C’est un Abdelaziz Belkhadem méconnaissable dans ses discours de premier secrétaire du parti FLN qui a ouvert, ce lundi, avec force contradictions l’université d’été de son parti à Tipasa ( Alger )
Cette université qui se veut l’apothéose du raz-de-marée de ses députés dans un hémicycle qui lui est entièrement acquis, n’a cependant pas versé dans la dithyrambe. De parti, clé de voute de la majorité présidentielle, Abdelaziz Belkhadem semble n’en faire qu’un « soutien » au nouveau gouvernement d’Abdelmalek Sellal. Mais, par ce « soutien« , il n’entend pas seulement être une simple courroie de transmission au nouveau « moteur » gouvernemental, il entend également l’ »orienter« , le « contrôler » même, d’autant que, tient-il à le rappeler que « l’exécutif dépend de l’approbation et du contrôle du pouvoir législatif ».
Cette déclaration est-elle connotée de « menaces » à l’endroit de la formation d’Abdelmalek Sellal qui, bien qu’appartenant au FLN, affiche une certaine tentation de n’être que l’homme des réformes d’Abdelaziz Bouteflika qui a eu l’audace de se séparer des caciques de l’ex-parti unique ou, au contraire, veut-il par là signfier que les forces du FLN peuvent se passer d’un tel gouvernement et que ses forces s’en trouvent décuplées au sein du parlement, du sénat et bientôt au niveau des APW et des APC. C’est sur cette dernière hypothèse qu’Abdelaziz Belkhadem qui entend rester l’homme fort du régime et non pas seulement d’une formation gouvernementale hypothéquée par l’impossible mission de « redresser » le pays parti en lambeaux, a articulé son discours en déclarant, comme s’il avait été au dessus du Premier ministre, se permettant même de l’évaluer, d’en être l’observateur et le contrôleur: « La feuille de route que prépare le Premier ministre s’accorde avec le plan quinquennal (2010-2014) », a précisant que le FLN, parti matrice de ce nouveau gouvernement d’un FLN revu et corrigé à la baisse, approuvait ce plan auquel le gouvernement a affecté 19.000 milliards DA« . Belkhadem va même jusqu’à suggérer une certaine opposition entre le programme de Bouteflika dont il détiendrait les clés, qui serait donc celui décidé par le comité central dont Bouteflika est président d’honneur et celui du gouvernement qui doit en être l’émanation. Autrement dit, Belkhadem laisse entendre que le FLN a la charge de l’idéologique au sein de toutes les instances « élues » et que la formation de Sellal n’est qu’une équipe technique qui doit se plier au tout puissant FLN en tant que parti et système.
Sans que l’on connaisse encore le programme de la formation de Sellal désignée par Boutedflika, Abdelaziz Belkhadem s’en fait l’évaluateur averti : « Le programme de l’actuel gouvernement est conforme à celui du président de la République« . Mais, le patron du FLN ne semble plus avoir la verve, l’invective et les propos narquois qui le caractérisent. Bien que majoritaire au parlement, sa formation reste estropiée dans la mesure où ses ténors ne figurent pas dans le gouvernement. Un affront que n’arrive pas à digérer l’ex-conseiller particulier d’Abdelaziz Bouteflika. N’hésitant pas à se contredire, il avoue le détrônement de sa formation d’un gouvernement dont il avait pourtant tous les gages: « Dans tous les gouvernements qui se sont succédé, les secteurs de souveraineté ont été confiés aux militants du FLN (gouvernements de 2002/2007/2012), ce qui leur permet de travailler tranquillement au sein de chaque gouvernement que contrôle et oriente le FLN« . C’est sans doute là le propos fort de son discours.
Prévoyant sans doute des heurts, voire des fractures au sein de sa formation face à un gouvernement qui se veut plus technocrate que politique – ce n’est pourtant pas l’image qu’il donne ! -, Belkhadem a appelé les militants du parti à « s’écarter de tout conflit de générations« , tant les menaces des redresseurs qui reviennent à la charge redoublent d’intensité, mettant même en péril son ascendance au sein du parti. Prenant les devants sur l’échec prévisible d’un gouvernement sans les grosses pointures du FLN, Abdelaziz Belkhadem avertit : son parti « assume sa pleine responsabilité dans la gestion administrative et la gouvernance du pays« , et refuse d’assumer la responsabilité de la gestion du pays « pendant les périodes où il était en dehors du pouvoir« .
Il a ainsi appelé les participants à l’Université d’été à redoubler « de vigilance et de mobilisation en vue de réunir les conditions nécessaires à la réussite des réformes pour barrer la route aux ennemis de l’Algérie » qui ne semblent plus être ceux que l’on désignait par « la main étrangère« , faisant sans doute allusion aux prochaines échéances électorales, les communales de ce 29 novembre et les présidentielles de 2014. Belkhadem a dit et répété que les communales ne feront que confirmer les résultas des législatives. Mais il ne s’attendait sûrement pas à ce que les résultats des législatives ne lui aient pas offert sur le plateau de Bouteflika la nouvelle formation gouvernementale même si celle-ci reste malléable et corvéable à merci à ce même FLN et à ses sous-traitants.
Balloté entre satisfecit mesuré, crainte, colère retenue, Abdelaziz Belkhadem a difficilement caché la tourmente dans laquelle il se trouve en tant que secrétaire général du parti éjecté du gouvernement et conspué par les redresseurs. Mais de toute évidence, l’on s’attend dans les prochaines semaines à des brouilles aujourd’hui latentes au sein d’un FLN désemparé et vers lequel reviendraient à la rescousse les ex-hommes de l’ombre de Bouteflika. La loi d’un système rentier et bureaucratique qui tourne le dos à l’Algérie, n’obéït qu’aux luttes de castes, qu’à ses propres intérêts, qu’à sa propre survie. Abdelaziz Bouteflika agite la marmite du FLN pour détourner l’attention sur les véritables urgences d’un pays ruiné.
R.N.