France défense : Paris redéfinit ses priorités stratégiques

France défense : Paris redéfinit ses priorités stratégiques

La France dévoilera demain ses enjeux stratégiques, revisités à l’aune de la menace terroriste et de l’incertitude américaine, un nouveau socle qui définira les priorités de défense d’Emmanuel Macron.

Cette revue stratégique des armées, document de 50 pages, rédigé par un comité de 16 personnalités dont l’eurodéputé Arnaud Danjean, sera présenté au préalable en Conseil de défense hier avant d’être remise demain à Emmanuel Macron. Elle établit les «intérêts et priorités stratégiques» de la France au vu de l’environnement géopolitique «actuel et prévisible», résume une source proche du dossier. Cette revue stratégique actualise le Livre Blanc sur la Défense et la Sécurité nationale adopté en 2013 sous François Hollande à la lumière de la série d’attentats jihadistes qui ont secoué la France et l’Europe ces deux dernières années. Depuis cette date, l’amplitude de la menace terroriste a changé, les menaces russes et cyber ont augmenté tout comme «les incertitudes liées à certains partenaires clés» avec le Brexit et l’élection de Donald Trump, souligne-t-on de source diplomatique. Après avoir laissé plané le doute sur les engagements américains en Europe, Donald Trump menace de remettre en cause l’accord sur le nucléaire iranien, au risque de rouvrir la boîte de Pandore de la prolifération nucléaire, et de «détruire totalement» la Corée du Nord qui le défie quotidiennement sur ce terrain. La défense européenne, dont Emmanuel Macron a fait l’une de ses priorités, occupera aussi logiquement une place de choix au coeur de ces enjeux. «Le phénomène terroriste est aujourd’hui la menace la plus visible et la plus perceptible», relevait le chef de l’Etat, le 13 juillet dernier en évoquant la revue stratégique. «Mais elle est loin d’être la seule. L’émergence, la réaffirmation des politiques de puissance, font peser le risque de voir de nouveau le monde s’embraser», ajoutait-il dans une allusion à la Russie, la Chine ou l’Iran. Une fois le décor planté, la revue stratégique va permettre d’appréhender les missions futures des armées, notamment sur les théâtres d’opérations extérieurs. En Afrique, la France souhaite que les Etats de la région prennent progressivement en charge leur défense, à commencer par la force conjointe du G5 Sahel qui démarrera prochainement ses opérations. Cela va-t-il se traduire par une inflexion de l’engagement militaire français, notamment au Sahel où l’opération Barkhane mobilise 4 000 hommes, sur fond de forte contrainte budgétaire? «Aujourd’hui il est probablement impossible d’imaginer un retrait de l’opération Barkhane», a répondu la ministre des Armées, Florence Parly, vendredi dernier sur France Inter. «En revanche nous sommes très actifs, avec d’autres partenaires européens, pour que ces armées (locales) puissent se doter des matériels, des équipements dont elles ont besoin», a-t-elle ajouté. L’effondrement du groupe Etat islamique (EI) en Irak et Syrie devrait en revanche rapidement donner des marges de manoeuvre pour réduire la présence militaire française dans cette région. La revue stratégique débouchera au premier semestre 2018 sur une loi de programmation militaire (LPM) qui déclinera les moyens alloués aux armées sur la période (2019-2025) en fonction de leurs missions. Le président Macron a d’ores et déjà promis une hausse du budget des Armées de 1,7 milliard par an durant son quinquennat afin de porter l’effort de défense à 2% du PIB d’ici 2025, soit 50 milliards d’euros contre 32 milliards aujourd’hui. «Ce qu’on peut espérer de cette revue, c’est une remise en ordre des missions et une adéquation entre les missions et les moyens», analyse le général Vincent Desportes, professeur à Sciences Po, qui déplore une «multiplication des missions sans un accroissement parallèle des moyens» ces dernières années. Il convient, selon lui, de «resserrer» les missions et la «zone d’action» de l’armée française à ce qui est dans l’intérêt «immédiat» de la France, «c’est-à-dire le sud-méditerranéen et l’Afrique». Faute de quoi, «on aura du mal à obtenir la remontée en puissance» de l’armée française que le président appelle de ses voeux, estime-t-il.