Financement de Daech par Lafarge : la justice française identifie quatre modes de paiement

Financement de Daech par Lafarge : la justice française identifie quatre modes de paiement

 La justice française a identifié quatre modes de paiement dans le financement du groupe terroriste autoproclamé « Etat islamique » (EI, Daech) en Syrie par le leader mondial du ciment Lafarge, a révélé Le Monde dans son édition datée de mardi.

« Onze mois après l’ouverture d’une information judiciaire pour ‘financement du terrorisme’, les juges d’instruction Charlotte Bilger, Renaud Van Ruymbeke et David de Pas sont parvenus à identifier les différents types de versements effectués par sa filiale Lafarge Cement Syria (LCS) », a indiqué le journal du soir qui précise que quatre modes de paiement « ont été matérialisés » à ce stade.

Il s’agit des « donations » à une constellation de groupes armés, une « taxe » payée à Daech, l’achat de matières premières, ainsi qu’une commission versée par les transporteurs.

A en croire Le Monde, qui analyse des dizaines de documents internes du cimentier et des auditions de ses responsables, la justice soupçonne également une dernière infraction, « la plus embarrassante peut-être : la vente de ciment à l’EI ».

Le journal rappelle qu’en été 2012, au moment où la Syrie était dans le chaos, Lafarge Cement Syria (LCS) avait missionné un de ses anciens actionnaires, Firas Tlass, pour négocier avec différents groupes armés le passage des salariés et des marchandises sur les routes.

Un premier versement a été effectué en juillet, rapporte le journal se basant sur un courrier électronique de Bruno Pescheux, directeur de LCS.

Ainsi, poursuit Le Monde, Lafarge vient de mettre le doigt dans un engrenage qui durera plus de deux ans, indiquant « ces versements seront ritualisés chaque mois, aiguisant l’appétit des belligérants ».

En matière de « donations », LCS a distribué 57.000 dollars en juillet 2012 et l’enveloppe est passée à 160.000 dollars en novembre 2013. Les premiers destinataires de ces versements sont le Parti de l’union démocratique kurde (PYD) et différentes factions rebelles, en plus des groupes terroristes.

« Pas moins de douze points de paiement y sont mentionnés, pour un total de 17,4 millions de livres syriennes, soit 78.000 dollars au taux de change sur le marché parallèle », a ajouté le journal évoquant dans les détails les montants de chaque point de paiement.

Concernant la « taxe » de Daech, en septembre et en octobre 2013, deux réunions au siège du cimentier évoquent « explicitement » une « taxe » réclamée par Al-Nosra et Daech et des « négociations », selon Le Monde qui indique que la dénomination Daech « apparaît pour la première fois dans la liste des bénéficiaires ( ) pour la somme de 5 millions de livres syriennes ».

« Quelques mois plus tard, la donne a encore changé. Le +Califat+ a été proclamé le 29 juin 2014, et l’EI contrôle désormais tous les axes routiers autour de la cimenterie », a-t-il rappelé, indiquant que LCS a accepté un nouvel accord avec Daech pour un fixe mensuel de 10 millions de livres syriennes (environ 66.000 dollars) et un tarif variable par tonne.

Un rapport du cabinet américain Baker McKenzie, missionné par LafargeHolcim après l’éclatement du scandale, estimait l’enveloppe globale à 5,3 millions de dollars.

Pa ailleurs, les derniers développements de l’enquête ont conforté, selon Le Monde, l’hypothèse d’un dernier mode de financement : la vente de ciment.

Lors de son interrogatoire du 11 avril dernier, les noms des quatre principaux clients de Lafarge en Syrie ont été révélés et si elle venait à être établie, cette hypothèse plongerait, selon le journal, le cimentier dans un « embarras plus profond encore ».