L’Algérie entre dans une nouvelle phase de sa transition numérique. Avec le lancement imminent de la plateforme nationale « Dzair Services », le pays s’apprête à centraliser ses services publics numériques au sein d’un même espace, marquant ainsi un tournant majeur dans sa stratégie de modernisation administrative.
L’annonce a été faite par Meriem Benmouloud, ministre et Haut-commissaire à la numérisation, à l’ouverture du Salon du e-commerce et des services en ligne (Ecsel Expo). Ce projet ambitieux, fruit de plusieurs années de travail, incarne la volonté de l’État de reprendre la main sur ses infrastructures, ses données et ses outils numériques.
Dzair Services : une plateforme pour unifier les services publics et simplifier la vie des citoyens
Conçue comme un portail unique, la plateforme Dzair Services vise à regrouper l’ensemble des services publics numériques existants. Objectif, mettre fin à la dispersion des sites institutionnels et offrir aux citoyens un accès unifié, plus rapide et plus transparent.
Cette centralisation devrait aussi améliorer la traçabilité des opérations administratives et réduire les redondances bureaucratiques. Tout en consolidant la souveraineté numérique du pays, un axe devenu central dans la politique nationale.
Cette approche s’inscrit dans une logique de gouvernance moderne où chaque donnée, chaque procédure, doit être intégrée dans un système cohérent. Pour la ministre Meriem Benmouloud, Dzair Services représente bien plus qu’un simple outil technique. C’est un levier pour « moderniser l’administration » et une étape clé vers la « souveraineté numérique du pays ».
Une architecture numérique pensée pour durer
Le projet s’appuie sur un système national d’information structuré autour de trois piliers :
- Une base de données nationale, pour centraliser les informations publiques ;
- Un système d’interopérabilité, reliant entre elles les institutions ;
- Un outil d’aide à la décision, destiné aux responsables politiques.
Ces composantes doivent permettre de générer des données fiables et actualisées pour orienter les politiques publiques.
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Sur le terrain, l’État avance à un rythme maîtrisé. 46 ministères et organismes publics sont déjà raccordés à la fibre optique à haut débit, condition essentielle à la fluidité des échanges de données. Le data center d’El Mohammedia est désormais opérationnel. Tandis que celui de Blida, en phase finale de construction, renforcera la capacité nationale d’hébergement.
Ces infrastructures permettront de stocker les données stratégiques sur le sol algérien, élément central de la souveraineté numérique.
Vers un cloud souverain au service de l’État et du citoyen
Prochaine étape, la création d’un cloud national. Le premier servira les ministères et institutions publiques ne disposant pas encore de centres de données. Tandis qu’un second visera le grand public et les entreprises locales.
Cette infrastructure permettra d’héberger, de sécuriser et d’interconnecter les systèmes d’information nationaux. En d’autres termes, il s’agit d’un environnement numérique conçu pour protéger les données et en assurer la maîtrise totale, de leur production à leur stockage.
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Meriem Benmouloud insiste sur la nécessité « d’encourager les organismes et les établissements nationaux à domicilier leurs activités numériques en Algérie ». Cette démarche s’inscrit dans la Stratégie nationale de transformation numérique 2025-2030. Articulée autour de sept axes, dont la gouvernance centralisée, le développement des infrastructures, la cybersécurité et la formation des compétences locales.
Compétences et cybersécurité : les deux défis de fond
Si les ambitions sont claires, les obstacles demeurent. Le passage à une administration numérisée se heurte encore à une culture bureaucratique rigide et à des résistances internes. Sur le plan humain, le déficit de compétences spécialisées reste un frein majeur. Le gouvernement tente d’y remédier par la création d’écoles d’ingénierie numérique et des partenariats avec des acteurs internationaux comme Huawei.
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Mais la cybersécurité reste le talon d’Achille de cette transition. Le Centre national de prévention et de lutte contre les infractions liées aux technologies (CNPCLTIC) a déjà signalé plusieurs tentatives d’intrusion visant des institutions publiques. En centralisant les données sur le territoire national, l’Algérie renforce certes son contrôle. Mais augmente aussi sa responsabilité en matière de protection et de résilience numérique.
Souveraineté numérique et intelligence artificielle : les prémices d’un nouveau modèle
En filigrane, cette transformation prépare le terrain à un enjeu encore plus vaste. Qui consiste à l’intégration de l’intelligence artificielle dans la gouvernance publique.
Même si le sujet n’a pas été explicitement abordé lors de l’annonce, les infrastructures mises en place (data centers, cloud souverain, interopérabilité, bases de données) constituent les fondations techniques d’un futur écosystème d’IA alimenté par des données nationales fiables.
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Enfin, cette convergence entre souveraineté numérique et intelligence artificielle pourrait, à terme, devenir le véritable pivot du modèle algérien de gouvernance digitale. Un modèle où la donnée, maîtrisée et valorisée localement, serait le moteur d’un État plus réactif, plus transparent et plus intelligent.