Le tabou qui entoure la santé d’Omar Bongo Ondimba, 73 ans, le président du Gabon, depuis qu’il a « suspendu momentanément » ses activités, le 6 mai, a été partiellement levé, jeudi 21 mai, par une déclaration lapidaire du ministre espagnol des affaires étrangères : « Il va très mal », a affirmé Miguel Angel Moratinos, au quotidien La Vanguardia. Citant des » sources médicales », le journal catalan ajoutait que M. Bongo, hospitalisé depuis deux semaines à la clinique Quiron de Barcelone, souffre d’une « grave tumeur ».
Installé au pouvoir en 1967 avec la bénédiction du général de Gaulle, le président Bongo personnifie la survivance d’un lien post-colonial souvent dénommé « Françafrique » et d’un régime autoritaire bénéficiant du soutien de Paris.
La teneur de ces premières déclarations publiques a été confirmée par deux sources citées par l’Agence France Presse. Le président gabonais souffre d’un cancer des intestins avec métastases, assure l’une d’elles. Une autre affirme que M. Bongo alterne des phases de conscience et d’inconscience. Selon d’autres informations, le président a quitté le Gabon pour l’Espagne au début de mai à bord d’un avion médicalisé en compagnie de proches, dont Pascaline Gabon, sa fille et directrice de cabinet.
La publicité donnée aux propos du ministre espagnol a conduit les autorités gabonaises à rompre le silence absolu qu’elles observaient jusque-là, y compris sur le lieu où se trouvait M. Bongo. Dans un communiqué diffusé depuis Barcelone, la présidence du Gabon confirme son hospitalisation, mais affirme qu’elle vise à « faire un bilan de santé et (…) suivre des soins appropriés afin d’être au mieux de sa forme pour regagner le Gabon et reprendre au plus vite ses activités ».
M. Bongo « n’a subi aucune intervention chirurgicale », assure le même texte, dénonçant un « acharnement médiatique aujourd’hui particulièrement indécent et savamment entretenu pour semer le trouble dans l’esprit du peuple gabonais à des fins déstabilisatrices ». De son côté, le premier ministre François Fillon, en visite à Yaoundé (Cameroun) jeudi 21 mai, a qualifié de « satisfaisante » la santé du chef de l’Etat gabonais et lui a adressé ses « voeux de prompt rétablissement ».
Avant les déclarations du ministre espagnol, Libreville avait seulement expliqué l’absence du président Omar Bongo, qui a perdu son épouse Edith Lucie le 14 mars, par son souhait de « se ressourcer dans le repos ».
Nombreuses spéculations
Le trouble suscité par la vacance de fait du pouvoir a renforcé le black-out observé à Libreville où aucune personnalité ne se risque à la moindre analyse publique. « Tout le monde a peur. Les administrations tournent au ralenti », rapporte un témoin gabonais qui décrit une situation calme.
La question de la succession de M. Bongo, officiellement hors de propos, fait néanmoins l’objet de nombreuses spéculations. Les déclarations officielles rappelant les règles prévues par la Constitution gabonaise pour assurer « la continuité du fonctionnement du pays » tendent à les alimenter.
Le choix du président Bongo d’être hospitalisé en Espagne et non en France est analysé comme le signe d’une volonté gabonaise d’afficher une certaine distance à l’égard de Paris. Le 5 mai, une juge d’instruction parisienne a jugé recevable la plainte pour « recel de détournement de fonds publics » visant notamment Omar Bongo pour l’acquisition en France d’un imposant patrimoine d’immeubles et de voitures de luxe, au détriment du budget de son pays.
Le parquet de Paris a fait appel de cette décision le 7 mai témoignant du soutien de l’exécutif français au vieil « ami de la France ».