La ventilation par nationalité des étrangers expulsés de France reste une donnée confidentielle. Notre journal vous la révèle pour 2015.
10471. C’est le nombre de ressortissants étrangers, européens ou non qui ont été expulsés de France métropolitaine l’an dernier. Un chiffre qui masque de nombreuses disparités, comme l’atteste la répartition par nationalité que nous avons pu nous procurer, laquelle émane des statistiques de la police aux frontières (PAF).
Ainsi, on y découvre que les plus expulsés sont les Roumains (La Roumanie faisant partie de l’UE, les chiffres des expulsions vers ce pays n’apparaissent pas sur la carte), suivis des Albanais, puis des Algériens, des Tunisiens et des Marocains. A elles cinq, ces nationalités totalisent ainsi 63 % de l’ensemble des expulsions. Plus étonnant, si les chiffres concernés sont bien moindres en valeur absolue, certains étrangers sont également « éloignés » alors même qu’ils sont originaires de pays en guerre ou dans lesquels ils risquent leur vie. On dénombre ainsi 19 Afghans, 11 Gambiens, 4 Syriens, 8 Iraniens, 10 Soudanais ou 4 Erythréens ayant fait l’objet d’une obligation de quitter le territoire ou d’un arrêté de reconduite à la frontière suivis d’effets.
Des étrangers venus de pays en guerre reconduits à la frontière
Des chiffres qui scandalisent les associations. « S’ils ont bien été remis aux autorités de leurs pays, ces quatre Erythréens ont été condamnés à mort », dénonce ainsi la Cimade. La terminologie officielle évoque toutefois une expulsion « vers le pays d’origine, ou tout autre pays légalement admissible ». Ainsi, « les Syriens évoqués dans ces statistiques ont été renvoyés en Egypte, détaille-t-on au ministère de l’Intérieur. Nous préférons plutôt parler de réadmission ». Tous n’en ont pas bénéficié. Ainsi, les Afghans comme les Soudanais ont bel et bien été expulsés dans leur pays d’origine.
Globalement, sans même compter les Albanais, « la moitié des étrangers placés en rétention en France ont été réadmis dans un autre pays de l’Union », dénonce David Rohi, de l’association Cimade, qui fait partie des cinq habilitées à intervenir dans les centres de rétention*, lesquelles publient aujourd’hui leur rapport commun pour 2015.
« Ce qu’on constate donc, poursuit David Rohi, c’est que cette énorme machine fait office de réponse inadaptée à la régulation des migrations intra-européennes. » Le même rappelle que 25 000 personnes — dont 4 000 à 5 000 enfants — sont par ailleurs expulsées chaque année depuis l’outre-mer. « L’idée du sans-papiers expulsé loin de France est relativement fausse, décrypte ainsi David Rohi. C’est une petite minorité. La majorité, ce sont ces gens qu’en Guyane on ramène de l’autre côté du fleuve Maroni, ou ces Comoriens expulsés de Mayotte sur lesquels les associations ont peu de regard, et qui ne bénéficient le plus souvent d’aucun accompagnement juridique pour les aider à bénéficier des droits auxquels ils pourraient prétendre. »
* Avec l’Assfam, Forum réfugiés, France Terre d’asile et l’Ordre de Malte.
Du « chiffre » facile avec les Albanais
Les « nouveaux Roumains ». Ainsi sont surnommés les Albanais par ceux qui suivent de près la question des expulsions. De fait, les Roumains, quand bien même ils ont accès librement au marché de l’emploi européen depuis le 1 er janvier 2014, doivent remplir certaines conditions pour séjourner en France. A commencer par la justification d’une activité professionnelle. L’an dernier, ils sont 2 422 à avoir été expulsés pour ne pas avoir souscrit à ces règles. Un chiffre désormais talonné de près par ces 1 934 Albanais.
Ces derniers, non européens, ont toutefois le droit de séjourner sans visa dans un pays de l’UE jusqu’à 90 jours, sous réserve d’être titulaires d’un passeport biométrique. A l’expiration de ce délai, ils sont expulsables. En 2015, huit fois plus d’Albanais sont passés en rétention par rapport à 2010. « Les allers-retours à Tirana (NDLR : capitale de l’Albanie), c’est au moins hebdomadaire », soupire un policier spécialisé, conscient de l’inutilité relative de la démarche. « Sitôt posés, ils peuvent repartir dans l’Union », souligne le même. « Cela permet à certaines préfectures de gonfler artificiellement le nombre d’expulsions », dénoncent à l’unisson les associations. Le taux d’expulsion des Albanais est ainsi facilité par le fait que la plupart possèdent un passeport en règle. Ils sont par ailleurs peu nombreux à refuser d’être reconduits en Albanie, sachant qu’un éventuel retour dans l’UE reste relativement simple.
*Titre modifié par Algérie360