interne en 2030 s’établissent à 75 milliards de mètres cubes, à en croire une note prévisionnelle de Sonelgaz, dont 20% seront injectés dans les centrales électriques, dont la production ne fait que grimper, suivant le rythme d’une consommation qui ne faiblit point, compte tenu, non seulement de la hausse du nombre d’abonnés, mais aussi d’une politique de logement peu regardante sur les normes d’efficacité énergétique.
Agir sur les prix
Assez peu ouvert aux énergies renouvelables, le gouvernement n’a fait que repousser l’application des deux programmes portant sur le développement des énergies renouvelables et sur l’efficacité énergétique, renvoyant ainsi aux calendes grecques l’objectif de porter à 27% la part des énergies nouvelles dans le mix énergétique national. L’équation énergétique à moyen et à long terme s’est complexifiée davantage au fil des années, faute d’un engagement ferme en faveur des énergies renouvelables et de l’efficacité énergétique.
Les propos du ministre de l’Énergie et du P-DG de Sonatrach sur l’évolution de la consommation nationale en gaz traduisent une panique à bord car, mathématiquement, il n’y aurait aucun risque sur la sécurité énergétique du pays si l’on se base sur les statistiques volumétriques. L’enjeu porte plutôt sur le niveau de la rente, plus que jamais menacé par les quantités d’hydrocarbures consommées localement. Le gouvernement n’a de choix que d’augmenter la production d’hydrocarbures, tout en accélérant dans le développement des énergies renouvelables, sans pour autant perdre de vue l’impératif de stabiliser la consommation interne.
Il y aurait une velléité de reprendre le chantier de la réforme des subventions au moyen d’une hausse des taxes et des prix en fonction des niveaux de consommation des petits, moyens et gros consommateurs. De nouvelles mesures, semblables à celles de 2016 et de 2017, portant sur la hausse des taxes appliquées à la consommation des produits pétroliers et à la hausse des tarifs d’accès à l’électricité et au gaz, feraient leur retour dans les prochaines lois budgétaires. Le soutien de l’État aux prix des produits énergétiques (carburants, gaz et électricité) accapare une moyenne de 15 milliards de dollars annuellement.
Le gouvernement expertise actuellement la possibilité de lever graduellement le pied sur cette politique de soutien aux prix qui, de l’avis de l’OBS et des institutions de Bretton Woods, profiteraient beaucoup plus aux riches qu’aux couches défavorisées. Le sujet n’est pas officiellement assumé, mais il est sur la table. Officieusement, les études sur une meilleure canalisation des subventions avancent. Il y a quelques jours, le directeur de la prévision au ministère des Finances, Sidi Mohamed Ferhane, a soulevé un coin du voile des velléités du gouvernement qui semble vouloir reprendre ce chantier de réforme des subventions après avoir soufflé le chaud et le froid pendant plusieurs années. Il a indiqué que les subventions ont commencé à faire l’objet d’une étude destinée à examiner les conditions de leur réforme et leur ciblage.
Plus explicite, le directeur de prévision au ministère des Finances a souligné que sur la base d’une enquête de l’Office national des statistiques (ONS), relative à la consommation des ménages, il ressort que cette réforme devrait toucher en priorité, par le biais de taxes, les produits énergétiques (gaz, électricité et carburants) subventionnés à hauteur de 1 700 milliards de dinars pour la seule année de 2017.
Ali Titouche