Gambie: Premières auditions de la Commission vérité/réconciliation

Gambie: Premières auditions de la Commission vérité/réconciliation

La Commission vérité et réconciliation de Gambie, chargée d’enquêter sur les crimes commis pendant les 22 ans du régime de l’ex-président Yahya Jammeh, a entamé hier ses auditions, deux ans après le départ du pouvoir de M. Jammeh.

La Commission vérité, réconciliation et réparations (TRRC), lancée en  octobre et formée de 11 membres, a auditionné son premier témoin, Ebrima Chongan, un responsable de la police pendant le coup d’Etat ayant porté au pouvoir

M. Jammeh en 1994.  «Je connais très bien Yahya Jammeh. Je l’ai formé dans la gendarmerie. Il était un soldat indiscipliné et un comploteur permanent. Il prenait de l’alcool», a déclaré

M. Chongan. Il a affirmé avoir été arrêté après le coup d’Etat de M. Jammeh avec un autre responsable de la police, Pa Sallah Jagne, et emprisonné dans la banlieue de Banjul.  Après l’arrestation au quartier général de la police à Banjul par des  soldats, «nous avons été emmenés à la prison Mile (Two, dans la capitale) où  nous avons été confinés à l’isolement», a dit M. Chongan. La cellule où ils ont été détenus était, selon lui, infestée de rats et de la mauvaise nourriture leur était servie. «La junte nous a qualifiés de menace pour la sécurité nationale», a-t-il poursuivi.

Instituée par une loi en décembre 2017, la TRRC dispose de pouvoirs d’enquête et pourra, au terme de ses travaux dans deux ans, recommander des poursuites ou des réparations. Présidée par un ancien diplomate auprès des Nations-Unies, Lamin Sise, la Commission comprend quatre femmes, dont la vice-présidente Adelaide Sosseh, et représente l’ensemble des communautés ethniques et religieuses du pays. «Le début des auditions de la Commission est un important premier pas vers  la garantie de justice, de vérité et de réparations en Gambie et montre un fort engagement du gouvernement de rompre avec un passé fait de systématiques violations des droits humains», a déclaré hier la directrice d’Amnesty International pour l’Afrique de l’Ouest et du Centre, Evelyne Petrus Barry, dans un communiqué. Parvenu au pouvoir par un putsch sans effusion de sang en 1994, Yahya Jammeh s’était fait largement élire et réélire sans interruption jusqu’à sa défaite en décembre 2016 face à Adama Barrow, candidat de l’opposition.

Après six semaines d’une crise à rebondissements provoquée par son refus de  céder le pouvoir, il a finalement dû quitter le pays le 21 janvier 2017 pour la Guinée-Equatoriale à la suite d’une intervention militaire de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest et d’une ultime médiation guinéo-mauritanienne.

Les défenseurs des droits de l’homme accusaient le régime Jammeh d’actes systématiques de torture contre des opposants et des journalistes, d’exécutions extra-judiciaires, détentions arbitraires et disparitions forcées.