«Ne philosophez pas trop, soyez pragmatiques», a demandé le 1er ministre aux animateurs des quatre ateliers que le CNES a mis hier en place pour tenter de sortir l’économie nationale productive de son marasme.
C’est la conclusion de l’allocution que Abdelmalek Sellal a prononcée à l’ouverture du Forum économique et social qu’organise le CNES au Palais des Nations de Club des pins depuis hier en vue de faire le diagnostic de l’économie nationale depuis l’indépendance et de proposer les solutions de son redémarrage.
Une économie cinquantenaire mais dont les premières gestations postindépendance ont été déclenchées alors que le pays vivait ses pires moments de l’ignorance et de la pauvreté.
Mohamed Seghir Babès a enchaîné sur l’idée après le départ du 1er ministre, pour affirmer que c’est le CNES qu’il préside qui a été chargé par le président de la République, il y a de cela 5 mois, pour faire «un arrêt sur images et regarder lucidement, avec un esprit de responsabilité et une conscience aiguë» ce qui a été fait depuis l’indépendance sur la base d’ «un héritage chaotique, dans des conditions de débâcle politique, une politique de la terre brûlée et les caisses vides».
Ce qui a été après l’indépendance, Sellal l’a précisé par des chiffres. «En 1962, le PIB était de 15 milliards de dinars, en 2000, de 3698,7 et en 2012, il a atteint 15 612,4 milliards DA.
Le PIB par habitant était pour les mêmes années de 198 dollars, de 1793 et enfin a atteint 5798 dollars. L’analphabétisme atteignait 85%, a baissé à 31,9% pour être en 2012 à 18%. L’espérance de vie était en 1970 de 52,6 ans et de 72,5 en 2000 et de 76,4 ans en 2012.
Le raccordement AEP était en 1962 de 35% que pour les villes du Nord algérien, précise Sellal, pour augmenter à 80% en 2000 et atteindre en 2012 94%. Le raccordement en électricité était consécutivement pour ces mêmes années et aussi pour ces mêmes régions de 40%, 85,5% et de 98%.» Sellal affirme en outre que le nombre d’étudiants universitaires est aujourd’hui de 1,3 million et «l’Etat prend en charge toutes leurs dépenses.
Le nombre d’élèves scolarisés est de 8,3 millions.» Il a même annoncé que «l’Algérie est désormais classée dans la catégorie des pays à développement humain élevé par les organismes internationaux et les agences spécialisées de ONU».
«NE PHILOSOPHEZ PAS, SOYEZ PRAGMATIQUES»
Tous ces chiffres laissent le 1er ministre dire que «comme toute oeuvre humaine, les réalisations économiques et sociales durant ces 5 décennies sont sujettes à l’évaluation, au débat et même à la critique, mais le seul fait que ce travail académique et scientifique soit mené par les fils de l’Algérie indépendante et de son système d’enseignement et de formation constitue, un point d’honneur et de satisfaction pour le pays».
Il doit pourtant savoir que la guerre des chiffres en Algérie n’a jamais été gagnée par aucune institution, en premier le CNES qui, au bout de plusieurs rapports sur la conjoncture économique et sociale du pays, n’en faisait plus ses références tant les lacunes et les insuffisances qui émaillent le fonctionnement de l’économie nationale sont flagrantes.
D’ailleurs, 50 ans après l’indépendance, un responsable au moins – le 1er ministre – demande à ceux qui sont chargés de diagnostiquer et d’apporter des solutions pour relancer l’économie nationale, de «ne pas philosopher mais d’être pragmatique».
La remarque a son importance dans un pays qui s’est toujours contenté d’exporter ses hydrocarbures et a toujours «philosopher» sur le reste, tout le reste.
Sellal le sait pertinemment bien pour avoir été pendant très longtemps un responsable au niveau des collectivités locales, qui doivent être par excellence des institutions de bonne gouvernance mais qui sont loin de l’être. Il le sait au moins depuis qu’il est 1er ministre, de par les fortes contestations sociales qu’il est appelé à gérer à chaque fois qu’il se déplace à travers le pays.
LES SECTEURS QUI FAUSSENT LA CONFIANCE DES CITOYENS
S’il a avancé des chiffres positifs hier, le 1er ministre n’a pas relevé le profond délabrement des secteurs – fondements de l’Etat de droit qui sont l’école, la santé et la justice mais qui, au plan national, empoisonnent l’existence des citoyens et faussent leur confiance en leurs gouvernants.
Cela a été dit et prouvé dans et par de nombreux forums, séminaires et conférences nationales. Les recommandations des experts à cet effet sont légion. L’une des dernières contributions, les 100 propositions de Nabni, un forum constitué d’animateurs de tous les horizons. Le CNES lui-même a été dans ce sens un «éclaireur » pour les nombreux gouvernements qui se sont succédé.
Sellal semble d’ailleurs le confirmer en soulignant hier qu’ «en tant qu’espace de concertation libre et pluridisciplinaire, a contribué significativement à la formulation des politiques publiques dans notre pays». Il dira même plus, que «la pertinence de ses analyses et propositions sont en fait un instrument d’évaluation et de prospective en matière économique et sociale, que le gouvernement écoute».
Le 1er ministre passe alors à un autre niveau de discours pour affirmer que la politique économique et sociale nationale, «sous la conduite éclairée» du président de la République, «a permis de minimiser les effets néfastes de la crise mondiale sur notre pays et de lui donner une marge de manoeuvre confortable».
Il fait savoir cependant que «cette situation favorable ne doit en aucun cas occulter les nécessaires réajustements et réformes que nous devons opérer pour garantir la consolidation des grands équilibres de l’économie nationale et sa mue vers une diversification induisant des importations réduites et moins de dépendance aux hydrocarbures, une croissance soutenue et un recul du taux de chômage notamment chez les jeunes».
Parce qu’avant, il a rappelé que l’économie nationale est financée à 93% par les exportations des hydrocarbures. Ceci, depuis 50 ans.
Ghania Oukazi