La société française d’électricité EDF a annoncé cette semaine la réduction des tarifs du gaz importé d’Algérie à partir de 2013. Cette réduction des prix du gaz devrait constituer le résultat d’une «nouvelle phase de renégociations qui a débuté au quatrième trimestre 2012 avec les fournisseurs gaziers».
C’est en publiant les résultats de son exercice pour le troisième trimestre 2012 qu’EDF a fait cette révélation, tout en montrant des signes de confiance quant au succès attendu par sa filiale italienne Edison qui s’est tournée vers l’arbitrage international pour obtenir une baisse des prix du gaz fourni par la Sonatrach. Edison, qui est le second opérateur d’électricité sur le marché italien, a été racheté il y a quelques mois par EDF qui contrôle les ventes donc de la Sonatrach aussi bien en France qu’en Italie. Dans son rapport trimestriel, EDF révèle d’ailleurs qu’Edison «a obtenu gain de cause dans les arbitrages de ses contrats long terme d’approvisionnement gazier avec Rasgas (Qatar) et ENI (Libye). Ces succès auront un impact positif d’environ 700 millions d’euros sur l’EBITDA 2012 du Groupe», ajoutant que «la révision du contrat avec Sonatrach devrait produire ses effets en 2013». Face à ces certitudes françaises, c’est le mutisme total du côté algérien.
Les autorités algériennes n’ont d’ailleurs pas réagi aux déclarations du Premier ministre français lorsqu’il a insisté il y a un mois sur la nécessité absolue de «changer ces règles contractuelles pour que nous puissions revenir à des règles de fixation du prix du gaz qui soient respectueuses du pouvoir d’achat des Français». Outre EDF, le Premier ministre français, Jean-Marc Ayrault, avait confirmé son intention de renégocier, via GDF Suez, les contrats gaziers avec l’Algérie. En un temps très court, la Sonatrach s’est retrouvée seule face à ses clients français et italiens qui menacent tous de recourir aux marchés du spot qatari, plus avantageux sur les tarifs du gaz. L’Algérie fournit à la France 4,8% de ses importations d’hydrocarbures, alors que les exportations vers l’Italie sont de l’ordre d’un milliard et demi de mètres cubes par an, transportés par le gazoduc reliant les deux pays.
Les menaces de l’italien ENI
Il y a un mois environ, le P-dg du groupe italien ENI est intervenu publiquement pour dénoncer les contrats «take or pay» qui le lient à l’Algérie, la Russie et la Norvège. «Nous sommes en train d’ouvrir un nouveau cycle de renégociation de nos contrats. Il est nécessaire de revoir la structure du contrat “take or pay” et la suppression de l’obligation de retrait des quantités de gaz avec le fournisseur rendant les prix plus appropriés» a-t-il déclaré. Pourtant, sur le marché algérien, ENI est plus avantagé que son compatriote Edison sur les prix des contrats long terme du fait qu’il est associé au gazoduc qui relie l’Algérie à l’Italie. Le groupe italien est, par ailleurs, associé à plusieurs opérations d’exploitation d’hydrocarbures en Algérie. D’autre part, il a signé en 2010 un contrat de prospection et d’exploration sur les gaz de schiste sur le bassin d’Ahnet, au sud d’In Salah. Tous ces arguments ne semblent pas suffire aux négociateurs algériens pour imposer le prix et un volume équitable.
L’arme de la préemption
Depuis qu’elle a gagné son procès contre ENI et obtenu la révision en sa faveur des prix d’un contrat de fourniture de gaz naturel avec ENI en Libye, Edison, la filiale d’EDF, ne cesse de montrer des signes de confiance sur la procédure arbitrale concernant le gaz algérien. Le tribunal d’arbitrage devrait se prononcer au premier trimestre de 2013. Pourtant, Sonatrach disposait de tous les moyens de pression sur Edison en vue de l’obliger à abandonner la procédure à la faveur d’une renégociation des termes du contrat liant les deux sociétés. Car Edison est l’un des associés de la Sonatrach sur un bloc situé dans la zone de Reggane, qui devra produire, à partir de 2016, des quantités progressives avec un objectif de 8 millions de mètres cubes de gaz par jour dès la première année. Lorsque le groupe français EDF avait racheté, en juillet dernier, la totalité des actions d’Edison, la Sonatrach aurait pu faire valoir les lois de la République et exercer son droit de préemption sur les parts de l’associé italien dans le projet Reggane. Cependant, rien n’a été fait dans ce sens.
Fodil B.