“Floukete El Maoulid”, une autre manière de perpétuer la Sira Nabaouia à Ténès

“Floukete El Maoulid”, une autre manière de perpétuer la Sira Nabaouia à Ténès

CHLEF – La célébration d’El-Mawlid Ennabaoui Echarif, constitue, outre la perpétuation de la Sira Nabaouia (Conduite du prophète) et ses vertus et mérites, une occasion pour les familles de la ville de Ténès (55 km au Nord-ouest de Chlef ) d’affirmer leur fidélité au prophète de l’Islam (QSSSL), mais, également, leur attachement à l’héritage de leurs aïeux en remettant au goût du jour « Floukete El Maoulid » (l’embarcation ou la nef du Mawlid Ennabaoui).

Pour fêter la naissance du prophète Mohamed (QSSSL), la population locale se lance, tradition oblige, à l’ornement d’une barque qui sillonnera les rues de la ville aux sons de chants religieux exécutés par une troupe des Aissaoua. Tout au long de son parcours « Floukete El Maoulid », aux décorations lumineuses et variées, s’ébranle pesamment suivie par une nuée d’enfants semant joie et allégresse sur son passage.

Cette barque festive, dont la tradition remonte aux années 30 du siècle dernier, constituait un symbole vivant de l’attachement de la population locale à son identité islamique et algérienne, et représentait aussi un moyen pour faire face aux campagnes d’évangélisation de l’époque.

En dépit des développements technologiques en cours, la commune de Ténés, de concert avec les associations locales du domaine, s’attèle, à la veille de chaque célébration du Mawlid Ennabaoui, à faire bonne figure en mettant le paquet sur l’organisation de cet événement festif. Tout est mis à contribution pour orner la barque avec des lanternes et bougies multicolores, en vue de son lancement programmé annuellement à la fin de la prière du Maghreb à partir de la mosquée « Sidi Maiiza » de Ténès.

« Les autorités locales ont toujours œuvré à la perpétuation de cette tradition, héritée de nos ancêtres, en mettant en exergue le caractère singulier de cette région, qui a été un centre de rayonnement religieux à travers le temps », a souligné, à cet effet, le maire de Ténès, Ali Amamra.

Selon Merouane Safta, enseignant en histoire et guide touristique de son état, l’histoire de cette barque remonte à l’ère coloniale, lorsque le comité des sages de la ville de Ténès, a imaginé cette manière de célébrer le Mawlid Ennabaoui Echarif, en réponse aux colons qui célébraient la vierge Marie, en portant sa statue, à pied, du centre ville jusqu’à ses hauteurs.

Pour les anciens habitants de Ténès, cette embarcation était une manière à eux de rejeter subtilement les tentatives françaises d’évangélisation de leur ville, réputée, à travers les époques, pour ses valeurs et monuments islamiques. D’où l’idée de cette barque, tirée à travers les ruelles par les jeunes et les enfants de la ville, à chaque veille de célébration de la naissance du prophète (QSSSL), a expliqué M. Safta.

Chaque année, à cette période, une cérémonie religieuse, marquée par des récitations du Coran, a lieu au niveau de la vieille mosquée Sidi Maiiza, après la prière du Maghreb, avant le lancement, par les habitants de la région, de cette barque, scintillante aux lumières des bougies et lanternes, à travers les ruelles du vieux Ténès, en passant par le port, puis la ville coloniale, avant de revenir à son point de départ (mosquée) dans un long cortège bigarré avançant aux rythmes des chants religieux et des youyous lancés par des femmes, le tout ponctués par les notes de la troupe Aissaoua.

Pour les habitants de Ténès, à l’image de Mme. Hakima, « il s’agit là d’une manière de s’exprimer et de communiquer entre générations et de préserver ce lien » et ce en dépit des progrès technologiques.

Elle a, notamment, souligné la joie des enfants de participer à cette manifestation, durant laquelle les mamans confectionnent un jouet traditionnel, dans lequel leurs petits placeront la bougie du « Maoulid » qu’ils porteront tout au long de la procession.

Son concitoyen, Mohamed Daykhi, a salué, pour sa part, « cette belle tradition qui laisse un souvenir impérissable dans l’esprit des enfants de cette région, qui a su vaillamment faire face à toutes les campagnes d’évangélisation françaises », a-t-il soutenu.

A noter que cette fête, qui s’était éclipsée durant la décennie noire, avant de revenir en force en l’an 2000, sera célébré à Ténès dans la nuit de lundi à mardi, avec la participation de tous les acteurs de la société civile locale et des habitants de la région.