Le président Bouteflika est généralement avare de déclarations à la presse et encore moins d’interviews. Mais pour la première visite en Algérie de François Hollande, en qualité de président de la République française, il a dérogé à la règle en accordant une longue interview à l’Agence française de presse, agence officielle, on ne peut mieux, qui au détriment de toutes règles déontologiques a réduit cette importante déclaration du chef de l’État à sa plus simple expression.
Passons. Et grâce à notre Agence nationale l’on a pu prendre connaissance de cette longue interview, qui non seulement cadre le contexte de la visite du président français mais précise la vision du président Bouteflika et par conséquent de l’Algérie sur la relation à construire entre les deux pays.
Ces déclarations du numéro Un algérien sont d’autant bienvenues qu’elles ont coupé court à toutes les spéculations qui sont abondamment déversées autour d’une visite tantôt pour la torpiller, tantôt pour la dénaturer.
Au demeurant et à la suite du président Bouteflika, François Hollande a lui même tenu à qualifier sa visite «d’éminemment politique», laissant aux nombreux ministres qui l’accompagneront le soin de parler de coopération.
Qui plus est, Jean-Pierre Raffarin, devenu à son corps défendant, le commis voyageur des entreprises françaises a déblayé le terrain et pas moins de douze accords de coopération seront signés, dont un important accord de coopération militaire, négocié depuis 2008 !
Sous la présidence de Chirac. Il avait été fortement question de la conclusion, dans l’euphorie de la visite d’État croisée et de la réussite de l’Année de l’Algérie en France, première du genre, de la signature d’un traité d’amitié entre la France et l’Algérie.
C’était sans compter sur l’opposition effrénée du Lobby anti-algérien en France, qui ne s’est jamais remis de l’Indépendance de notre pays et de l’alarmisme du voisin marocain qui s’alarmait -et continue à s’alarmer- d’un trop grand tropisme de la France à l’égard de l’Algérie.
Un Tropisme fantasmé quand on sait l’irrésistible attraction du royaume alaouite pour la classe politique française, y compris pour certains hiérarques du Parti socialiste français, à l’exception de François Hollande qui, lui, n’a jamais caché ses sympathies pour l’Algérie.
C’est pourquoi le président Bouteflika a tenu à rappeler la validité de la «déclaration d’Alger», signée en mars 2003 par nos deux pays et qui a incontestablement marqué leur «intention commune de bâtir un partenariat fondé sur ce qui rassemble les deux pays, soit l’encrage historique, la proximité géographique, les liens humains et les nombreuses interdépendances bilatérales».
Pour Bouteflika, n’en déplaise aux ennemis de l’Algérie, cette « ambition est toujours de rigueur, pour la partie algérienne qui souhaite donner un contenu concret et opérationnel à ce partenariat d’exception, que les deux peuples appellent de leurs voeux». Le chef de L’État relève que les formes de ce partenariat «importent finalement peu», car c’est sa «consistance qui est essentielle».
Pour lui, et si l’on veut une densité réelle de ce partenariat, il faut l’intensification du «dialogue politique à tous les niveaux, incontournable pour définir l’orientation que l’on veut donner à la stratégie de coopération que nous ambitionnons de développer, pour le long terme, entre les deux pays».
Selon le chef de l’État, ainsi, seront «transcendées beaucoup de pesanteurs» et l’on fera «coïncider réellement nos intérêts qui doivent s’affranchir des considérations conjoncturelles, nécessairement précaires », dit-il.
Dans ces déclarations, Bouteflika, qui ne fait pas référence à la nécessité pour la France de reconnaître les crimes et méfaits de la colonisation française, n’a pas forcement changé d’avis sur un débat qu’il a, lui-même, lancé, outré par l’outrecuidance de ceux des parlementaires français qui avaient fait voter une loi glorifiant la colonisation française.
En dépit de la réaction du président Chirac, qui avait rectifier le tir, en faisant appel au Conseil constitutionnel le mal était fait.
Dans cette brèche largement ouverte s’est engouffré Sarkozy, qui n’a cessé de vouloir banaliser les relations algéro-françaises, allant jusqu’à menacer l’Algérie, en petit comité, d’un scénario à la libyenne. Comme si l’on pouvait tourner le dos à l’histoire, faisant de la politique à la petite semaine dans le seul souci d’intérêts bassement personnels.
C’est très justement à cet égard que le président Bouteflika a souligné avec force que l’Algérie est «favorable à une relation forte et dynamique avec la France fondée sur la densité des liens et les nombreux intérêts qui unissent nos deux pays».
Il est certain que François Hollande, soucieux d’une relation apaisée avec notre pays, fort du geste courageux qu’il a fait pour ce qui est des massacres du 17-Octobre, aura été très attentif aux nombreux messages délivrés par Bouteflika.
Mokhtar Bendib