Gaz de schiste en Algérie : pourquoi le pouvoir s’entête-t-il ?

Gaz de schiste en Algérie : pourquoi le pouvoir s’entête-t-il ?

A travers cette longue histoire de gaz de schiste qui avait commencé une certaine année (1949) au Canada où on avait pensé mettre les pieds toujours sur le même gaz dit « conventionnel ».

A l’époque, l’humanité ne connaît pas encore ce terme, parce que tout simplement nous ne savions pas encore s’il existait le gaz non conventionnel, donc ce sont les canadiens et non les américains qui sont les premiers inventeurs de ce nouveau type de gaz et/ou pétrole de schiste.

Ils ont dû rencontré énormément d’embûches et obstacles pour l’extraction de cette nouvelle substance, et c’est exactement à ce moment que la contribution des géologues américains était nécessaire, en développant la technique la plus appropriée, mais aussi la plus problématique et sujet de controverse, il s’agit bien entendu de la fracturation hydraulique ou « fracking » selon le lexique anglo-saxon qui indirectement dire qu’il faut éclater la roche-mère (lieu de formation et d’emmagasinement des hydrocarbures) pour pouvoir récolter la substance en question.

On ne pourra réussir la fracturation hydraulique que si on réunit les ingrédients d’un mélange assez universellement connu, nous retrouvons de l’eau (de préférence douce pour éviter les attaques des parois de forage) dont le taux avoisine les 95%, du sable (d’une certaine finesse mesurée) dont le taux est de l’ordre de 4.5% et enfin la fameuse gamme d’additifs dont le taux est de l’ordre de 0.5%, ces derniers se comptent de 500 dont une trentaine (30) est qualifiée de cancérigènes comme le toluène, le benzène etc.

Tout ce mélange étant injecté sous très haute pression, d’abord verticalement (forage vertical) dans une profondeur qui serait de l’ordre de 1500 m (comme aux USA) ou 2000 à 3000 m (comme en Algérie), après on doit forer latéralement (forage horizontal) pour enfin déclencher la fracturation hydraulique. Reste à préciser que lors de l’exécution des forages, une opération de cimentation des parois de forages doit être réalisée, nos responsables de Sonatrach évoque les doubles parois, mais rien n’apporte les preuves palpables, donc du terrain.

Le risque zéro est inexistant où d’éventuelles fuites de gaz, d’eaux polluées, etc., peuvent se produire suite aux accidents, aux défauts techniques d’instruments de forage. Des séismes de moyenne amplitude peuvent se déclencher suite à l’hydro-fracturation, ce genre de mouvements telluriques peuvent engendrer des failles (comme ça était le cas de Chott Jerid en Tunisie) qui peuvent remonter jusqu’à la surface, et ce en contaminant dans ce cas les nappes phréatiques qui se trouvent dans des niveaux supérieurs par rapport au forage exécuté.

Les effluents rejetés par la remontée du gaz sont récupérés dans des bassins à l’air libre pour s’évaporer naturellement, sans le moindre traitement, d’ailleurs il n’existe pas ailleurs, et ce même aux USA où leurs ingénieurs n’arrivent à traiter que de petites quantités des boues polluées.

La remontée des radionucléides et des bactéries nocives est inéluctable, du moment qu’on doit atteindre les tréfonds du sous-sol saharien, ces éléments radioactifs et bactéries à eux seuls contaminent les eaux, sols et atmosphères.

Un point important à saisir, quelle est la période à partir de laquelle on pourra sentir réellement les méfaits de ce type d’exploitation ? Pour répondre à cette question, on est obligé de référer aux expériences des pays qui nous ont devancés dans cette histoire. Les Etats-Unis et le Canada sont les premiers référents, donc on a prouvé selon plusieurs documents gas land (documentaire), Elisabeth Royt (journaliste américaine) et bien d’autres références, qu’une période de 50 ans est assez suffisante pour constater les dégâts et catastrophes comme celles de Pennsylvanie où d’innombrables cas de fuites de gaz, déformations d’animaux, morts d’oiseaux etc ont été recensés, ce qui conduit à la migration écologique de populations entières.

Que faut-il faire pour s’assurer de la validité ou non de substance de schiste pour l’Algérie ? Pour tenter de répondre, il faut d’abord s’assurer de l’épuisement des réserves de substances conventionnelles pour pouvoir enclencher ou déclencher tout débat sur le non-conventionnel, les réserves du conventionnel ont été prouvées et argumentées même par nos officiels de la Sonatrach.

Pour notre pays, ce n’est pas le cas, sachant que seulement les 40% de notre Sahara sont prospectés, et qu’il existent encore des réserves des Hauts-Plateaux, sur le littoral et de l’off-shore. Alors dans ce cas, pourquoi nos responsables insistent pour le gaz et pétrole de schiste ? La réponse à cette question ne demande pas absolument la précipitation, le forcing institutionnel et l’amalgame et confusion au niveau des médias, parlement etc.

La sagesse et la logique veulent qu’avant d’opter pour les huiles de schiste, il faut exiger un moratoire, déclencher un débat national, serein et indépendant, et ce même si ça devrait prendre des années entières. La réalisation d’un audit environnemental par des experts nationaux et internationaux indépendants en vue d’étudier objectivement l’éventuel impact sur les éco-systèmes et la santé des populations riveraines et lointaines des endroits où s’effectuent les opérations d’exploration et d’exploitation des huiles de schiste est nécessaire.

Il reste une question à poser aux officiels, que fait-on du Conseil national de l’énergie si ce n’est l’approfondissement des discussions et débats sur des questions énergétiques ? Il reste manifestement au terrain de trancher entre des populations qui contestent et qui ne s’épuisent pas et des responsables de la boîtes secrètes qui s’entêtent dans cette histoire afin de nous faire passer le message comme quoi ils sont obligés de passer par ce chemin.

A la fin, je dois dire que la vérité finira par s’étaler au grand jour dans notre pays, ce beau pays l’Algérie qui ne mérite pas de telles gabegies et catastrophes.

Dr Moussa Kacem​

Maître de Conférences à l’université d’Oran 2 Mohamed Benahmed

Expert en Mines et Carrières

Expert en Environnement