Pour lever les bras, dit une certaine presse, pour se taire, dit une autre. Pour fermer les yeux, ajoute une autre
La relation entre l’augmentation de salaires des députés et la révision de la Constitution est vite faite.
Annoncée en grande pompe, l’augmentation de l’allocation touristique est désormais oubliée. On n’en parle plus, tout simplement. Par contre, et sans aucune préparation, on vient de nous dévoiler une augmentation très généreuse des salaires des députés.
De 360 à 480 millions de centimes, tel va être désormais, avec la nouvelle augmentation, le coût d’un député, que doit supporter le contribuable par année.
Un coût dont on ne voit pas la contrepartie à part quelques bras qui se lèvent lorsque les chaises ne sont pas vides. Beaucoup de questions sont soulevées par cette augmentation. Pourquoi? Pourquoi maintenant? Rien n’est gratuit dans ce monde de nos jours, ni la parole, ni l’absence, ni même le silence!
La première observation concerne l’augmentation elle-même. En dépassant, à elle seule, le salaire de 6 smicards, cette augmentation n’en est pas une. C’est un salaire. Celui d’un maître de conférences qui a une ancienneté de 30 ans!!!Le terme «augmentation» dans ce cas est impropre car il cache l’essentiel de la réalité.
Monsieur Djoudi, notre ministre des Finances, à la suite de la visite et des recommandations de la directrice générale du FMI, avait annoncé que l’augmentation des salaires se ferait désormais en relation avec celle de la productivité. Non, Sérieusement?
Une augmentation malsaine
La seconde observation se rapporte au salaire. En effet, le salaire d’un député algérien (de 40 millions de centimes désormais) est plutôt destructeur des efforts et de la conception que nous nous faisons du mérite car, si on regarde bien les choses en face, on est stupéfait de voir qu’un député touche, par exemple, plus que le double de ce que toucherait un professeur d’université au dernier échelon de sa carrière, c’est-à-dire au crépuscule de sa vie. Il touche plus que le salaire de deux professeurs d’hôpital, plus que celui de trois maîtres de conférences réunis et l’on pourrait ainsi dresser une liste infinie qui démontrerait à quel point l’aberration est grande. Passer sa vie à étudier et à former les futures générations pour se voir toucher moins que la moitié d’un député n’est pas, avouons-le, très réjouissant. D’autant plus que pour être député, on le sait, on n’a pas besoin d’avoir peiné dans des études, d’avoir trainé une longue expérience dans un domaine stratégique ou encore d’être un génie dans un domaine quelconque. On n’a même pas besoin d’avoir lu un livre dans sa vie!Et on viendra,par la suite, se lamenter de voir des enseignants, des médecins, des chercheurs… partir ailleurs et on les traitera, sans doute, de tous les noms.
Dire que cette nouvelle augmentation des salaires des députés n’a pas plu aux Algériens, c’est peu dire car on a vraiment l’impression de vivre dans deux Algérie. Celle de ceux qui travaillent pour peu ou pour rien parfois et celle de ceux qui ne font rien pour se voir verser, en fin de mois, de gros, mais alors là de trop gros salaires! Sans compter le reste, bien sûr. Par ailleurs, si on rattache le salaire à l’effort, on est en droit de se demander à quoi correspond donc un salaire aussi insultant pour l’Algérien moyen et, surtout, pour celui qui passe sa vie à combattre pour sa baguette, ses médicaments, son loyer etc…Pour lever les bras, dit une certaine presse, pour se taire, dit une autre. Pour fermer les yeux, ajoute une autre.
Les Algériens ne sont pas dupes. La relation entre l’augmentation de salaires des députés et la révision de la Constitution est vite faite et c’est ainsi que certains n’ont pas omis de rappeler que la dernière augmentation accordée aux députés l’a été en 2008, c’est-à-dire la veille de la précédente révision constitutionnelle. Et il n’est point nécessaire de tirer ici les conclusions que tout le monde a déjà tirées. Quelques titres, qui résument bien le sentiment, fort légitime, de dégoût éprouvé par l’Algérien, ont couvert certaines unes de la presse nationale, pour dire tout le ridicule de tels comportements et aussi toute l’aberration de la situation. «L’indécence des députés» (L’Expression), «Lever le bras, le métier le mieux rémunéré en Algérie» (Algérie Focus), mais c’est surtout sur les réseaux sociaux que les réactions ont été les plus virulentes et les commentaires les plus secs à propos de cette augmentation peu saine.
Un cadeau à… 280 milliards
Si on n’avait qu’un seul député au siège de l’APN, cela passerait encore, mais depuis que l’on a décidé, mauvaise gestion de la «bahbouha» oblige, de l’augmentation de l’effectif des députés, ces derniers sont maintenant exactement au nombre de 462, ce qui nous donne (sans prendre en considération les différences de salaire du président et des vice-présidents) une masse salariale annuelle de 221 760 millions (soit deux cent vingt et un milliards sept cent soixante millions de centimes, ou 2,2176 milliards de DA). Si on fait un petit calcul, on se rend compte que, pour un mandat de cinq ans, le contribuable doit procurer à l’APN une masse salariale de 11,088 milliards de dinars et, à elle seule, la dernière augmentation représente 25% de cette somme, soit près de 2,8 milliards de DA. De quoi en faire beaucoup de choses!
Mais pourquoi a-t-on procédé à cette augmentation? Parce que les députés ont permis, par leur vigilance et leur contrôle sérieux, d’éviter à l’Algérie d’être pillée par les escrocs et les voleurs? Comment Chakib Khelil et les autres, ceux qui lui ressemblent, ont-ils pu alors opérer en toute tranquillité? Est-ce que ces députés ont mis en place des lois pour protéger le pays et son économie de tout appétit d’ordre politique, économique ou autres? On ne connaît, malheureusement, jusqu’à présent aucune loi qui porte le nom d’un seul député, comme c’est le cas ailleurs.
Alors pourquoi ce cadeau à 280 milliards, qui risque de mettre le feu aux poudres dans un climat social, déjà pas très stable et pas très serein. Au moment où les employés des APC, les corps communs du secteur sanitaire, les enseignants, et tous les laissés-pour-compte de la riche Algérie se tuent, en vain, à faire entendre leurs revendications d’un salaire décent qui leur permette de manger à leur faim sans que l’on daigne les écouter, notre APN se permet dans un élan de générosité sans pareil au monde, d’augmenter le salaire, déjà trop gros, des députés de 25%!!!
Non, ce n’est pas ainsi que l’on gère! C’est cette manière peu responsable de gérer qui nous a gardés dans le dernier wagon de l’humanité, sans possibilité d’avancer et sans espoir de mieux faire et, à bien considérer la différence de traitement des préoccupations des citoyens, il est impossible de dire si nous sommes tous des Algériens de même rang ou s’il existe des Algériens de première et d’autres de seconde classe, ceux qui font ce qu’ils veulent et ceux qui doivent les subir, ceux auxquels on donne tout et ceux auxquels on prend jusqu’à la moelle de l’espoir.
Ce salaire, quelle que soit sa véritable raison, ne résoudra pas les problèmes du pays, au contraire, il risque de les grossir car, s’il est vrai que la foule n’a pas de mémoire, il est tout aussi vrai que l’on ne doit pas chercher à construire les lendemains d’un pays en versant l’argent du contribuable à tort et à travers, pour plaire à une équipe de football, pour réduire le contentement social ou, et c’est là la meilleure, pour faire lever les bras!!!