Forum libre des femmes : L’égalité comme priorité dans le changement

Forum libre des femmes : L’égalité comme priorité dans le changement

Par Hammadi Souhila

Dans un forum libre, des militantes des droits de femmes et des citoyennes ont débattu, hier, à Alger, de l’opportunité d’imposer la question de l’égalité dans le mouvement en cours pour le changement du régime et de ses pratiques. Les féministes, échaudées certainement par les expériences assumées et surtout par les occasions manquées, estiment que les revendications des femmes doivent être brandies tout de suite.

“Nous adhérons pleinement au mouvement populaire. Mais il est impératif de rendre justice à la moitié de la population, immédiatement. Si nous attendons le cadre de la conférence nationale, ce sera trop tard”, a estimé Fadila Chitour du Réseau Wassila. De son point de vue, il faut transgresser les tabous et se montrer radicales dans la démarche.

Pour Nadia Aït Zaï, juriste et directrice du Ciddef (Centre d’information et de documentation sur les droits de l’enfant et de la femme), il ne convient pas de laisser la place libre autour de la table de négociations. “Si on nous marginalise ou si nous ne sommes pas représentées par des personnes (essentiellement des femmes, ndlr) qui ne comprennent pas l’égalité comme valeur universelle, et si nous ne nous entendons pas sur un projet de société laïque, nous n’aurons pas rentabilisé la mobilisation”, a-t-elle soutenu. Wassila Tamzali, vieille militante de la cause féminine, a prévenu contre le dévoiement de la révolution, si la question des femmes n’est pas en son cœur. “Nous avons entre les mains, le destin de la démocratie.”

Thiziri, jeune militante politique comme elle se définit, a remis quelque peu les pendules à l’heure. “Je n’ai pas compris l’intérêt d’un carré féministe le 22 mars, alors que dans la marche progressiste, la mixité était spontanée.” À partir de là, elle a jugé que les efforts doivent être concentrés sur la chute du régime. “Ce n’est pas le moment des revendications corporatistes ou sociétales”, a-t-elle affirmé. “Nous sommes capables d’intégrer les revendications des femmes dans le sillage des changements politiques”, a contredit Maya Zerrouki, ancienne animatrice à la radio nationale. Chérifa Bouatta, psychologue, a rappelé que dans les années 90, les femmes ont mis en berne leur demande face à la violence qui endeuillait le pays. “C’était une erreur. Nous sommes pour l’unité du mouvement. Nous devons poser aussi les problèmes de notre société, dont les deux tabous : les femmes et la religion”, a-t-elle asséné.

Une jeune femme a résumé en quelques mots l’aspiration d’une majorité de l’assistance : “Je marche contre le régime le vendredi. Je redeviens féministe le reste de la semaine. Nous pouvons nous organiser comme le font les hommes d’affaires, les étudiants, les avocats…”. Ibtissem, une artiste, a évoqué le suicide récent de deux jeunes filles, victimes de mariages forcées. “Pour ces femmes et toutes celles réprimées, la révolution des femmes doit être engagée aussi.”  Anissa Smati, avocate, a mis en évidence l’incongruité de lois (dont le code de la famille) votées par “un Parlement acquis au régime. La révision de ces lois dans le sens de l’égalité est une exigence”.

De fil en aiguille, le débat a abouti à une ébauche de propositions : entretenir un forum ouvert, organiser une marche des femmes chaque semaine (en dehors du vendredi)…

Souhila H.