François Hollande entre Mohammed VI et Bouteflika

François Hollande entre Mohammed VI et Bouteflika

L’affaire Cahuzac aura pourri le premier voyage officiel de François Hollande au royaume du Maroc. Les officiels marocains, chaleureux, faisaient comme s’ils ignoraient le tsunami qui dévastait l’Élysée, les journalistes français semblaient ignorer que le Maroc existe et les ministres de la République étaient sonnés.

François Hollande, lui, est resté impavide. En homme politique coulé dans l’airain, il n’a jamais laissé paraître un instant de désarroi, sans pour autant se dérober lors de la conférence de presse.

“Je comprends que, face à ce qui s’est produit, le choc soit considérable”, dira-t-il. “Jérôme Cahuzac a été écarté du gouvernement dès que l’affaire a été connue. C’est une affaire individuelle, ce n’est pas le gouvernement qui est en cause”, a-t-il précisé, semblant fermer la porte à un remaniement ministériel.

Privilégier le Maroc sans aigrir l’Algérie

Pourtant, ce drôle de voyage a été une réussite. François Hollande, comme Nicolas Sarkozy, Jacques Chirac ou François Mitterrand avant lui, au début de leur mandat, avait une idée en s’envolant pour le Maroc. Réussir à préserver et à renforcer les liens privilégiés qui existent entre Paris et Rabat tout en réussissant à bâtir une relation apaisée et forte avec son rival et voisin algérien.

Les prédécesseurs de François Hollande s’y sont cassé les dents. Ils ont jeté le gant les uns après les autres. Avant la fin de chaque mandat présidentiel, le Maroc avait réussi à faire pencher la balance en sa faveur et les relations avec Alger, plus compliquées, s’étaient aigries.

Ce temps appartiendrait-il au passé ? À Rabat, nul n’a semblé s’offusquer de ce que François Hollande ait choisi d’aller en visite officielle en Algérie, en décembre, avant de venir dans le royaume. Impensable auparavant. Il est vrai que ce voyage à Alger devait avoir lieu avant la fin de 2012, année du 50e anniversaire de l’indépendance.

Mais on se souvient de la mauvaise humeur marocaine lorsqu’en juin 2007 Nicolas Sarkozy, planifiant un tour du Maghreb pour expliquer son idée d’Union de la Méditerranée, avait mis, crime de lèse-majesté, le Maroc en dernière étape de son périple maghrébin. Le palais royal lui avait demandé de reporter son voyage.

“Apprendre à se connaître”

François Hollande peut-il réussir là où ses prédécesseurs ont échoué ? Les temps ont changé. D’une part, les relations algéro-marocaines sont probablement moins exécrables qu’elles ne l’étaient auparavant.

Les deux capitales sont donc moins soucieuses de faire du chantage vis-à-vis de leur partenaire français. Ainsi, depuis l’an dernier, Alger consent à vendre du gaz au Maroc, un gaz qui transite depuis plusieurs années par le territoire marocain pour atteindre l’Espagne.

D’autre part, la relation politique et économique entre le Maroc et la France est si étroite que les voyages officiels ne sont plus que routine, ou presque.

Même si François Hollande et le roi Mohammed VI doivent “apprendre à se connaître”, selon une formule diplomatique pour préciser que les deux chefs d’État n’ont peut-être pas de grands atomes crochus, ce qui, apparemment, n’était pas le cas entre Hollande et Bouteflika, l’un et l’autre désireux de voir leurs pays se rabibocher.

Le président français aurait demandé au roi Mohammed VI ce qu’il pouvait faire pour faciliter la réconciliation maroco-algérienne. Mais là, chacun semble à court d’idées. C’est le nouveau chantier de François Hollande.(Le Point)