«Aujourd’hui, il faut mobiliser les pays du Sahel, l’Algérie a un rôle majeur à jouer»
Le kidnapping de diplomates algériens va, à coup sûr, susciter davantage de cooptation internationale dans la lutte contre le terrorisme.
La déclaration d’indépendance de l’Azawad par le Mouvement national de libération de l’Azawad (Mnla), ven-dredi dernier, a éclaté comme une bombe à fragmentation, menaçant de fait nombre de pays du Sahel, en l’occurrence l’Algérie et le Niger. Profitant du vide du pouvoir dans la capitale, Bamako, depuis qu’une junte de capitaines s’en est emparé, le Conseil national pour le redressement de la démocratie et la restauration de l’Etat (Cndre) a renversé le président Amadou Toumani Touré, le 22 mars, laissant ainsi les rebelles s’emparer de nord du Mali à une vitesse fulgurante. Des observateurs avertis soutiennent que demain, d’autres ex-rebelles targuis de la zone sahélienne africaine pourraient se joindre à l’aventure, notamment au Niger voisin. Tandis que l’Afrique de l’Ouest, tout juste sortie de la crise ivoirienne, avec une Guinée fragile et un Sénégal qui a tenu bon dans la tourmente électorale, n’a pas besoin d’un effondrement au Mali, ont, dans l’urgence, réagi pour empêcher l’effondrement de ce pays. Cela dit qu’il faudra encore aux chefs d’Etat de l’Afrique de l’Ouest bien de l’énergie pour réaliser leur double objectif, à savoir: ramener d’abord les militaires maliens dans leurs casernes, ensuite les aider à mener une contre-offensive. Faute de quoi, le Nord sera vite perdu, et la partition du pays deviendra réalité. Ce faisant, les chefs d’état-major de la Cédéao (organisme régional) se sont réunis pour préciser les détails d’une force, qui a encore besoin de la validation des présidents et d’un cadre logistique, pour lequel la France a proposé son concours logistique tout en écartant une intervention militaire directe comme lors de la crise ivoirienne. Une force de la Cédéao pourra-t-elle se déployer au Mali? Et qu’y fera-t-elle à ce stade? De l’interposition entre le Nord et le Sud? De leur côté, les pays du champ (Sahel) tiennent leur réunion aujourd’hui à Nouakchott pour examiner la situation dans la région, à la lumière des développements intervenus, notamment au Mali. Sachant que le Cémoc constitue une force régionale en construction et ayant déjà fait part de ses propositions pour une sortie de crise au Sahel, tout en excluant l’implication directe des forces étrangères dans la région. Dans ce sillage, le chef de la diplomatie française, Alain Juppé a déclaré récemment à la presse qu’il est du devoir des pays du Sahel de monter en première ligne contre notamment la menace islamiste et terroriste dans la région. «Aujourd’hui, il faut mobiliser les pays du Sahel, l’Algérie a un rôle majeur à jouer, la Mauritanie, le Niger, les autorités de Bamako quant à elles seront opérationnelles pour lutter contre ce fléau, qui menace toute la zone, jusqu’au Niger», a-t-il encore suggéré. Même son de cloche de la part des Etats-Unis d’Amérique. Ces derniers soutiennent que l’Algérie, forte de son expérience en matière de lutte contre le terrorisme et militairement bien organisée et bien déployée, doit jouer un rôle pivot dans la crise malienne.
Si les Français et les Américains soutiennent sa démarche, c’est qu’Alger est en première ligne dans la lutte contre Aqmi et il y a aussi un consensus de l’opinion internationale considérant l’Algérie comme étant un acteur incontournable pour désamorcer la crise malienne. Les précédentes expériences de l’Algérie dans le règlement des conflits entre les Touareg et Bamako en est un exemple des plus édifiants. Néanmoins, l’Algérie, attachée à ses principes, refuse et refusera d’intervenir militairement au-delà de ses frontières. Cela s’explique d’autant plus par la déclaration du Premier ministre Ahmed Ouyahia dans une interview accordée au quotidien Le Monde, soutenant qu’il faut continuer à intensifier la coopération internationale et sous-régionale du Cémoc pour maîtriser le terrorisme dans la région du Sahel.
Pour ce qui est d’une intervention militaire étrangère au Mali, il dira que l’Algérie considère que chaque fois qu’un acteur étranger joue un rôle essentiel, c’est un dérapage programmé. D’où, il a suggéré de la communauté internationale d’aider le Mali et à faire face à ses problèmes de développement et à renforcer son armée, avant de réitérer que l’Algérie n’acceptera jamais une remise en cause de l’intégrité territoriale du Mali. Dans le même sillage, des spécialistes des questions sécuritaires relèvent, à la lumière, des évènements en cours au Sahel, qu’il est dans l’intérêt de l’Algérie de revoir sa doctrine sécuritaire pour construire des zones d’influence au-delà de ses frontières, sachant qu’aujourd’hui les dangers viennent de l’extérieur. Ainsi, Djana Ben Amoueur, ancien officier de l’ANP a fait remarquer que le temps des guerres traditionnelles s’est achevé pour laisser place aux guerres diplomatiques. Selon lui, l’Algérie a impérativement besoin d’une diplomatie crédible et efficace pour faire face aux menaces extérieures. C’est par des réseaux diplomatiques, explique-t-il, que l’on crée des zones d’influence pour parer aux dangers extérieurs. Il préconise, pour ce faire, l’idée de redynamiser la diplomatie algérienne, aux plans régional, arabe et international. «Pour parer aux menaces extérieures, il faut intervenir de l’extérieur, en tissant des réseaux et bâtir des partenariats efficaces», insiste l’ancien militaire, soulignant enfin que la sécurité nationale se mesure au poids dont on bénéficie au plan international induit par l’activisme de notre diplomatie.