Frais du Ramadhan et de l’Aïd : Des Oranaises mettent au clou leurs bijoux

Frais du Ramadhan et de l’Aïd : Des Oranaises mettent au clou leurs bijoux

La BDL du centre-ville d’Oran n’a pas encore ouvert ses portes qu’une foule dense de femmes en gesticulation forme, déjà devant l’entrée, une double chaîne de dix mètres. Selon des riverains matinaux, ces femmes forment, régulièrement lors de chaque Ramadhan, ces tableaux de détresse qui montrent que tout le monde n’est pas logé à la même enseigne pendant le mois sacré du Ramadhan.

L’âge moyen de ces femmes oscille entre 35 et 50 ans. Si elles sont là, de bon matin alors que leurs pairs, voisines ou des connaissances, dorment encore, c’est parce que, comme nous le dira l’une d’entre elles, la vie est devenue si dure qu’il faut s’accrocher à n’importe quoi pour ne pas rester sur le carreau : «Chaque Ramadhan, je viens ici pour mettre en gage mes bijoux en or. Cela me rapporte un peu d’argent qui nous permet de respirer le temps qu’il faut.

Le salaire de mon mari, qui est employé à Sonelgaz, ne nous permet pas de répondre à toutes les exigences du Ramadhan et de l’Aïd. Et comme cette année, ce dernier coïnciderait presque avec la rentrée scolaire, alors il faut bien mettre au clou mes bijoux si je veux que mes enfants ne soient pas traumatisés pour la vie.» Mère de quatre enfants, cette dame dit que pour rien au monde, elle ne voudrait brimer ses enfants. «Les parents sont faits pour ça, dit-elle. Du reste, je ne fais que mettre en gage mes bijoux.

Si je les vendais, ce serait peut-être irrémédiable, mais là c’est différent. En plus, cela n’est rien à côté de la joie qu’éprouveront mes enfants qui mangeront comme tout le monde et s’habilleront comme les enfants des voisins». Presque toutes les femmes qui sont dans cette chaîne de la détresse humaine sont là pour les mêmes raisons : mettre au clou de précieuses pièces d’or qui datent de leurs mariages pour subvenir aux exigences du Ramadhan et de l’Aïd. Certaines le font pour aider leurs maris qui n’oublieront pas, une fois que les choses se sont bien passées, d’avancer l’argent pour retirer les bijoux mis au clou. D’autres le feront parce qu’elles sont le seul soutien de famille et que c’est un moyen honnête pour permettre à leurs familles de continuer à rouler encore.

Pour les employés de la banque, la BDL est le seul établissement financier autorisé par l’Etat à s’adonner à la pratique de la mise en gage des objets en or :

«Pour nous, il n’y a rien d’exceptionnel à cela. A chaque Ramadhan, Aïd et autre rentrée scolaire, nous nous préparons à faire face à ce phénomène. Nous traitons avec des centaines de femmes qui mettent en gage des kilos d’or qui permettront à leurs familles de voir venir». Pour 1.500 dinars le gramme d’or, alors que sur le marché, il fait entre 3.500 et 4.500 dinars, des femmes abandonnent aux agents de la banque de petites fortunes. Avec toujours un espoir pour les retirer à temps. Et aussi, le risque est toujours là de ne pas pouvoir réunir l’argent nécessaire pour les retirer dans les délais impartis et de voir, ainsi, partir en fumée de précieux bijoux qui auront traversé bon nombre de péripéties.

Mais selon l’employé au service des gages, il est vraiment très rare que les gens n’arrivent pas à retirer dans les délais leurs bijoux gagés : «Ne vous en faites pas pour elles, elles trouveront toujours un moyen pour ne pas brader leurs précieux bijoux.» Outre la banque qui les déplume quand bien même les aiderait-elle, ces femmes sont aussi la proie des dellalate, ces professionnelles de l’or qui guettent la moindre occasion pour leur proposer un marché de dupe.

Si pour une raison ou une autre, une candidate à la mise au clou est refoulée bredouille de la banque, elle est sûre de trouver devant elle une de ces dellalates pour lui proposer de lui acheter ses bijoux au prix de l’or «cassé», c’est-à-dire entre 2.000 et 2.500 dinars le gramme. Les dellalte iront, à leur tour, le proposer aux commerçants ambulants de Mdina J’dida qui le revendront au prix du neuf… Bon Ramadhan, quand même !