Fonds souverains : de l’intérêt à revisiter cette option en temps de crise

Fonds souverains : de l’intérêt à revisiter cette option en temps de crise
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Paradoxalement le débat en Algérie sur l’opportunité de la création d’un fonds souverain, qui avait été rapidement fermé en 2008 du fait de la crise économique initiée par celle des subprimes en 2007, s’ouvre de nouveau en ce début d’année 2015 en pleine période de crise pétrolière et de contrainte financière pour le pays. Mais dans un contexte différent. En 2008 il était surtout question de minimiser les risques auxquels étaient exposés nos 133 milliards de réserves de change majoritairement libellés en bons du Trésor américain. En 2015, cette problématique est plutôt inscrite dans une tentative de diversification des sources de financement interne et externe, hors budget de l’état, de la large gamme de projets industriels, énergétiques et d’infrastructures diverses. Pour faire simple, il s’agit de passer d’une stratégie financière défensive à une stratégie financière offensive. L’objectif stratégique étant en l’occurrence la mise en place de véhicules financiers réactifs à forte synergie dans la mobilisation des financements internationaux requis. D’où l’intérêt de revisiter cette option de création d’un fonds souverain soit ex nihilo, soit à partir de la transformation d’institutions déjà existantes (FRR, FNI). à ce propos la littérature académique, institutionnelle et médiatique considère déjà que notre actuel Fonds de régulation des recettes (FRR) est un fonds souverain bien qu’il n’en possède pas l’ensemble des caractéristiques. Ainsi par exemple, le FRR n’est pas autorisé à investir à l’étranger pour y acquérir un portefeuille d’actifs industriels, financiers ou immobiliers, ce qui n’est pas le cas de la grande majorité des fonds souverains. Au même titre d’ailleurs que le Fonds national d’investissement (FNI) qui n’intervient que dans le périmètre national. Sachant l’obsolescence de notre appareil industriel productif et la disponibilité, en Europe notamment, d’actifs industriels et technologiques que la crise a rendus accessibles à des coûts compétitifs, on voit bien que ces barrières érigées par notre propre dispositif institutionnel sont autant de contraintes pour notre modèle affiché d’une croissance diversifiée hors hydrocarbures. Mais à l’inverse, déclarer, comme le Forum des chefs d’entreprises (FCE) l’avait fait fin 2012, que le FRR est un “échafaudage bureaucratique encombrant, vidé de toute signification économique” est non seulement exagéré mais tout simplement non fondé financièrement et économiquement. Le redressement par les ressources du FRR des lourds déficits budgétaires induits par la chute des prix des hydrocarbures le démontre aisément. Cela d’autant que des lignes de soutien à la production nationale et à la promotion de l’entreprise figurent dans ces budgets. Ceci étant, en dépit du cycle de contraction des recettes fiscales provenant des hydrocarbures, une réforme du FRR et/ou du FNI, pour leur octroyer l’ensemble des prérogatives classiques d’un fonds souverain, me semble une option adaptée à la situation actuelle de promotion de cette croissance diversifiée recherchée, notamment industrielle. On peut ainsi envisager un schéma d’élargissement des prérogatives du FNI incluant l’acquisition d’actifs industriels et technologiques sur le marché international au profit de ses partenaires locaux. Sachant qu’il peut disposer d’un pourcentage raisonnable de ressources du FRR et de leurs contreparties en réserves de change, le FNI pourrait faire jouer l’effet de levier sur le marché financier international pour boucler le montage des financements requis à cet effet. En recevant Dimitis Tsitsiragos, vice-président de la Société financière internationale (SFI), Mohamed Djellab, ministre des Finances, a clairement exprimé “la volonté du gouvernement de poursuivre les réformes engagées au niveau du secteur des finances qui impliqueront de plus en plus le marché dans le financement des projets”. à cet effet, le véhicule le plus indiqué pour mobiliser ces financements domestique et extérieur reste précisément le fonds souverain créé à partir de l’élargissement des missions du FNI. Cela d’autant que ce dernier a déjà construit une proximité avec le monde de l’entreprise algérienne publique et privée et qu’il disposerait alors d’une quotité de ressources provenant du FRR. Le FRR aussi deviendrait, de fait, un fonds souverain, car ces missions seraient élargies non seulement à la stabilisation macro-financière du pays mais aussi aux opérations industrielles de diversification de l’économie. Mais il faudra évidemment réduire les risques de mauvaises décisions dans le choix des investissements telles que celles prises par le fonds souverain libyen Libyan Investment Authority (LIA) d’acquérir, sur conseil de la banque américaine Goldman Sachs, des produits dérivés qui ont conduit à une perte d’un milliard de dollars. En évitant d’acquérir des produits de forte volatilité mais surtout en se dotant de ressources d’expertise dans les domaines de l’analyse des marchés, de la gestion opérationnelle de portefeuilles, de l’audit des comptes et du contrôle et de la gestion des risques. Cette expertise interne peut être doublée par un recours aux cabinets internationaux indépendants de premier plan. Ces opérations assises sur la maximisation des rendements tout en minimisant les risques auront un retour sur investissement qui réalimentera en ressources financières aussi bien le FNI que le FRR. Est-on à présent prêt à entrer dans ce type de schéma financier ? Toute la question est là. Je crois pour ma part que nécessité fait loi. S’en tenir au dispositif mis en place en 2000 pourrait s’inscrire dans une logique de prudence et avoir du sens si le trend de forts excédents financiers de fiscalité pétrolière se prolonge durablement ; or nous ne sommes pas du tout dans cette situation et pour une longue période encore. Il va falloir chercher aussi ailleurs que dans la fiscalité des hydrocarbures les sources de réalimentation du FRR et du FNI. Les pouvoirs publics semblent s’y résoudre progressivement en encourageant la recherche de financement des projets par le marché bancaire, obligataire et boursier. Les limites du financement budgétaire apparaissent déjà à un horizon daté plus proche que ne le pensent certains. Pour conclure, les conditions de succès de la diversification économique passe certainement par la promotion des différents secteurs de l’économie réelle. Mais pour ce faire, il faudra bien passer par une réforme en profondeur de la sphère financière dans sa dimension monétaire, budgétaire, bancaire et fiscale. Pour ma part, la mise en place d’un fonds souverain fait partie intégrante de cette réforme de la sphère financière. Sans doute aussi pour la classe des entrepreneurs.