Le front social connaît un brutal regain d’effervescence en ce début 2011. Emeutes sporadiques, parfois violentes comme en début janvier, mais pas seulement. Des manifestations publiques, des marches, des cas de fronde générale dans certaines entreprises publiques, des grèves, des appels à la grève, des appels à des marches populaires, notamment celle du 12 février à Alger.
Déjà, en 2009 et 2010, le pays a vécu au rythme d’émeutes isolées, mais régulières à travers toute l’Algérie. Particulièrement au sujet des distributions, systématiquement contestées, de logements. A ce niveau-là, déjà, l’on peut aisément comprendre la colère du citoyen lambda : la propagande officielle le bombarde quotidiennement «des grandes réalisations effectuées par le pays grâce à la politique éclairée de son excellence». La télévision d’Etat, l’unique d’ailleurs, en fait parfois l’essentiel de sa grille des programmes. «Des réalisations que seul un ingrat peut nier», cette phrase de Bouteflika est érigée depuis 2004 en slogan officiel. Et les clientèles traditionnelles de s’emparer et du slogan et de ces mêmes «réalisations ».
L’Algérie a réalisé deux millions de logements ? Jamais une liste d’attribution n’est pratiquement restée sans contestation. La corruption est telle que l’on retrouve parfois des noms de «stars» de la politique, du monde économique, etc. sur des listes de bénéficiaires de logements… sociaux ! Les indus bénéficiaires infestent tout et pas seulement le domaine du logement.
L’emploi ? Tous les mécanismes mis en place, comme le microcrédit, l’Ansej, des mécanismes de financement agricole ont tous profité à des barons du monde des affaires ou à des nababs locaux. Ainsi, par exemple, du fameux Fonds national de régulation et de développement agricole, censé relancer l’agriculture.
Doté de 10 milliards, le FNDRA n’a finalement fait parler de lui que «grâce» aux retentissants scandales de corruption qui ont accompagné sa mise en application. L’autoroute Est-Ouest, le secteur de la pêche prennent le relais de Khalifa avant que l’on passe à un autre niveau, celui de la corruption à l’échelle industrielle avec la Sonatrach. Au plan politique, la fraude électorale et la répression de l’expression libre finissent par démoraliser une société qui ne trouve plus d’exutoire que dans la rue.
Au plan revendicatif, l’Algérie s’accroche encore au modèle soviétique décrétant que la scène syndicale ne peut être occupée que par le syndicat officiel du pouvoir, l’UGTA. Pas de place, donc, pour des syndicats autonomes, c’est-à-dire qui ne font pas partie des «souteneurs» de Bouteflika. Autant de paramètres qui font reculer l’Algérie, objectivement, à avant octobre 1988…
Kamel Amarni