La crise malienne et l’insécurité qu’elle engendre font que des milliers de subsahariens fuient le Nord-Mali mais aussi la région du Sahel. Et l’un des pays privilégiés de cette immigration, quelque part forcée, c’est bel et bien l’Algérie. Les habitants et les habitués de la capitale ont remarqué que le nombre des subsahariens circulant dans les ruelles a sensiblement augmenté ces derniers mois.
Dans les autres wilayas, quoique cela ne soit pas avec la même acuité, les choses ne diffèrent pas trop. En effet, les villes côtières et celles de l’intérieur connaissent un afflux inhabituel d’immigrants, souvent clandestins. Une situation qui n’est pas sans provoquer des désagréments, puisque de ces immigrés il y aura même ceux qui, sans ressources, s’adonnent à la mendicité.
Au marché Clausel, en guise d’exemple, c’est un couple, avec une fille de presque trois ans, qui tendent la main. Ceux-ci font tout le «nécessaire» pour attirer la pitié des passants : un bandage sur un bras, en haillons, des cheveux désordonnés… et même des cris «muets» de détresse. A la rue Larbi Ben M’hidi, c’est un jeune, la trentaine, allongé à même le trottoir, qui tente quotidiennement de soustraire quelques pièces de monnaie aux passants.
Est-il fou ou jouit-il de toutes ces capacités mentales ? Difficile de le dire. Mais à le voir gesticulant, priant, riant, parfois pleurant, on ne peut qu’avoir pitié de lui. D’autres se font plus discrets : les uns demanderont l’aumône d’une façon ciblée, en abordant séparément les piétons et leur racontant des histoires à attendrir les plus durs des coeurs.
D’autres, souvent des femmes, se placeront sur les bords des routes où l’embouteillage contraint les automobilistes à ralentir ou à s’arrêter complètement. De ces immigrés, il y a ceux qui voudraient gagner leur vie en «travaillant». Ils exerceront différents métiers manuels. Les uns préféreront la cordonnerie que leurs compatriotes, présents en Algérie depuis longtemps, exercent. Et d’autres choisissent les chantiers où ils seront sous-payés et surexploités.
Cependant, selon divers témoignages, ce n’est là qu’un moyen de survivre en attendant de quitter le pays, mais pas les poches vides.
L’ESCROQUERIE : L’AUTRE MANIÈRE DE GAGNER SA VIE
Les habitants que nous avons approchés pour connaître leur avis sur cette présence étrangère sur le sol algérien, ainsi que sur les activités de ces immigrés ont exprimé des avis, certes différents, mais un grand nombre ont mis en avant leur méfiance.
«Ils (les subsahariens ndlr) n’ont jamais en tête de trop s’attarder en Algérie. Celle-ci n’est pour eux qu’un transit qu’ils veulent quitter riches. Et tous les moyens sont bons», déclare, sous couvert d’anonymat, un homme d’un certain âge rencontré dans un café maure. Et à la question de savoir ce que sont ces moyens, l’homme répond.
«L’escroquerie ! Ils ont développé des techniques vraiment incroyables pouvant aller jusqu’au charlatanisme. Un seul but est à atteindre : gagner vite et beaucoup». «Un exemple avons-nous demandé hâtivement. «C’est très simple, répond-il. Il y a ceux qui proposent de guérir la stérilité, l’impuissance sexuelle ou, ce qui est encore plus grave, d’agrandir la taille des organes sexuels.
Et ça marche ! Ils évoquent des remèdes magiques qu’ils doivent chercher ailleurs, dans leurs pays d’origine par exemple. Et c’est le ‘’patient’’ qui doit, bien évidemment, payé les frais imaginaires, puisque le charlatan n’ira nulle part. Et ce n’est que le début d’une longue série de dépenses». Charlatanisme, ce n’est pas tout ! D’autres moyens sont employés pour soustraire de l’argent aux naïfs.
«Il y a des hommes de couleur qui inventent l’existence de trésors dans telle ou telle propriété. Ils s’approchent du propriétaire, lui annoncent sa future fortune, mais son extraction, lui feront-ils comprendre, nécessite un savoirfaire, pas scientifique mais plutôt une autre forme de savoir : manipuler ou tout simplement faire éloigner les esprits» gardiens du trésor. Une fois que le propriétaire croit que son domaine renferme la richesse, les escrocs passent à l’étape suivante.
