Financement non conventionnel : La BA injecte 2185 milliards de DA

Financement non conventionnel : La BA injecte 2185 milliards de DA

Le gouvernement de Ahmed Ouyahia a opté pour le financement non conventionnel afin d’éviter à l’Algérie de revivre la douloureuse expérience des années 90 avec le recours à l’emprunt extérieur auprès du FMI.

La Banque d’Algérie a créé 2185 milliards de dinars de monnaie au 30 novembre 2017 dans le cadre du financement non conventionnel. Les 2185 milliards de dinars, représentant plus de 19 milliards de dollars américains, ont été créés conformément à l’article 45 bis de l’ordonnance n°03-11 du 26 août 2003, relative à la monnaie et au crédit complétée par la loi n°17-10 du 11 octobre 2017. Cet article stipule que «la Banque d’Algérie procède à titre exceptionnel et durant une période de 5 années, à l’achat directement auprès du Trésor, de titres émis par celui-ci», à l’effet de participer à «la couverture des besoins de financement du Trésor», au «financement de la dette publique interne», ainsi qu’au «financement du Fonds national d’investissement». Les 2185 milliards de dinars vont servir, faut-il le préciser, à boucler l’exercice de l’année 2017 dont les besoins du Trésor public en matière de financement se chiffraient, selon le ministre des Finances, Abderrahmane Raouya, à 570 milliards de dinars. Dans le détail, donné par Ahmed Ouyahia, les emprunts contractés par le Trésor auprès de la Banque d’Algérie, ont permis aux services de l’Etat de régler toutes les créances détenues par des entreprises publiques, privées ou même étrangères, à la suite de l’exécution de contrats publics et d’injecter plus de 1000 milliards de dinars de liquidités supplémentaires dans les banques publiques qui disposent ainsi de «ressources significatives» pour financer l’investissement. Le reste des 2185 milliards de dinars créés va servir à éponger les besoins de 2018 qui, selon les premières prévisions, s’élèvent à 1815 milliards de dinars. La Banque d’Algérie devra poursuivre son opération pour les trois années à venir, mais tout en prenant en compte les recettes et les ressources dont dispose l’Algérie. En fait, comme l’a expliqué, le ministre des Finances, le montant des emprunts que le Trésor public contractera auprès de la Banque centrale dans le cadre du mécanisme de financement non conventionnel sera «vraiment limité» pour éviter l’inflation. Il a assuré que le financement non conventionnel, serait destiné au rachat de la dette bancaire de Sonelgaz et des titres du Trésor, émis au profit de la Sonatrach, en vue de permettre à ces entreprises de relancer leurs projets. Il s’agit aussi de permettre au Trésor de doter en ressources le Fonds national d’investissement (FNI). En fait, le gouvernement de Ahmed Ouyahia a opté pour le financement non conventionnel, afin d’éviter à l’Algérie de revivre la douloureuse expérience des années 90 avec le recours à l’emprunt extérieur auprès du Fonds monétaire international (FMI). Cette option de créer de la monnaie lui a été imposée par la baisse du prix du baril de pétrole depuis 2014. Une chute drastique qui a eu raison de l’épargne de l’Etat algérien, dont les caisses se sont vidées. Les réserves de changes ont commencé à se réduire comme une peau de chagrin. Après avoir atteint un pic de 194 milliards de dollars à la fin mai 2014, elles ont entamé une baisse vertigineuse jusqu’à atteindre les 98 milliards de dollars à fin novembre 2017. Le Fonds de régulation des recettes (FFR), créé en 2000 pour capter les excédents budgétaires liés aux exportations d’hydrocarbures, s’est également épuisé. Et pour «sauver l’État de la faillite» comme l’a déclaré le Premier ministre devant les députés et les sénateurs, «le financement non conventionnel est la seule issue possible». «Sans intervention de la Banque centrale d’ici le mois de novembre, l’État ne pourra plus payer les salaires» avait