A Saint-Aignan-de-Couptrain, en Mayenne, une quarantaine de camions sont retenus par les éleveurs depuis mercredi, qui refusent la baisse de 30% des cours.
A Saint-Aignan-de-Couptrain, village de 376 habitants du nord de la Mayenne Place de l’église, une ambiance particulière règne depuis mercredi sur la place de l’église, d’habitude paisible. Plus de 40 camions laitiers stationnent, arrivés «escortés» par des éleveurs laitiers. «Nous sillonnons les alentours à trois ou quatre voitures. Dès que nous repérons un camion, nous arrêtons le chauffeur et lui demandons de nous suivre jusqu’ici», explique Stéphane, l’un des agriculteurs «rabatteurs». «Nous n’avons pas trop le choix, soupire Pierric, chauffeur routier. J’ai essayé de m’échapper et ils m’ont rattrapé au rond-point suivant. J’ai bien été obligé de les suivre. Les gendarmes ne voulaient que je reste immobilisé sur la route car je bloquais la circulation. J’aurais pris un PV sinon !».
Ainsi Saint-Aignan-de-Couptrain est-il devenu le symbole mayennais du mouvement de grogne contre la baisse de 30% en un an des prix du lait. La dernière mobilisation de ce type ici remonte à 1973. «Nos parents ont aussi manifesté pour des meilleurs prix du lait, se souvient Benoît Montiège, éleveur. A l’époque il leur fallait 12 000 litres de lait pour se payer une Deux chevaux, aujourd’hui il leur en faudrait plus de 16 000 litres».
Sur la place, un parking de fortune a été installé derrière la buvette et le barbecue, point de ralliement des agriculteurs qui montent la garde pour éviter que leurs «prises» ne reprennent la route. Ils se relayent toutes les quatre heures et en ce pont de l’Ascension, femmes et enfants sont venus gonfler les troupes. Saucisses, viande froide, salade piémontaise, tarte aux poires… : le ravitaillement est installé sur une table de jardin et partagé avec les chauffeurs routiers. Histoire de les faire patienter.
Certains d’entre eux ont réussi à rentrer chez eux pour le week-end en dételant leur tracteur et laissant sur place la remorque. Mais une petite dizaine d’autres est coincée sur place. Il y a ainsi «P’tit Max» de Nancy, Patrice du Luxembourg ou encore deux espagnols des Asturies, Borja et Ramiro. «Je viens livrer de la crème à la laiterie voisine, avant d’aller charger près de Parthenay du lait crû pour livrer à Central Lechera Asturiana», explique Borja, routier de 23 ans qui prend son mal en patience en surfant sur Internet. Son camion rouge carmin, façon «truck» américain, détonne avec les camions blancs traditionnels. Comme il ne parle que quelques mots de français, il se mélange peu au groupe. Mais un collègue espagnol, pris avec lui, lui tient compagnie.
A une heure du matin, la mobilisation ne faiblit pas. Deux volontaires viennent de rentrer : «On a arrêté deux camions, l’un venait d’Allemagne pour aller livrer des crèmes dessert chez Lidl en Bretagne. On a disctribué les chocolats liégeois et les crèmes à la vanille aux automobilistes». Sous le regard des gendarmes…
La maire du village passe de temps en temps pour voir si cela ne dégénère pas. «Je regrette d’avoir été mise sur le fait accompli, déplore Geneviève Blanchard. Mais je comprends les raisons de ce mouvement». Le mouvement devrait durer jusque lundi après-midi.