L’Algérie doit, en effet, faire face, à ce niveau, à des dangers tels que la contrebande de carburant et des produits subventionnés de large consommation, l’immigration clandestine, le trafic de drogue, la circulation d’armes, le crime organisé et le terrorisme.
La situation à nos frontières demeure très inquiétante. Outre la présence aux corps des gendarmes gardes-frontières (GGF) et aux Douanes algériennes, chargés de la lutte contre la contrebande et le trafic de drogue, l’Armée nationale est déployée tout au long de ses frontières pour prêter main forte aux GGF et aux douaniers, mais également pour “garantir la sécurité de nos frontières et (…) neutraliser toutes les tentatives de porter atteinte à l’intégrité du territoire national”. De l’avis des experts, les crises récurrentes (Ghardaïa, In-Salah…) qui secouent le Sud algérien viennent compliquer les choses, mais c’est surtout le climat d’insécurité régnant au Nord-Mali et en Libye qui fait craindre le pire quant à la sécurité de l’Algérie. D’ailleurs, à titre indicatif, c’est depuis cette région qu’ont surgi des jihadistes, en janvier 2013, lors de l’attaque terroriste de Tiguentourine, à In-Amenas. Si l’on en croit le journal économique International Business Times (IBT), les terroristes d’Aqmi ainsi que d’autres groupes collaborent avec les cartels de la drogue colombiens et perçoivent d’importantes commissions, soit 15% du prix d’un gramme de cocaïne vendu. En contrepartie, ils acheminent les convois de drogue “vers le littoral nord-africain”, avant de les confier aux réseaux du “crime organisé”, pour leur transfert vers l’Europe.
Les nouveaux acteurs du Sahel
Avant-hier, le Centre de recherche en économie appliquée pour le développement (Cread) a invité Gaël Raballand, expert senior auprès de la Banque mondiale, à présenter la première étude du genre, dont il est coauteur, consacrée à l’“estimation du commerce informel”, entre l’Algérie et le Mali. Bien que l’enquête, rehaussée d’images satellites, se soit focalisée sur “les importations et les biens licites” et, donc, sur la contrebande du carburant et des produits de large consommation (lait, sucre, lentilles, etc.), pour la plupart subventionnés par l’État algérien, le débat, quant à lui, a débordé sur des questions d’actualité et leur lot d’inquiétudes, à l’exemple du trafic d’armement, des affrontements armés près de nos frontières et de “la menace” portée par les échanges transnationaux dans le nouveau contexte.
Un contexte marqué par la fermeture de la frontière algéro-malienne, ainsi que par les gros trafics et conflits armés, y compris ceux perpétrés par les groupes islamo-terroristes. “Contrairement à l’Algérie, le commerce informel, s’il est supprimé, sera un enjeu important, économiquement et sur les plans de la gouvernance et de la sécurité”, a reconnu le conférencier. À la question de la sociologue Fatma Oussedik relative aux Touareg, “ces nouveaux acteurs du Sahel”, qui exigeraient la prise en compte “des aspects sociaux et sécuritaires”, voire “géostratégiques”, Gaël Raballand a préféré se borner aux seuls Touareg maliens, en affirmant qu’“une bonne partie d’entre eux sont dans la contrebande et ont du mal à reconnaître le pouvoir de Bamako”. “Depuis l’indépendance du Mali, il y a des tensions avec des Touareg du Nord-Mali”, dira-t-il, avant d’ajouter : “Le commerce informel est révélateur d’un problème plus profond, celui de la supériorité du transnational sur le national.” Pour l’expert, il arrive qu’“une minorité de gens” passe du trafic de biens licites à celui de la drogue, et a affaire alors aux terroristes qui lui prennent “un pourcentage”. Le commerce transnational informel s’explique, selon lui, par un certain nombre de facteurs, dont les subventions appliquées sur les produits algériens qui génèrent, pour les trafiquants, de “grands dividendes”, mais aussi les insuffisances de la politique de troc entre Alger et Bamako, et l’émergence de nouveaux intérêts portés par “des commerçants maliens (seulement ? ndlr) ayant rapidement fait fortune dans la contrebande et qui deviennent des maires ou occupent le rang de notables locaux”. “Au Mali, la crédibilité des institutions est sapée. L’État central du Mali est trop faible et non crédible”, a poursuivi l’expert. Plus loin, ce dernier a révélé que la contrebande est “en général familiale ou tribale”, en signalant l’existence d’“un réseau professionnel où chacun, femme ou homme, sait ce qu’il a à faire”. Il a enfin insisté sur “les vraies questions à se poser”, en abordant le commerce informel, à savoir : la politique de subvention, celle du troc et les problèmes politiques.