François Hollande et l’Algérie

François Hollande et l’Algérie

Pourquoi le mot « repentance » fait-il si peur aux uns et aux autres ?

Donc le premier déplacement officiel de François Hollandecomme chef d’état en Algérie devrait probablement avoir lieu en décembre prochain, avant les fêtes de fin d’année.

L’annonce prématurée de ce déplacement avait été rendu publique peu après que, dans une brève déclaration, l’Elysée reconnaissait « avec lucidité » les forfaits policiers du 17 octobre 1961. Rappelons une fois encore qu’à cette date plusieurs centaines d’Algériens, bravant l’interdit de la préfecture de police, avaient tenu à manifester, trouvant la mort dans d’injustifiables conditions.

La déclaration de François Hollande constituait-elle un quelconque acte de repentance? Pas encore ! La France n’y est pas prête ! Le sera-t-elle jamais ? Se doit-elle de l’être ?

Il ne s’agit pas seulement ici de la poignante et amère rancune des Français rapatriés, de la question des émigrés et des Harkis qui ne peuvent pas rentrer chez eux, ni des intellectuels mis en quarantaine, ni d’un cas tel que celui d’Enrico Macias qui voudrait bien, lui, chanter une dernière fois parmi les siens.

« Repentance », le mot tabou

Il s’agit de l’inconscient collectif d’une société qui avait refoulé tous ses souvenirs douloureux et qui les redécouvre dans la confusion. Une guerre, une vraie guerre a eu lieu. Mais les guerriers, après avoir été plus ou moins coupables, n’auraient-ils pas tous déjà fait la paix des repentis ?

Certains réagissent comme Golda Meïr après la seconde grande bataille d’Israël : « Nous ne vous en voulons pas parce que vous avez tué nos enfants, mais nous ne vous pardonnerons jamais de nous avoir forcés à tuer les vôtres ».

Ces Français seraient amenés à reprocher à leurs victimes de les avoir transformés en bourreaux ! Loin d’être tenté par de telles outrances, François Hollande a pourtant multiplié pendant son parcours des déclarations contraires. Mais elles n’étaient pas, s’agissant de la repentance, différentes de celles de Jacques Chirac.

Quant aux Algériens, certains diplomates de l’époque n’hésitaient pas à dire que l’Algérie et la France ne pourraient jamais procéder à un pari sur leur avenir commun tant que le mot de « repentance » ne serait pas prononcé. Frivole outrance à vrai dire : les rapports entre l’Algérie et la France auraient pu se poursuivre et même progresser sans que le mot fameux n’ait été clairement formulé.

Aqmi entre en jeu

Mais tout est changé aujourd’hui. Lorsque François Hollande et son ministre des Affaires étrangères prennent leurs responsabilités, ils trouvent dans le dossier l’urgence absolue des pourparlers ultra-secrets avec les organisations qui ont pris en otages quatre Français et réclament des sommes fabuleuses pour les libérer.

Chacun sait qu’Al-Qaïda au maghreb islamique (Aqmi) est une organisation islamiste d’origine algérienne de plus en plus repoussée vers l’extrême sud.

Cette formation est l’héritière du Groupe salafiste pour la prédication et le combat. Les forces régulières de l’armée algérienne n’ont cessé de la combattre depuis 1977.

Sa capacité de nuisance n’a pourtant pas depuis cessé de croître, la plaçant sur la liste officielle des organisations terroristes, même sur celles des Etats-Unis, de l’Australie et de la Russie. Elle est de plus sanctionnée par le Conseil de sécurité des Nations unies.

Les forces algériennes se sont unies à celles du Mali et du pays du Sahel. Lorsque la France, pour des raisons multiples, est devenue l’une des cibles préférées d’Aqmi, qui a multiplié les attentats et les enlèvements, les Français ont offert leur concours à tous les pays riverains des territoires sahéliens contrôlés par les terroristes. Les autorités algériennes ont constamment refusé ce concours.

Une ambition franco-algérienne

Après dix années de guerre, il n’était pas question que les forces militaires françaises puissent reprendre pied  sur la terre de l’ancienne colonie. Autre argument décisif, les terroristes d’Aqmi invoquent l’islamisme comme thème de mobilisation : c’eût été faire leur jeu pour l’Algérie que de s’allier à des incroyants, des infidèles ou des hérétiques.

Ajoutons, et c’est un des faits les plus importants, que les Touareg qui avaient constitué l’une des forces les plus motivées et les mieux équipées des troupes de Kadhafi soient revenus dans un Sahel devenu salafiste avec un armement plus lourd.

Que faire alors pour contourner les objections algériennes ? On n’a rien trouvé d’autre que l’autorisation soit donnée aux Français d’aider tous les pays riverains, sauf l’Algérie. Ce sera l’un des problèmes que les deux présidents auront à résoudre…

Alors, n’y aurait-il que des ombres épaisses et des herbes noires sous le grand soleil méditerranéen ? Il s’en faut de beaucoup. L’Algérie bloquée, restreinte, fermée et restrictive est en train, enfin, de s’ouvrir, et tous les visiteurs récents s’enchantent d’une hospitalité qu’ils auraient pu connaître bien avant.

Simple rappel : l’Algérie est le plus grand, le plus peuplé et le plus riche des territoires africains.

Les Américains sont les premiers exploitants d’hydrocarbures algériens. La Russie est son principal fournisseur d’armement. Mais c’est tout de même avec la France que le niveau des échanges est le plus élevé, et l’Algérie est le pays où les francophones sont les plus nombreux.

Il y a d’autres réalités peu connues, sauf des grandes sociétés financières qui n’ont jamais cessé d’investir. Bref, François Hollande a envie de se distraire des difficultés allemandes grâce à une ambition franco-méditerranéenne et surtout franco-algérienne.