Dans le jargon économique, cela s’appelle le blanchiment d’argent. Une pratique mafieuse que l’encyclopédie libre Wikepedia sur Internet qualifie par l’action de dissimuler la provenance d’argent acquis de manière illégale (spéculations illégales, activités mafieuses, trafic de drogue, d’armes, extorsion, corruption…) afin de le réinvestir dans des activités légales. Mais quel rapport avec le football algérien ?
Et bien c’est simple, c’est là une pratique courante dans nos clubs. Comment ? Voici le mode d’emploi expliqué par un ancien dirigeant d’un club huppé en Algérie qui, depuis, a préféré se retirer pour, dit-il, ne pas cautionner cette pratique. “Oui, le blanchiment d’argent existe bel et bien en Algérie, et j’ai eu à le vérifier moi-même, moi qui suis un haut cadre de l’état qui voulait rejoindre un club afin de l’aider à se structurer. Mais, finalement, je me suis vite rendu compte que j’étais au milieu d’une bande de mafieux qui faisait tout dans l’illégalité. Je voyais de l’argent parvenir au club dans des sacs-poubelles dont j’ignorais exactement la provenance, mais dont il est facile de deviner la source. Avec cet argent on payait notamment les joueurs cash et, parfois, même dans les malles des voitures. Les propriétaires de cet argent pouvaient ensuite le récupérer par le biais de l’apport des sponsors, des chèques cette fois-ci qu’ils endossent même à leur nom. Voilà comment l’argent rentré au club de façon illégale est légalisé. Cela s’appelle du blanchiment d’argent”, dit-il.
Notre interlocuteur précise que “les joueurs n’éprouvent aucune gêne à être payés cash avec de l’argent dont ils ignorent eux aussi la provenance dès lors qu’ils récupèrent leur dû, comme ils disent”. Quant à la fiche de paie, elle sera normalement remplie comme si de rien n’était, et tout le monde trouve son compte dans ce système opaque sous l’ère du professionnalisme. “Mais pourtant, les pouvoirs publics ont toute latitude de contrôler, n’est-ce pas, les clubs ? Oui, mais cela reste au stade des textes. Dans les clubs, l’état est absent, il ne fait rien pour faire changer les choses. La preuve, le blanchiment d’argent continue à prospérer dans nos clubs alors que les pouvoirs publics peuvent l’annihiler par la simple nomination d’un comptable permanent dans les clubs”, répond notre interlocuteur. Pour rappel, l’article 14 du cahier des charges du professionnalisme stipule que le club sportif professionnel est tenu “d’avoir des ressources financières suffisantes et compatibles avec les exigences de la compétition et en rapport avec ses activités ; d’assurer la tenue d’une comptabilité, conformément aux lois et règlements en vigueur ; de régler toutes les opérations financières par chèque ou virement ; de s’interdire la manipulation d’espèces sauf pour des régies nécessaires aux menues dépenses, conformément aux dispositions législatives et réglementaires en vigueur prévues en la matière ; de procéder à la comptabilisation régulière de toute opération et de se soumettre aux contrôles sur pièces et sur place des organes et autorités de contrôle et de leurs représentants habilités à cet effet en permettant, notamment à ces derniers, d’avoir accès aux informations comptables et financières nécessaires à l’accomplissement de leur mission”.
D’autre part, l’article 15 précise aussi que le “club sportif professionnel s’engage à produire, conformément aux procédures et dispositions législatives et réglementaires en vigueur, auprès de la direction du contrôle et de gestion financière de la Fédération sportive nationale concernée et auprès de la Ligue nationale sportive professionnelle ainsi qu’auprès de la Direction de la jeunesse et des sports de la wilaya concernée : copie du bordereau des salaires versés mensuellement, copie de la déclaration des salaires et autres rémunérations effectués auprès de l’administration fiscale et des organismes de Sécurité sociale concernés, la situation comptable approuvée par les instances dirigeantes, le plan détaillé de financement du programme pluriannuel ainsi que le budget annuel ; les comptes et bilans dûment certifiés par un commissaire aux comptes agréé ; le compte d’exploitation ainsi que tous les documents comptables prévus par le code de commerce ; l’état des ressources perçues au titre du sponsoring, de la publicité, du mécénat, des dons et legs ; les livres d’inventaire et registres légaux exigibles par le code de commerce, le cas échéant”. Alors à quand une position ferme de l’état algérien ?