La mise en conformité fiscale volontaire (MCFV), lancée en août dernier par l’administration fiscale et les banques pour attirer l’argent « légitime » circulant dans l’informel vers le circuit bancaire, semble bien démarrer, selon des banquiers interrogés par l’APS.
« Le dispositif a commencé il y a un mois et nous avons déjà enregistré les premières opérations de placement au niveau de plusieurs banques, c’est un début prometteur et un signal très positif pour la conduite de ce programme », a déclaré Boualem Djebbar, président de l’Association des banques et établissements financiers (ABEF).
Sur les montant placés, M. Djebbar, également P-dg de la BADR (Banque de l’Agriculture et du Développement Rural), a confié que « les sommes différent: il y a des placements de 10 millions de DA, de 40 millions de DA, de 60 millions, voire de 200 millions de Da ».
Mais « il ne faut pas se focaliser sur les montants à l’heure actuelle, nous sommes tout à fait au début, il nous reste presque un an et demi pour arriver à la date limite (de ce dispositif), je pense que nous avons le temps qu’il faut pour atteindre les objectifs escomptés », a-t-il souligné.
La BADR, à titre d’exemple, veut profiter de son grand réseau national qui compte plus de 300 agences, pour « essayer de collecter le maximum d’argent », a-t-il avancé.
Des équipes de cette banque publique doivent ainsi « se déplacer sur le terrain, se rapprocher des citoyens pour les sensibiliser et les convaincre de déposer leur argent au niveau des banques », a-t-il encore fait savoir.
La Loi de finances complémentaire (LFC) pour 2015 (article 43) a fixé une taxation forfaitaire libératoire de 7% applicable sur les sommes déposées auprès des banques dans le cadre d’un programme inédit en Algérie: la mise en conformité fiscale volontaire dont la date limite a été fixée au 31 décembre 2016.
Le versement du produit de cette taxe a été centralisé au niveau de la Direction des grandes entreprises (DGE) qui est appelée à le transmettre aux directions des impôts de la wilaya où réside le contribuable.
Les agences bancaires ont été ainsi chargées de collecter les dépôts, de défalquer instantanément la taxe de 7% et de la verser à la DGE.
De son côté, le P-dg du CPA (Crédit Populaire d’Algérie) Omar Boudieb a assuré que le dispositif « fonctionnait comme il se doit » et que la banque qu’il dirige à déjà enregistré des placements pour un montant global « assez consistant ».
« Au niveau du Cpa nous avons enregistré des opérations pour un montant assez consistant et nous avons également eu des promesses de placements. Nous escomptons réaliser des montants considérables d’ici un ou deux mois », a-t-il avancé.
Il a fait savoir que la banque a déjà collecté « près de 300 millions de DA dans le cadre de la MCFV en plus de promesses de placement pour 2 milliards de DA ».
En plus, les gens « viennent régulièrement s’informer sur le dispositif, sur les avantages qui leur seront accordés », a-t-il ajouté.
Le CPA (une banque publique) compte mettre à profit les assises régionales qui seront organisées les 10, 14 et 17 septembre en cours autour des mesures de la LFC pour 2015, et notamment celle relative à la MCFV, pour « lever toutes les ambiguïtés sur les modalités de dépôt et d’utilisation des avoirs et essayer d’instaurer ce climat de confiance qui fait défaut ».
A ce titre, M. Boudieb souligne que les déposants ont, dans le cadre de ce dispositif, « la libre disposition de leurs fonds: ils peuvent les retirer ou les virer au profit d’autres comptes bancaires (…) l’argent reste la propriété du client, seulement qu’il est mis dans des conditions de sécurité et de profitabilité pour la banque qui va l’utiliser au profit de l’investissement ».
Des résultats encore en deçà des attentes de l’administration fiscale
Interrogé, lé délégué général de l’ABEF, Abderrezak Trabelsi, s’est montré également satisfait quant au déroulement de l’opération en faisant état de « sommes appréciables » placées auprès des banques en un mois.
« Ca fait à peine un mois que l’opération a commencé et nous avons déjà enregistré des sommes appréciables qui ont été placées auprès des banques », se réjouit-il.
« C’est faux de dire que les citoyens ne s’intéressent pas à ce dispositif, il y a un réel engouement mais les gens ne vont pas créer sur les trottoirs pour dire qu’ils ont été voir telle ou telle banque », a-t-il répondu à une question de l’APS sur une éventuelle « réticence » vis-à-vis à ce nouveau dispositif.
Depuis le lancement de la MCFV » il y a beaucoup de gens qui viennent chez les banques, posent des questions …mais ça se passe dans la discrétion totale », a-t-il soutenu.
Cependant, l’administration fiscale évoque un début plutôt timide de ce programme.
« L’opération a débuté durant un mois de vacances, on ne peut pas parler d’engouement (de la part des détenteurs de fonds informels) en ce qui concerne nos services, par contre certains sont venus solliciter des informations pour voir comment ça se passe et toutes les explications leur ont été données », signale à l’APS le Directeur général des impôts , M. Abderrahmane Raouia.
Et d’ajouter: « maintenant, et avec la communication organisée autour de ce dispositif nous attendons plus de confiance (de la part des citoyens) », s’est-il contenté de souhaiter.
A son tour, le direction de l’informatique et de la documentation fiscales (DIDF) au sein de l’administration fiscale, Yahia Oukssal estime que le bilan d’un mois d’exécution de la MCFV est « un peu timide par rapport à ce qui était escompté ».
« Les gens sont encore réticents, ils craignent par exemple que la banque envoie une déclaration de soupçon sur l’argent déposé, ou que l’administration des impôts procède à la vérification fiscale après la mise en conformité… ils se donnent donc une période d’observation », a-t-il expliqué.
La DIDF a été chargée de faire parvenir quotidiennement à la Direction des grandes entreprises (DGE) un état reprenant l’ensemble des virements opérés par les agences bancaires.
Récemment, le ministre des Finances Abderrahmane Benkhalfa a déclaré que l’Algérie avait besoin de ses ressources internes qu’elle veut intégrer dans le circuit bancaire.
« Nous mobilisons les ressources de la Nation avec toutes les garanties juridiques et techniques, nous ne les mobilisons pas pour les stocker mais pour les utiliser dans la croissance économique », a-t-il soutenu.
L’Algérie, selon son premier argentier, « n’est pas en position de malfaisance financière, et ne compte pas sur la taxe de 7% pour avoir des ressources mais veut juste impliquer le milieu des affaires dans le développement ».
Selon la Banque d’Algérie, l’argent liquide circulant dans l’informel tourne autour de 1.000 à 1.300 milliards de DA.
A partir du 1er janvier 2017, les personnes disposant de fonds informels et n’ayant pas souscrit au programme de MCFV feront cependant l’objet de redressements fiscaux avec l’application des pénalités et sanctions prévues en la matière.