assuré Ahmed Ouyahia, en septembre 2017, dressant un tableau alarmant de l’économie du pays. Adopté, en septembre dernier par le Conseil des ministres et en octobre par les deux chambres du Parlement, le financement non conventionnel au profit du Trésor public revêt un caractère transitoire, limité dans le temps à 5 années. Malgré cela, plusieurs économistes ont estimé que le pays vivra une situation de surliquidités et ne sera pas à l’abri d’une forte inflation. A ce sujet, il y a lieu de rappeler les déclarations du vice-gouverneur de la Banque d’Algérie, Saïd Maherzi qui a affirmé que «ce qui serait inquiétant n’est pas le principe de recourir à ce financement, mais le fait d’y recourir de manière abusive et démesurée». Rappelons aussi que la Banque d’Algérie et afin d’éviter la surliquidité, a décidé en janvier 2018, d’augmenter, le taux des réserves obligatoires des banques de 4% à 8%. Notons enfin que l’argent créé ne va servir qu’au financement de la dette publique interne et au financement du Fonds national d’investissement. C’est grâce à ce fonds d’investissement que l’Etat vise à poursuivre la mise en place de son nouveau modèle économique. En effet, tout en adoptant une politique de rigueur, visant à stopper l’hémorragie des réserves de changes et à maîtriser les dépenses publiques (gel des importations, réduction des dépenses d’équipement, hausse des taxes), le gouvernement a adopté un nouveau modèle économique qui devrait booster les PME privées et publiques et compenser cette réduction par la production nationale. Il s’agit, rappelons-le, de réformes économiques visant l’émergence d’une base productive et industrielle moderne et compétitive, tout en préservant la justice sociale. Le nouveau modèle s’appuie d’une part, sur une approche rénovée de la politique budgétaire et d’autre part, sur la perspective de diversification et de transformation de l’économie à l’horizon 2030. Une politique économique que le gouvernement compte mener, non sans une participation active des travailleurs, des entrepreneurs et de tous les citoyens aux côtés de l’Etat, afin de mobiliser toutes les énergies et créer de nouvelles ressources complétant celles du pétrole, et ce, en vue de préserver à long terme l’indépendance financière de l’Algérie et sa souveraineté. En associant le recours au financement non conventionnel à une politique de rigueur et à des réformes profondes de l’économie du pays, la stratégie de l’Algérie semble porter ses fruits et la peur des experts n’est plus justifiée. Pour s’en assurer, il suffit de rappeler le rapport du FMI qui a tranquillisé, dernièrement, quant à l’amélioration de la situation financière de l’Algérie d’ici 2019. Il semblerait même que dans deux ans, la crise financière qui plombe l’économie algérienne ne sera qu’un mauvais souvenir. Selon l’institution Lagarde et après avoir relevé légèrement à la hausse ses prévisions de croissance pour l’Algérie en 2017 et 2018, anticipant une baisse de l’inflation pour l’année prochaine, celle-ci a fait état du retour à l’équilibre budgétaire à partir de 2019. Selon les prévisions chiffrées contenues dans son rapport «Moniteur des finances publiques», qui examine la conduite des politiques budgétaires dans le monde, le FMI a soutenu que l’Algérie devrait se rapprocher de l’équilibre budgétaire à partir de 2019, anticipant une baisse du déficit du solde budgétaire global à 0,5% en 2019 et à 0,1% en 2020. De légers excédents seront même enregistrés à partir de 2020 (0,2% en 2021 et 0,3% en 2022) et devraient permettre à l’Algérie d’atteindre la phase de l’équilibre budgétaire, a précisé encore le rapport. En maintenant la tendance des dépenses à la baisse, l’Algérie a de fortes chances de réussir à dépasser donc sa crise financière et de retrouver dans les 5 années à venir son équilibre budgétaire. La décision de l’Algérie semble donc éclairée.

Par Hasna YACOUB