Gangs de quartiers: La nouvelle « tendance »

Gangs de quartiers: La nouvelle « tendance »

La « vocation » de gardien de parking est devenue de nos jours la principale activité des gangs de quartiers et de centaines de jeunes chômeurs. En fait, ces jeunes se sont carrément érigés en maîtres indétrônables des trottoirs.

Bien que ne répondant à aucune norme d’activité sociale ou économique, ce phénomène fait partie, aujourd’hui, du décor de la capitale et des grandes villes du pays. Bien que tout acte de violence soit réprimé et puni de deux années de prison, les jeunes n’en sont pas pour autant dissuadés. La violence urbaine est devenue le mot d’ordre des jeunes des cités.

Il y a quelques années, les citoyens considéraient cette «activité» comme une forme de mendicité. Les automobilistes avaient alors le choix d’offrir quelques dinars aux pseudo gardiens, jusqu’à ce que les jeunes riverains accaparent les trottoirs et imposent leur propre loi, celle du « tu payes ou tu… payes ».

Beaucoup d’automobilistes sont forcés de payer leur arrêt même s’il n’est question que d’une pause de quelques minutes. Face à ce problème récurrent, les propriétaires de véhicules ont la forte conviction d’être seuls contre tous, et finissent, par céder les 50 DA minimum aux racketteurs.

Et dans le pire des cas, à la moindre protestation ou résistance, le contestataire est victime de violence et est tabassé à coups de gourdins. Et généralement, le même sort est réservé aux véhicules qui subissent des dégâts importants.

Il y a quelques années, plusieurs élus d’APC ont tenté d’organiser cette «profession» mais en vain. L’initiative consistait en fait à recenser les «travailleurs» dans ce domaine, et à leur attribuer des gilets et des badges dans l’ambition d’absorber le nombre croissant de jeunes chômeurs. Il s’est trouvé, cependant, que les dérapages ont eu vite lieu. Cette perspective qui devait, selon certains élus, apporter ses fruits, n’a fait qu’empirer la situation. Les plus redoutables des groupes de jeunes ont fini par s’approprier les lieux. Devant

l’inertie des autorités locales et compétentes, c’est entre les mains des gardiens de parking que le simple citoyen doit se débattre. Le phénomène des parkings illégaux gangrène, quasiment, tous les quartiers et agglomérations à forte fréquentation, tandis que les élus locaux temporisent la résorption de ce fléau social. Imposant leur diktat, ces nouveaux «seigneurs» des trottoirs y règnent en toute quiétude et assurance.

LES CONFRONTATIONS SANGLANTES DES GANGS DE QUARTIERS

L’incident a eu lieu, il y a à peine quelques jours au niveau du vieux quartier de Belcourt ( Belouizdad). Un petit garçon a succombé à ses blessures provoquées par les projectiles de «signal de détresse» que les navigateurs utilisent en cas d’urgence marine.

A l’origine, c’est suite à une guerre de quartiers qui s’est déclenchée entre deux groupes de jeunes dits «ennemis» et issus des quartiers de l’Aakiba et Echaaba, que cet objet prohibé a été déclenché. Se trouvant au mauvais moment et au mauvais endroit, l’enfant a été mortellement touché par le «signal». Malheureusement, il est décédé quelques temps après.

En fait, ce drame qui a fait parler la presse nationale, a dévoilé l’existence de véritables gangs de quartiers dans nos cités. Dans la capitale, les conflits sévissant entre les groupes de jeunes de Bab El- Oued, de Zéralda, de Belcourt, de Baraki, El Harrach, et tant d’autres sont de plus en plus fréquents.

Ces nouvelles tendances, prônant la violence et le sang, sont, parait-il, importées de certains pays étrangers, à l’instar de la France et des USA, via les médias et l’Internet. Beaucoup de jeunes mesurent leurs biceps et tentent, en fait, de semer la terreur, pour dominer.

Formés généralement de drogués et de délinquants récidivistes, ces groupes de jeunes n’ont rien à craindre et imposent leur propres lois à tous.

Depuis les évènements survenus dans certains pays voisins, qu’on appelle le printemps arabe, ces formations dangereuses font preuve d’une hostilité incomparable envers les autorités locales et même les services de sécurité. En fait, ces groupes prônent la violence et la résistance à toute forme de réglementation. Insensibles aux dispositifs de dissuasion mis en place dans le cadre de la lutte contre la criminalité, l’hostilité se conjugue chez eux à tous les temps et s’accorde à toute situation.

Selon le témoignage des résidents, à la moindre étincelle, ces gangs se rassemblent pour répondre aux dépassements perpétrés par les jeunes provocateurs venus d’autres quartiers. «Les gros bras de Laakiba ne sont pas près d’abandonner le duel qui les oppose à ceux de Chaâba, à Belouizdad», nous a confié un jeune issu de ce milieu.

La ville est devenue leur arène d’affrontements, provoquant la pagaille et la panique parmi les populations.

Toutes sortes d’armes prohibées sont utilisées dans ces affrontements. Haches, sabres, chaînes d’acier, fusils à harpons et couteaux de différents calibres. Même les « pitt bull » y sont utilisés. A ce propos, il faut signaler que la prolifération de l’élevage de cette race de chien, chez nous, alors qu’elle est interdite dans pas mal d’autres pays du fait de la dangerosité de cet animal, interpelle, en toute urgence, les autorités censées faire appliquer la loi et faire régner la sérénité et la sécurité des populations. Un nouveau terrorisme pourrit notre milieu urbain ces dernières années.

Ces groupes ont la mainmise sur leurs quartiers à la grande faveur des barons de la drogue et des dealers qui y exercent leurs activités frauduleuses en plein jour et sans crainte aucune. C’est à l’image du quartier Climat de-France, à Bab El-Oued, où toutes sortes de stupéfiants sont vendus à toute heure et même consommés sur place. Les résidants restent malheureusement otages de la situation qu’ils ne peuvent dénoncer par crainte de terribles représailles.

Rien ne semble freiner ce fléau qui menace la sécurité du simple citoyen, si ce n’est qu’une volonté des dirigeants à le prendre sérieusement en charge. Considéré comme un problème social épineux, c’est avec l’implication de tous les acteurs, élus, dirigeants, sociologues et citoyens que l’on pourra, peut-être, remédier à ce trouble dont sont victimes nos jeunes et la société algérienne.

Hanane Essaissi