Gasoil et super,Sonatrach tente d’éviter une pénurie

Gasoil et super,Sonatrach tente d’éviter une pénurie

Les commentaires ayant entouré l’achat, il y a quelques jours, par l’Algérie, de onze cargaisons de gasoil démontrent une fois encore l’étendue des difficultés de Sonatrach dans la gestion de ses stocks énergétiques.

Après la démonstration faite de sa fébrilité dans la maîtrise des équilibres de distribution du gaz butane, la gestion actuelle du marché des produits raffinés risque encore de plonger le pays dans une crise de distribution de carburants. La fermeture de la raffinerie de Skikda à partir du mois de mai sera probablement assez longue pour provoquer un déséquilibre dans la distribution des carburants. Alors que la raffinerie d’Arzew tarde à se remettre en marche, les Français de Technip continuent de cumuler les retards dans la réhabilitation de la raffinerie d’Alger. En conséquence, il y a un risque sérieux de perturbation dans la distribution des produits raffinés avec de surcroît l’éventualité de se retrouver dans l’obligation d’honorer une facture à même de dépasser le seuil des 2 milliards de dollars pour l’importation de carburants.

Une programmation mal respectée

Dans son programme de réhabilitation de certaines raffineries situées au nord du pays, Sonatrach n’ignorait pas qu’elle allait provoquer une baisse de la production de produits raffinés tout au long de l’année en cours. Dans ce programme, il était prévu l’arrêt du Topping 1 de la raffinerie de Skikda, pendant 92 jours du 1er mars au 31 mai 2012 pour travaux de réhabilitation ainsi que l’arrêt du Topping 2 de cette même raffinerie pour travaux de réhabilitation pendant 17 jours du 23 mars au 8 avril 2012 puis pendant 92 jours du 1er août au 31 octobre 2012.

Or, on enregistre déjà un énorme retard par rapport aux échéances fixées au préalable. A en croire son programme, Sonatrach devrait «importer en 2012, quelque 2,1 millions de tonnes de gasoil et 370 mille tonnes d’essence super afin de pallier les déficits de production engendrés, notamment, par les arrêts programmés de la raffinerie de Skikda». Mais, ce programme a très rapidement laissé apparaître ses limites. Comment se fait-il que celui-ci n’ait pas intégré le phénomène de la contrebande qui ronge l’économie du pays ? Des dizaines de milliers de tonnes de carburants traversent constamment toutes nos frontières et alimentent régulièrement les consommateurs des pays voisins. Jusqu’à ce jour, Sonatrach a été incapable d’estimer le volume des carburants qui aboutissent de l’autre côté des frontières.

Raffineries : l’empreinte de Chakib Khelil

Quand il inaugurait la raffinerie de condensat (RA2K), Chakib Khelil déclarait fièrement qu’elle disposait d’une capacité de traitement de 5 millions de tonnes par an et qu’elle allait combler une bonne partie du déficit algérien en produits raffiné. Pourtant, cette nouvelle raffinerie, dont le coût d’investissement a été de 28,6 milliards de dinars, n’a pas pu résoudre tous les problèmes. L’énorme retard cumulé dans l’activité aval est, de l’avis de tous, le résultat d’une politique menée pendant une décennie par Chakib Khelil. Celui-ci ralentissait tous les programmes d’investissement de Sonatrach dans l’aval et privilégiait les projets de partenariat à l’image de l’arnaque concédée à Orascom dans l’usine d’Arzew ou encore de celle du projet qui devait être lancé avec Total. Les arguments de Chakib Khelil reposaient sur le fait que l’importation des produits raffinés revenait moins cher et du coup personne ne contestait cette démarche. La politique de son successeur est, quant à elle, marquée par l’attentisme qui risque de plonger le pays dans des déséquilibres structurels sans précédent. Le groupe de travail qu’il a constitué pour l’élaboration d’un plan de déploiement des nouvelles raffineries se concentre principalement sur le projet d’une usine à Batna, sans tenir compte de son impact sur l’environnement et surtout sur l’activité agraire.Du coup, l’Algérie continuera à importer d’énormes quantités de carburant même si les chiffres présentés à Bouteflika laissent transparaître des lueurs d’espoir en matière d’autosuffisance. Dans son programme moyen terme (PMT), Sonatrach a prévu d’investir, entre 2012 et 2016, dans l’aval quelque 436 milliards de dinars, soit 6,1 milliards US $, dont 77% concernent les projets de réalisation des deux méga-trains de Skikda et d’Arzew et le programme de réhabilitation, modernisation et adaptation des raffineries du Nord. Selon ce même programme, la quantité de pétrole brut à traiter dans les raffineries (RA1K, RA1Z, RA1G, R.HMD) passera de 19 millions tonnes en 2012 à 25 millions tonnes en 2016, soit une augmentation de 30%. Ces chiffres apportent, certes, un sentiment de confiance pour les Algériens, mais pour ceux qui consultent régulièrement le Baosem (bulletin consacré aux marchés du secteur de l’énergie), ces projets sont tout simplement utopiques. De l’avis de tous les experts avertis, Sonatrach est incapable de réaliser de tels projets. Les experts qui avancent de telles affirmations se basent surtout sur le fait que 30% environ des appels d’offres du secteur de l’énergie sont déclarés infructueux. Les cadres de Sonatrach ne sont pas encore réconfortés par les dispositions légales et la liste des litiges et contentieux ne cesse de s’allonger. Les mêmes observateurs font également allusion au profil du nouveau PDG de l’entreprise qui n’encouragerait pas la mise sur pied d’une politique déterminée de prise en charge de la question des produits raffinés pour le marché national.

H. M.