Certains pronostics prédisent que la rentrée sociale 2010 sera moins agitée que la précédente.
Cela ne veut pas dire que tout va pour le mieux, puisque des syndicats, notamment les organisations écartées de la tripartite, à l’instar du Conseil national des enseignants du supérieur (Cnes) et ceux activant dans l’éducation et la santé, n’ont pas exclu le retour à la contestation.
Même l’UGTA, qui est engagée dans le processus officiel de “paix sociale” et qui, en sa qualité de membre de la tripartite, s’est impliquée dans l’augmentation du SNMG qui est passé à 15 000 DA, puis dans la bataille des conventions collectives et de branches, n’est pas à l’abri du mécontentement de sa base.
Outre les statuts particuliers non encore finalisés dans la Fonction publique, qui retardent l’encaissage des augmentations salariales établies dans le cadre de l’application du nouveau régime indemnitaire, l’organisation de Sidi-Saïd est toujours en attente du règlement de dossiers, qui ne sont pas des moindres, tels que le non-paiement des arriérés de salaires, le report de la conclusion de certains accords et le non-respect de dispositions des accords conclus en réunions tripartites. Sans oublier le malaise prévalant actuellement au sein des douanes et de la compagnie aérienne Air Algérie, toujours en attente de la signature des conventions collectives et de branches et des aspects organiques.
À moins de reconduire le Pacte national économique et social qui, pour rappel, expire en novembre 2010, la montre joue contre l’UGTA. Sur ce sujet, on en saura beaucoup plus, lors du prochain mini-sommet de la tripartite prévu “avant la fin de l’année en cours”, selon le ministre du Travail, de l’Emploi et de la Sécurité sociale, Tayeb Louh
Les points forts et les points faibles
Annoncée à l’issue de la dernière tripartite, tenue les 2 et 3 décembre 2009, l’élaboration, dès le 14 janvier dernier, des conventions collectives et de branches s’est accompagnée par la signature de 20 conventions, 4 mois plus tard, totalisant 84 accords salariaux partiels dans le secteur économique.
Ainsi, après les augmentations de salaires intervenues, en 2008, dans la Fonction publique et les revalorisations des pensions des retraités, qui seront également exonérés d’impôts, près de 2,9 millions de travailleurs du secteur économique, dont 1,6 million exerçant dans le public (entreprises intégrant les 22 branches d’activité et celles dépendant de la wilaya d’Alger), ont bénéficié d’une augmentation des salaires qui est en moyenne de 23% pour le secteur public et de 20% pour le privé.
Aux augmentations de salaires, viennent s’ajouter celles relatives à la révision des régimes indemnitaires, qui vont bénéficier d’une hausse moyenne de 20%. Les responsables syndicaux motivent la différence des taux d’augmentation, d’une entreprise à une autre, par la situation financière de l’entité économique.
Mais, dans certains cas, à l’image de la branche métallurgie et des cheminots, l’intervention du patron de l’UGTA ou celle du Premier ministre aurait été nécessaire pour avancer dans les négociations et surtout influer “positivement” sur les résultats finaux. Sauf que pour le complexe privé d’ArcelorMittal (ex-El-Hadjar), l’inquiétude ouvrière est perceptible, au point que le syndicat d’entreprise menace de lancer prochainement une action de protestation, si les négociations collectives s’éloignent des accords arrêtés en 2006.
Le prochain SNMG dépassera-t-il les 30 000 DA ?
Selon des sources syndicales, la problématique salariale en Algérie, plus particulièrement dans le secteur public, a fait l’objet d’un certain nombre d’études, souvent commandées par l’UGTA.
Les dernières opérations initiées, comme par exemple l’ouverture des négociations sur les conventions de branches, aurait même reposé sur une étude générale, réalisée par ce syndicat en 2009, sur le budget familial, un travail complété par des études comparatives de budgets.
