Gaz de schiste: L’Algérie creuse le filon

Gaz de schiste: L’Algérie creuse le filon

Le groupe Sonatrach vient de forer son premier puits de gaz de schiste (shale gas) dans le bassin d’Ahnet, situé au sud d’In Salah. L’annonce a été faite depuis Kuala Lumpur, par le directeur central des associations de Sonatrach, Kamel Eddine Chikhi. Il a précisé notamment que cette découverte sera suivie de deux autres.

Selon lui, Sonatrach a réalisé en effort propre et en partenariat avec des bureaux de consulting internationaux, plusieurs études pour l’exploitation de ce gisement.

L’Algérie veut par ces études avoir une meilleure estimation du potentiel du sous-sol, surtout en matière de gaz non conventionnel ou appelé schiste.

Peu auparavant, le P-DG de Sonatrach, Abdelhamid Zerguine, avait annoncé lors de la session plénière, qu’il avait animée à la Conférence mondiale du gaz que des études récentes, réalisées le mois passé sur une superficie de 180 000 km2, ont fait état d’un potentiel énorme de gaz de schiste dépassant plus de 600 millions m3 par kilomètre carré, ce qui signifie que plus de 2 000 milliards de m3 peuvent être récupérés.

Ces études ont été commandées par Sonatrach auprès de deux cabinets internationaux, dont l’un est américain, selon M. Chikhi. En fait, depuis plus d’une année, l’Algérie a entamé des efforts pour l’exploitation du gaz non conventionnel.

Une initiative qui vient renforcer les capacités de l’Algérie dans la production du gaz, afin de remplacer celle du pétrole qui, selon plusieurs études, sera épuisée bientôt, devenue une nécessité pour permettre à l’Algérie de satisfaire la demande locale et d’assurer son indépendance énergétique à l’horizon 2050.

Certains prévoient même qu’il ne reste que 8 ans pour la production pétrolière en Algérie. D’autant que la production des gisements de gaz conventionnels devrait commencer à décliner à partir de 2030, selon les experts.

L’Algérie pourrait commencer à importer du pétrole à partir de 2020 et du gaz à partir de 2030 pour satisfaire la demande locale. À en croire le gouvernement algérien, les réserves de gaz non conventionnel sont aussi importantes que celles des États-Unis. Les USA produisent 200 milliards de mètres cubes par an de gaz de schiste, c’est-à-dire deux fois la production nationale de gaz conventionnel.

L’Algérie doit explorer et exploiter tout hydrocarbure, toute énergie possible, dont les schistes. Selon le ministre de l’Énergie et des Mines, Youcef Yousfi, les travaux préliminaires réalisés par les experts de Sonatrach, les ressources algériennes de gaz non-conventionnel sont sept fois supérieures aux ressources gazières conventionnelles. Les ressources en gaz de schiste du Sahara sont cependant connues depuis longtemps.

L’intérêt pour ces hydrocarbures non conventionnels s’explique donc par la nécessité d’assurer la transition énergétique du pays, par la faisabilité technique d’une telle exploitation et par des cours mondiaux élevés. Appelé également «gaz de roche-mère» ou «gaz de shale», le gaz de schiste est généré par la décomposition d’argile riche en matières organiques, et extrait à partir de terrains marneux ou argileux.

I. B.

EXPLOITATION DU GAZ DE SCHISTE: PLUSIEURS OBSTACLES, SELON LES EXPERT

Depuis l’annonce du gouvernement d’exploiter les gisements du gaz non conventionnel, dit gaz de schiste, une polémique autour du sujet est née. En fait, le débat se centre autour des difficultés qui empêcheraient la réussite de cette production.

D’autres points négatifs sont également relevés par plusieurs experts qui trouvent que l’ambition du gouvernement pourrait ne pas aboutir. À commencer par le professeur Abderrahmane Mebtoul qui, dans plusieurs de ces contributions, avertit sur les conséquences d’une telle exploitation. Parmi ces conséquences, il cite le risque de pollution.

Cependant, de nombreux gisements sont enfouis sous des nappes phréatiques et avec la remontée du gaz, le liquide de fracturation peut parfois atteindre ces nappes, et se mêler à l’eau, qui devient alors impropre à la consommation.

Selon un rapport rédigé par la commission de l’énergie et du commerce de la Chambre des représentants américaine, l’exploitation du gaz de schiste a entraîné l’utilisation de « plus de 2 500 produits pour la fracturation hydraulique, contenant 750 substances chimiques dont 29 sont connues pour être cancérigènes ou suspectées telles ou présentant des risques pour la santé et l’environnement ».

Selon lui, pour l’Algérie, le problème se pose différemment, car le risque de pollution des nappes phréatiques est plus modéré, la nappe d’eau étant l’Albien, une eau fossile qui connaît un rabaissement de niveau qui devient continu.

Il se pose également plusieurs questions stratégiques. L’Algérie a-telle établi une carte géologique fiable confirmant les assertions du ministre de l’Énergie ? Il n’existe aucune statistique internationale, entendue d’organismes mondiaux reconnus en la matière, qui confirment les données qu’il a avancées.

Selon les dernières estimations établies par l’Agence internationale de l’énergie (AIE) en 2011, nous avons les réserves mondiales de gaz de schistes récupérables suivantes (en milliards de mètres cubes gazeux) : Chine : 36 120, USA : 29 500, Argentine : 21 900 ; Mexique, 19 300- Afrique du Sud : 13 700, Libye : 8 200, Algérie : 6 500 (et non pas les réserves des USA, soit à peine 25%!).

Le professeur pose également le problème de compétences nationales. Pour l’Algérie, le grand problème autant que pour les énergies renouvelables est le suivant : est-ce que l’on a préparé la ressource humaine ? Il ne s’agit pas uniquement d’une gestion de l’argent, contrairement à ce que semble croire le gouvernement actuel.

Si l’on veut développer ce gaz non conventionnel ou le solaire, il faut d’ores et déjà préparer la formation adéquate. Autrement, le poste services (compétences étrangères) qui est passé de 2 milliards de dollars en 2002, à plus de 11 milliards de dollars en 2011 (Le segment des hydrocarbures accapare une grande part avec le BTPH) risque d’être multiplié par cinq, sinon plus !

Aussi, la reformulation de la loi des hydrocarbures permettra- t-elle de relancer l’exploration sur des bases opérationnelles. À moins et comme cela se passe pour la majorité des entreprises publiques structurellement déficitaires, le Trésor supporte ce déficit, sachant qu’il a consacré plus de 50 milliards entre 1991/2011, selon le professeur.

I. B