La France et l’Algérie ont vécu à la faveur d’élections des changements majeurs ces derniers jours. Logiquement, leurs relations subiront des mutations importantes dans les mois et années à venir. Cela dépendra, aussi, de la volonté des deux parties.
Le changement de majorité au pouvoir en France peut-il induire des changements dans la relation de la France avec l’Algérie ? Et d’abord sur quels plans et dans quel sens ? L’interrogation est naturelle et légitime puisque, deux jours après l’arrivée des socialistes au pouvoir en France, voilà sur le devant de l’actualité la question de l’avenir du Sahara Occidental : «Nous prenons note», a déclaré le porte-parole du ministère des Affaires étrangères français à propos du «retrait de confiance» marocain à l’envoyé spécial du SG de l’Onu au Sahara. Ce serait faire montre de naïveté politique que de croire que le soutien de la France à la proposition du plan d’autonomie pour le Sahara Occidental est propre à la droite française et que la gauche, comme par effet d’opposition idéologique, changera d’attitude sur la question dès qu’elle accède au pouvoir.
En réalité, gauche et droite ont exactement la même attitude sur la question sahraouie, c’est-à-dire un appui à la proposition d’autonomie pour le Sahara dans le cadre marocain. Vouloir avoir une autre lecture de la position française que celle du soutien au Maroc traduirait un aveuglement diplomatique, d’autant plus que les dernières résolutions du Conseil de sécurité, notamment la 1979 du 27 avril 2011, prêtent à confusion. Ces résolutions, si elles affirment le «droit à l’autodétermination du peuple sahraoui et prennent en compte des positions du Polisario», elles répètent leurs soutiens et «félicitations pour les efforts marocains crédibles pour aller de l’avant vers un règlement qui arrangerait toutes les parties». Autrement dit, la proposition marocaine pour une autonomie du Sahara dans le cadre marocain est prise au sérieux par l’Onu et qualifiée de «crédible». Est-ce à dire que la question est définitivement tranchée ? Bien sûr que non, parce que justement, les résolutions du Conseil de sécurité réaffirment, par ailleurs, le droit à l’autodétermination du peuple sahraoui. Cela veut dire que l’option «d’indépendance» du Sahara doit être maintenue avec celle de «l’autonomie» dans le bulletin du vote référendaire.
Comme on le voit, c’est le contenu même des résolutions du Conseil de sécurité qui laisse leur libre interprétation par les parties concernées. C’est donc cette libre interprétation des dernières résolutions du Conseil de sécurité qui permet à la France officielle, qu’elle soit de gauche ou de droite, d’avoir la même attitude sur la question du Sahara. Et du reste, tous les Etats du monde et leurs diplomaties se réfugient derrière les résolutions de l’Onu, dès qu’il y a opposition sur un dossier qui ne les concerne pas directement. Donc, il ne faut pas s’attendre à un changement d’attitude de la France sur cette question. En revanche, sur les questions bilatérales avec l’Algérie, il est possible d’avoir des convergences politiques. L’un des premiers dossiers sera celui du statut «spécial» accordé à l’immigration algérienne depuis 1974. Rappelons que le gouvernement de Sarkozy avait décidé de remettre en cause ce statut particulier et pour considérer l’immigration algérienne comme toutes les autres. S’il est de la pleine souveraineté d’un Etat de modeler sa politique migratoire, il reste que dans le cas algérien les données sont particulières : nombres d’immigrés, liens historiques et économiques, etc.
L’Algérie n’a pas à s’ingérer dans les affaires françaises, en revanche elle garde tout son droit de regard sur ce dossier, tant sa complexité ne peut être balayée par un simple décret gouvernemental français. Ce dossier appellera un autre, celui d’un éventuel «Traité d’amitié» voulu par les présidents Chirac et Bouteflika et remis au placard, dès 2007, par Nicolas Sarkozy. Un Traité d’amitié n’est pas une simple reconnaissance d’une relation particulière ; il constitue le «préambule politique» à tout accord, convention ou loi concernant la relation entre les deux parties. Un «Traité d’amitié» cadre une proximité accrue de coopération et relève sa qualité pour les deux parties. Du reste, la discussion pour un éventuel Traité d’amitié apaisera les positions sur les questions mémorielles et d’histoire commune. Cela acquis, les relations économiques et culturelles prendront un nouvel élan qualitatif, parce que débarrassées des interprétations politiciennes et conjoncturelles des pouvoirs politiques des deux parties. Elles privilégieront la relation entre les peuples au sens noble du terme.
Enfin, du côté algérien, il ne faut pas perdre de vue que le pays vient de vivre de nouvelles élections législatives et s’engage, selon la formule, dans une série de réformes politiques. Donc, il est clair qu’il est attendu de l’Algérie une autre conception de la politique nationale et, partant, de sa relation avec ses plus proches partenaires, telle la France. Parce que le changement qualitatif dans la relation franco-algérienne ne peut être que de la seule responsabilité de la France. L’Algérie aspire à une diplomatie plus active et juste et ne saurait se contenter d’un rôle passif. Pour l’heure, attendons le signal pour une nouvelle ère de coopération franco-algérienne que donneront les deux parties dès leur première rencontre officielle. A Alger ou Paris.