«Les potions magiques qui permettront de distraire les gardiens du trésor, nécessitent des déplacement, des ingrédients rares et chers, des services de tierces personnes…», lui dira-t-on, raconte un ami de l’homme qui nous a livré le premier témoignage et qui, lui aussi, a refusé que son nom soit cité ici. «Conte de fée, mais il y a bien ceux qui y croient», conclut-il.
LES BILLETS NOIRS, LA MEILLEURE ASTUCE
«Il y a ceux qui ont quitté l’Algérie avec beaucoup de pognon», poursuit l’homme dont les traits durs du visage témoignent d’une expérience assez fournie. «Mais le moyen le plus usité, rajoute-t-il, c’est ce qu’on appelle les billets noirs ou les billets codés». L’histoire tient un peu de la fiction, mais, assure notre interlocuteur, «le faux s’inspire du vrai».
D’après ce qu’on m’a dit, explique-t-il, il y a un procédé que nombre de pays utilisent pour faire acheminer de l’argent dans un pays en guerre ou dans une zone où règne l’insécurité. On code les billets, en les teintant avec un produit qui les rend tous noirs. Pour les «laver», ils utilisent donc un autre produit, qui, lui, est acheminé par une autre voie. Même si les billets tombent entre les mains de bandits ou de terroristes, ils ne pourront rien faire avec, puisque le produit «décodeur» sera ailleurs.
Cela, c’est le vrai. Voyons maintenant le faux : les escrocs achètent un coffre-fort, le bourrent de coupures de papier banal. Il faut juste qu’il soit noir. Et ils racontent l’histoire que je viens de vous raconter à leurs victimes, en leur assurant qu’ils peuvent récupérer le produit décodeur et qu’il faut juste mettre un peu d’argent. «Et ils arrivent à convaincre avec cela ?» avons-nous demandé. «Laissez-moi finir, ditil.
Donc, comme les subsahariens sont forts en chimie, du moins la chimie utile à l’escroquerie, ils ont inventé le faux. Avec des produits souvent pharmaceutiques, ils colorent quelques billets, disons de dollars, et avec d’autres produits, aussi pharmaceutiques, ils les lavent, devant leurs victimes. Et, bien évidemment, ils leur feront comprendre que le produit décodeur, ils n’ont que de petites quantités…».
DES ALGÉRIENS COMPLICES
A la question de savoir si beaucoup de subsahariens s’adonnent à ce «métier», nos deux interlocuteurs lancent à la fois : «Oui !!!». «Vous n’avez pas vu comment ils s’habillent ? Ce n’est pas un immigré, dans un pays qui n’arrive pas à procurer la prospérité à ses propres enfants, qui va se permettre autant de luxe rien qu’en travaillent», dit l’un.
«Moi personnellement je connais un vieux retraité ayant passé toute sa vie en France qui garde une dizaine de ces coffres chez lui. Il a été escroqué donc par une dizaine de personnes. C’est un créneau rentable !», dira l’autre. Pour la localisation des éventuelles victimes qui doivent être «friquées» ou du moins relativement, les escrocs ne font pas trop d’efforts.
Des Algériens initiés au «métier», se mêlent aux promesses d’avoir leur part du butin. «C’est tout un processus. Ça commence par cuisiner la victime, ce qui est fait par l’algérien complice. Puis les présentations, puis les démonstrations, puis le coup fatal», dira l’un de nos deux interlocuteurs. «Et d’où tenezvous tous ses détails ?» avonsnous interrogé. «J’ai été tenté par le métier !» répond l’autre avec un clin d’oeil.
Rappelons que le ministre de l’Intérieur et des Collectivités locales, Daho Ould Kablia, a souligné, il y a près de deux semaines, que près de 25 000 réfugiés de plusieurs pays africains se trouvaient sur le territoire algérien en raison de la situation d’instabilité que traversent leurs pays. «Il est impossible de les refouler à l’étape actuelle pour des raisons humanitaires et du fait des situations de conflit ou de guerre que vivent leurs pays d’origine», avait-il ajouté.
H. F.