Les mêmes sources ont révélé, dans ce cadre, qu’avec 49% du budget d’une famille de 7 personnes, l’alimentation est classée en première position. Elle est suivie notamment par l’habillement (14%), le logement et les frais annexes (10%), la culture et les loisirs (10%), l’hygiène et les soins (8%), le transport et les déplacements (5%), l’équipement domestique (4%), etc. Tout compte fait, il faudrait “au moins un salaire de
31 000 DA pour permettre à un travailleur de vivre dignement”.
L’UGTA a-t-elle déjà préparé une proposition en prévision de la prochaine revalorisation salariale ? Dans tous les cas, l’organisation de Sidi-Saïd sait pertinemment que toute augmentation résultera de la modification de l’article 87 bis de la loi 90-11 (relatif au SNMG), qui elle-même dépendra de la révision du Code du travail, du ressort du département de Tayeb Louh.
Une idée sur le processus de négociation
La participation de l’UGTA aux négociations des conventions de branches a nécessité la mise en place d’une “méthodologie de conduite”. Dans ce cadre, des membres de la direction nationale de l’UGTA et les différents responsables des fédérations ont été désignés pour le suivi des secteurs économiques public et privé, donc pour négocier avec divers partenaires : SGP, entreprises, caisses de sécurité sociale, banques et assurances, instituts et centres de formation, etc. Outre la fédération nationale de l’UGTA chargée de la culture et de l’information, dont les partenaires relèvent du secteur public (SGP Diprest, Anep et les organismes/entreprises dépendant du ministère de la Communication : ENTV, ENRS, APS, TDA, imprimerie des journaux publics), une autre fédération, celle des journalistes algériens (FNJA), a été désignée, pour la première fois, afin de piloter les négociations avec les éditeurs de la presse privée.
En réalité, la FNJA est de création récente. C’est en mai 2009 qu’elle a été constituée, en se fixant comme objectif la réalisation d’un plan d’action, intégrant notamment l’élaboration d’une convention collective (inexistante dans le secteur privé), la révision du code de l’information et la mise en place d’une mutuelle des journalistes. Contrairement au Syndicat national des journalistes (SNJ), créé depuis plusieurs années dans la presse privée, la FNJA a “l’avantage” d’être affiliée à l’UGTA, vue comme l’organisation la plus représentative, par les pouvoirs publics. De plus, elle ambitionne d’intégrer également les journalistes du secteur public.
C’est du moins ce qu’a laissé entendre son secrétaire général, Abdenour Boukhemkhem, en révélant que la priorité des négociations est d’arriver à élaborer “un document unique et unifié sur lequel doit se baser la grille des salaires dans les secteurs public et privé”. D’ailleurs, le 27 février dernier, la FNJA a dégagé 4 groupes de travail pour se pencher sur la convention collective et la grille des salaires du secteur de l’information, public et privé.
Deux mois plus tard, la FNJA a finalisé un projet de convention collective qualifié, par son premier responsable, comme “le premier document, élaboré depuis l’amorce de l’expérience pluraliste, qui règle et réglemente (…) les principaux aspects des relations professionnelles, les différentes étapes de la carrière professionnelle, les conditions de promotion professionnelle et la révision de la grille des salaires, des allocations, des primes additionnelles et des assurances sociales de base et additionnelles”. Seulement, très vite, la situation a dégénéré : des membres de la direction de la FNJA se sont publiquement démarqués d’Abdenour Boukhemkhem, accusé de faire cavalier seul, voire même de travailler pour des parties autres que l’UGTA.
Cette crise n’a pas permis à la jeune fédération d’entrer dans la phase des négociations avec les éditeurs de journaux privés et va sans doute peser sur l’avenir proche de la FNJA elle-même, qualifiée par certains commentateurs de “mort-née”. À la Centrale syndicale, l’heure est à l’apaisement. “La FNJA n’a pas remis encore le point de la situation, mais c’est normal, car nous recherchons non seulement l’augmentation des salaires des journalistes, mais aussi et surtout le statut de ces derniers”, nous a confié un des cadres syndicaux.