Pour «taxer» cette économie numérique, faudrait-il déjà qu’elle existe! La fiscaliser avant même son existence, serait un crime contre elle…
Le Plan d’action du gouvernement Tebboune est enfin tombé. Parmi les annonces phares de la feuille de route du nouvel Exécutif: la fiscalisation de l’économie numérique! En somme, cela semble être une bonne nouvelle pour le Trésor public qui a trouvé une nouvelle niche fiscale.
Sauf, que l’on semble s’être trompé de pays… Pour fiscaliser cette économie numérique, il faudrait déjà qu’elle existe! On n’est pas en France, en Inde ou aux Etat-Unis…où le numérique représente une part importante de l’activité économique, avec des entreprises qui engendrent de grands bénéfices.
En Algérie, nous sommes encore à l’Etat embryonnaire pour ne pas dire de mort natale, avec un débit Internet classé dernièrement par le site Internet spécialisé Notendax, à la dernière place en matière de débit Internet de la région Moyen-Orient-Afrique du Nord (Mena) et un paiement électronique lancé depuis presque une année, mais qui tarde à se frayer un petit nid au pays de la «chkara». Le retard enregistré dans notre système monétique des plus archaïques, fait qu’on ne pourra jamais nous permettre d’aspirer à cette économie 2.0, sauf si on veut réinventer le modèle en un…«Hamiz économique».
Plus sérieusement, le système monétique actuel est le «tue- économie numérique», il est même la contradiction totale d’un système qui permet son émergence! Car, il faut comprendre que quand on parle d’économie numérique, on ne parle pas seulement des technologies de l’information et de la communication (TIC). L’économie numérique est une expression qui couvre des réalités très différentes (Ntic, commerce électronique ou e-commerce, commerce mobile ou m-commerce, économie électronique, nouvelle économie, etc.). Pis encore, cette dénomination est en perpétuelle évolution, au fur et à mesure que la technologie évolue, a contrario de notre très bureaucratique système financier qui n’a pas trop évolué depuis l’époque soviétique.
On est donc effectivement loin de baigner dans une économie numérique. La fiscaliser avant même son existence, serait un crime contre elle. Dans tout système économique qui se respecte, on encourage la création d’une activité en l’exonérant d’impôts. Cela permet aux petites entreprises locales de se développer, mais aussi aux mastodontes mondiaux d’investir dans cette activité. L’Irlande qui est devenu la Mecque du numérique en est le parfait exemple. Grâce aux facilités fiscales qu’elle accorde, les entreprises mondiales activant dans les TIC en général se sont installées dans ce petit pays, qui a grandement bénéficié des retombées de cette stratégie que ce soit en matière économique ou social. Mieux encore, les entreprises fintech mondiales s’installent les unes après les autres dans l’île verte. Le voisin marocain est en train de suivre cette stratégie.
Car, il ne faut pas faire des calculs d’épiciers avec l’économie numérique. L’importance de ce secteur n’est pas dans les millions de dinars que le fisc va gagner. Mais c’est une vision à long terme avec une économie «new – âge» qui permettra au pays d’augmenter son PIB, ses entrées en devises et créer de nouveaux métiers qui offriront de nouveaux emplois. Cela vise aussi à réduire les coûts de production dans les industries classiques qu’il a lancées pour être les plus concurrentielles possible.
L’automatisation des procédés de production, le développement du commerce électronique et l’instauration d’un «digital market» africain, sont les moyens les plus efficaces pour y arriver. A moins que les autorités aient abandonné l’ambition de développer cette économie numérique après l’échec retissant de l’ex-ministre délégué auprès du ministre des Finances, chargé de l’Economie numérique et de la Modernisation des systèmes financiers qui s’est contenté de lancer un paiement électronique que lui-même n’utilise pas… L’échec de l’expérience de Boudiaf a-t-elle poussé les autorités à aller chercher l’argent directement chez les géants mondiaux du Net en imposant sur les bénéfices qu’ils génèrent sur les données des internautes algériens? Ce ne serait dans ce cas pas un crime, mais un véritable suicide.
L’Union européenne et tous ses membres ont tenté le coup en lançant une croisade qui vise à empêcher les géants du Net, la fameuse bande des «Gafa» (Google, Amazon, Facebook, Apple), de continuer à s’immiscer dans les failles du système pour échapper à l’impôt (ce qu’on appelle en langage d’initiés «l’optimisation fiscale»). Des années de «combats» acharnés n’ont pas encore permis à la force européenne de sortir vainqueur de cette bataille. Que pourra faire l’Algérie dont la «connexion» avec le monde extérieur dépend d’un petit câble qui la relie à cette même Europe, et qu’un petit requin blanc a réussi à couper pour une longue période. Il semble donc que nous sommes en train de refaire les erreurs du passé en mettant la charrue avant les boeufs…