Des associations militent depuis des années pour que la police délivre un document à chaque personne contrôlée afin de lui éviter de subir plusieurs fois ces contrôles.
Pour être applicable, une loi doit être claire. Tel est le principe qui a guidé le constitutionnel en France à invalider des textes équivoques. Sur cette base, une cinquantaine d’avocats doivent déposer cette semaine des questions prioritaires de constitutionnalité (QPC) sur les contrôles d’identité devant les juridictions de six villes françaises. L’action, initiée par Me William Bourdon et prévue pour deux semaines, se déroulera dans les villes de Paris, Lyon, Marseille, Lille, Nanterre et Créteil.
Les policiers français s’appuient sur une loi stipulant qu’ils peuvent interpeller une personne “s’il existe des indices plausibles” qu’elle peut commettre une infraction. C’est une disposition qui fait appel à l’intuition du policier. Son caractère subjectif l’emporte sur l’existence d’éléments matériels susceptibles d’étayer les soupçons d’infraction. C’est ce qui semble favoriser les contrôles au faciès, notamment dans les banlieues, où un même un jeune peut être interpellé plusieurs fois par jour. Une situation qui nourrit la tension entre jeunes et policiers dans ces quartiers.
Des associations militent depuis des années pour que la police délivre un document à chaque personne contrôlée afin de lui éviter de subir plusieurs fois ces contrôles qui sont vécus comme une humiliation quand ils se répètent. Selon le cabinet de Me Bourdon, “des milliers de contrôles d’identité sont effectués chaque jour en France” sur la base de l’article du code de procédure pénal 78-2 qui compte 4 alinéas. “Cet article, assure-t-on de même source, est extrêmement large et ne contient aucun moyen pour que le juge puisse vérifier le motif du contrôle d’identité.” “Il y a déjà quelque chose d’anticonstitutionnel, fait-on remarquer, puisque chaque contrôle est une atteinte à la liberté et qu’il convient donc à un juge de statuer.”
Ces QPC sur les contrôles d’identité, souligne-t-on de même source, visent également à attirer l’attention sur les “contrôles au faciès” qui, selon certaines études, “touchent beaucoup plus les Noirs et les Arabes”. Ainsi, dit-on au cabinet de Me Bourdon, des personnes, qui ont été contrôlées dans les cités et qui ne sont pas ensuite passées devant un juge, n’ont aucun moyen de démontrer qu’elles ont pu être contrôlées jusqu’à trois fois dans la même journée.
L’article 78-2 “viole gravement plusieurs droits et libertés fondamentaux constitutionnellement garantis, comme la liberté d’aller et venir, le droit à un recours effectif et le principe d’égalité devant la loi”, selon le Groupe d’information et de soutien aux travailleurs immigrés (Gisti). C’est “une source d’arbitraire”. Ces avocats vont donc déposer une QPC pour chaque dossier traité par la justice dans lequel il a été fait état d’un contrôle d’identité, explique-t-on de même source.
Depuis le 1er mars 2010, en vertu de la révision constitutionnelle de juillet 2008, tout justiciable peut contester devant un tribunal ou une cour, en marge d’une procédure sur le fond le concernant, une disposition législative s’il estime qu’elle porte atteinte à la Constitution.
Selon le professeur en droit constitutionnel, Dominique Rousseau, l’initiative des avocats a beaucoup de chances d’aboutir.