Cela fait plus de 250 jours qu’ils ont planté leur tente près de l’Assemblée nationale : trois enfants de harkis manifestent ainsi pour demander à Nicolas Sarkozy de reconnaître la responsabilité de l’Etat dans l’abandon de leurs pères après la guerre d’Algérie.
Depuis le 5 mai, Zohra Benguerrah, 52 ans et son mari Hamid Gouraï, 53 ans, dorment dans une voiture immatriculée dans l’Hérault, Abdallah Krouk, 43 ans, a planté sa tente juste à côté, sur le petit triangle de la place Edouard-Herriot jouxtant l’Assemblée nationale.
Chaque matin à 08h00, le rituel est le même pour ces enfants de « supplétifs » musulmans de l’armée française: lever des couleurs avec installation de quatre drapeaux tricolores, ainsi que d’une douzaine de banderoles manuscrites accrochées entre les arbres.
Sur l’une, des propos du 31 mars 2007 du candidat Nicolas Sarkozy s’engageant à « réparer les fautes » commises envers les harkis.
Depuis, plus rien, dénoncent leurs trois descendants qui poursuivent leur « manifestation statique illimitée » au nom d’une « coordination nationale du mouvement de la résistance harkie ».
« Ils ne représentent qu’eux-mêmes », affirme la préfecture de police de Paris, qui les verbalise régulièrement.
Même seuls, leur détermination est sans faille, mise à rude épreuve par la vague de froid de ce début d’année. « Il faut que le problème harki soit réglé définitivement. On ne veut plus servir d’Arabe de service à chaque élection », peste Abdallah Krouk, né en France et qui a grandi dans le camp du Larzac.
Mme Benguerrah, M. Gouraï, qui se présente comme un policier, et M. Abdallah, originaire de Toulouse, sont aussi partis dans une bataille juridique contre Nicolas Sarkozy (plainte pénale), François Fillon (assignation devant la Cour de Justice de la République…).
Dans un tract distribué aux passants, ils ont appelé les harkis à voter contre « les candidats UMP racistes et xénophobes » en mars lors des régionales.
Malgré une pétition aux parlementaires, ils n’ont reçu que peu de soutien politique. Le 24 décembre, le président du Front national Jean-Marie Le Pen leur a apporté quelques cadeaux. « C’est un officier de l’armée française qui a eu une compagnie de harka sous ses ordres », selon M. Krouk.
La secrétaire nationale du PCF Marie-George Buffet était également passée auparavant, affirment-ils, en saluant également des gestes de solidarité de quelques familles de ce quartier huppé.
Leurs tracts rappellent la tragédie des harkis: « La France les a internés dans des camps avec des fils barbelés comme les juifs (…) en les montrant du doigt comme des citoyens indésirables ».
Au lendemain des accords d’Evian du 18 mars 1962 consacrant le retrait français d’Algérie, 55.000 à 75.000 harkis, selon les historiens, étaient abandonnés en Algérie et, considérés comme des traîtres par le nouveau régime, victimes de sanglantes représailles.
Quelque 60.000 ont été admis sur le territoire métropolitain. Logés en métropole dans des camps de fortune du sud de la France puis dans des cités, ils formeraient avec leurs descendants une communauté de 500.000 personnes.