Nicolas Sarkozy a échoué à arriver en tête du premier tour car c’est bien la première fois qu’un président sortant n’arrive pas en tête du premier tour d’une élection présidentielle. Droitisant à l’extrême sa stratégie, il parie dès lors sur les voix obtenues par le Front national pour se faire réélire.
Quand l’UMP valide le discours du Front national
Cinq années de sarkoszysme ont de fait légitimé le projet extrémiste et raciste du Front national de Marine Le Pen. Ainsi en est-il des thématiques crédibilisées par le discours de Nicolas Sarkozy et de ses amis de l’UMP. Le ton a été donné dès 2007 avec la création d’un ministère de l’Immigration et de l’Identité nationale dont il avait fait un symbole de sa campagne électorale, avant qu’il n’y mette fin en 2010 : l’association des deux termes (identité et immigration) renvoie à l’idée que la France et les Français ont un problème avec l’immigration maghrébine et africaine. Et depuis lors, ce fut une déferlante de thèmes, de petites phrases, porteurs de xénophobie et de germes du racisme anti-maghrébin et africain. Ainsi en est-il de cette phrase lâchée en septembre 2009 par le ministre de l’Intérieur Brice Hortefeux faisant connaissance d’un militant de son parti d’origine maghrébine : «Quand il y en a un, ça va… C’est quand il y en a beaucoup qu’il y a des problèmes !» Dans la foulée, le secrétaire général de l’UMP, Jean-François Copé, lançait un débat sur l’identité nationale axé essentiellement sur le danger que représenterait l’Islam amalgamé à islamisme… au nom d’une laïcité sélective ! Bien que le débat ait tourné court fin 2010, il récidive avec sa loi sur la burqa alors que celles qui le portent ne dépassent pas, selon un rapport de police, plus de… 300 personnes dans un pays de plus de 60 millions d’habitants ! Entretemps, en juillet 2010, à l’occasion d’un fait divers, un braquage de casino à Grenoble, Nicolas Sarkozy reprend une idée du Front national, le retrait de la nationalité française aux «délinquants» d’origine algérienne nés en France, car ce sont eux qui étaient visés. Et que dire de ces petites phrases sur la prétendue supériorité de la civilisation occidentale balancée par le ministre de l’Intérieur Claude Guéant, puis ce discours en pleine campagne électorale sur la viande «halal ..!»
Jouant sur la peur de l’immigration, d’une régularisation massive des sans-papiers, le terrorisme islamiste comme on l’a vu dans l’affaire Mohamed Merrah, renouant avec des thèmes dignes de la guerre froide, le «danger communiste» représenté par Jean-Luc Mélenchon, le retour de la gauche au pouvoir associée à la gauche radicale, Nicolas Sarkozy n’a pas réédité son pari de 2007 : maintenir le Front national autour de 10% ou moins, et arriver en tête du premier tour. Aussi en est-il réduit à compter sur les voix du Front national pour l’emporter au second tour comme l’attestent les propos de Jean-François Copé se réjouissant que l’addition des scores de Sarkozy et Marine Le Pen soient supérieurs au total des scores de gauche.
Marine Le Pen ravie
Ravi que ses thèmes racistes soient portés par Nicolas Sarkozy et ses amis, le Front national n’avait, dès lors, qu’à inviter les électeurs à choisir l’original que la copie. Au point où avec 18% de voix, près de 6 millions d’électeurs, la candidate du Front national a fait mieux que son père, l’ex-tortionnaire parachutiste durant la Bataille d’Alger. Comme le souligne le chercheur Sylvain Crépon, cité dans Libération, elle a réussi en plus à «démocratiser» la xénophobie, s’opposant à l’immigration «au nom des valeurs de la République, affirmant qu’il y a une population qui ne respecte pas les valeurs de la laïcité : les musulmans». La candidate de l’extrême droite se pose en arbitre du second tour tout en caressant le rêve d’imploser la droite traditionnelle et, partant, incarner la seule opposition en mesure de battre la gauche avant de la rayer de la carte politique. Ses «frères» de Hongrie y sont parvenus, ses petits amis hollandais ont failli y réussir, pourquoi pas le Front national ?
Mélenchon, victime d’une campagne axée et l’anti-communisme
Jean-Luc Mélenchon et le Front de gauche, sur qui reposaient de nombreux espoirs, n’ont pas réussi à arracher la troisième place. Crédité de 15%, il n’en a obtenu que 11,1%. L’homme est parti de loin. En février dernier, lors du débat contre Marine Le Pen sur BFM-TV, Jean-Luc Mélenchon était crédité de 3% d’intention de vote alors que la candidate du Front national était déjà à 21%. Et tant qu’il était au bas des sondages, entre 4 et au mieux 7%, ce n’était pas un danger, Mélenchon faisait sourire ! Le 15 mars, un mois avant le premier tour, les sondages lui attribuaient à peine 8% d’intention de vote. Pas de quoi effrayer le bobo parisien ! Le tournant ? C’est le rassemblement à la place de la Bastille à Paris le 18 mars qui a changé la donne, le propulsant à 15%, puis entre 15 et 17%. Alors là, l’homme commençait à faire peur. Sa percée dans les sondages n’était pas bien vue surtout par certains socialistes, leurs alliés verts et les centristes de Bayrou, avec qui Hollande comptait s’allier. Aussi, quoi de surprenant que l’on assiste à une pression médiatique visant à le décrédibiliser. Quelques jours avant le premier tour, en effet, l’Express, le Nouvel Observateur, le Point, le Monde, Libération, des journaux de province, les radios et les télés, des ténors de gauche comme Daniel Cohn-Bendit, étaient montés au créneau pour le descendre en flèche. Au point où à la veille du premier tour, Jean-Luc Mélenchon n’a pas hésité à dénoncer ceux qui consacraient «l’essentiel de leur énergie à taper sur le Front de gauche» au lieu de «contrer l’extrême droite». Dimanche soir, se rappelant à leur souvenir, le leader du Front de gauche, qui a assuré avoir «porté sur son dos l’essentiel du combat » contre l’extrême droite, les a vivement tancés : «honte à ceux qui ont préféré nous tirer dessus plutôt que de nous aider» ! Reste l’essentiel : Mélenchon et le Front de gauche ont réveillé un courant politique, le socialisme historique, que beaucoup avait rangé aux oubliettes de l’histoire et redonné espoir à beaucoup de Français. Et ouvert une perspective inédite, l’écologie politique comme alternative au capitalisme libéral. Il a réussi à faire bouger les lignes au point que François Hollande a été contraint de gauchiser son discours et même Nicolas Sarkozy, lui emprunter ses propositions telle la taxation des riches !
H. Z.