Fin connaisseur du monde du travail et subtil négociateur, Sidi Saïd: un destin écrit en majuscules

Fin connaisseur du monde du travail et subtil négociateur, Sidi Saïd: un destin écrit en majuscules

Grâce à la lucidité et à la clairvoyance de sa direction, l’Ugta a eu le mérite d’adapter sa stratégie et de saisir les enjeux durant cette période difficile.

L’Algérie redresse l’échine après dix années d’une bourrasque islamiste qui n’a laissé sur son passage que les structures les plus solides. Les services de sécurité en première ligne. Ils ont sauvegardé le caractère républicain de l’Etat et les autres ressorts de la société ont accompli le reste. Il fallait consolider la stabilité sociale, qui nest pas seulement au plan sécuritaire. Elle est également et surtout au plan social. De ce point de vue, l’Ugta apparaît comme un acteur incontournable pour avoir arraché des acquis sociaux indéniables aux travailleurs. Dans ce combat rude et quotidien on a toujours prêté à la Centrale syndicale des incursions dans un champ politique souvent miné. Lui reproche-t-on de s’être frontalement opposé au programme d’ajustement structurel imposé par le FMI et la Banque mondiale?



C’est parce que la répercussion était terrible sur la situation sociale des travailleurs.

Lui reproche-ton de s’être opposé à la loi sur les hydrocarbures proposée par Chakib Khellil? Eh bien, le temps lui a donné raison. La loi a été bloquée car elle était anti-nationale. Les exemples de ces incursions sont multiples face à ces défis économiques posés en des termes politiques. Au gouvernail de la Centrale, il y a un homme. Sidi Saïd. Contestable? Oui, il n’est pas un ange. L’homme a plusieurs défauts et un nombre intéressant de qualités. Reconnaissons-lui celle-ci: l’honnêteté, syndicale: Il a su délicatement déjouer les «Iceberg» de l’aventurisme revendicatif. Souvent, il fait des concessions prudentes, mais sans perdre le fil conducteur. Fin connaisseur du monde du travail et subtil négociateur, le patron de l’Ugta n’a jamais abandonné le terrain économique même. Grâce à la lucidité et à la clairvoyance de sa direction, l’Ugta a eu le mérite d’adapter sa stratégie et de saisir les enjeux durant cette période difficile. «La stabilité n’est pas seulement sécuritaire, elle est aussi au plan des acquis sociaux», soutiennent les vétérans chevronnés du syndicalisme. L’Ugta qui a fêté, en février dernier ses 56 ans, se retrouve au centre des débats qui agitent le pays et les centaines de milliers de travailleurs qu’elle représente.

C’est que les défis sont grands et les enjeux cruciaux se posent en ces termes: comment consolider les acquis sociaux, en arracher d’autres sans pour autant mettre en péril la paix sociale et l’outil de production nationale. Dans ce chapitre, Sidi Saïd a plusieurs titres à accrocher à son tableau. Il a réussi le pari de relever le Snmg à plusieurs reprises après d’âpres négociations. Il a fait du retour du crédit à la consommation son cheval de bataille avec une conditionnalité: il ne concernera que les produits nationaux pour encourager la production nationale. Pour lui, la restauration de ce crédit est une question de bon sens et une synergie d’accompagnement du pouvoir d’achat des Algériens.

Le secrétaire général de l’Ugta a dans ce cadre, annoncé une «véritable guerre nationale et syndicale» en faveur de la production nationale, en invitant les médias à se joindre à ce combat. «Vous êtes les porteurs de la protection de la production nationale et donc la préservation de l’outil de travail», a-t-il lancé, avant d’appeler à méditer le chiffre de près de 70 milliards de dollars d’importations durant cette année. Que dire alors de l’abrogation de l’article 87 bis, la dernière relique du FMI, que Sidi Saïd brandit comme l’un des plus grands acquis de l’Ugta dans la mesure où son abrogation touchera des millions de travailleurs qui verront leur salaires augmenter de manière substantielle. Dans son combat, Sidi Saïd a un appui de taille: le chef de l’Etat. Et il ne le cache pas. «Le Président Bouteflika n’a jamais dit non quand il s’agit des doléances de l’Ugta et des travailleurs», a-t-il insisté, soulignant en retour que la Centrale syndicale «a toujours soutenu le Président, et continuera à le faire». Cette sympathie remet au placard une «croyance» préétablie selon laquelle un syndicat signifie nécessairement l’anti-pouvoir.

Il y a des moments où le travail de concertation s’avère plus efficace que l’opposition pure et dure. Mais aussi, avec cet homme, le pouvoir a trouvé chaussure à son pied. La chance de Sidi Saïd,- ou alors la chance du pouvoir?- est d’être là au bon moment quand la situation est suffisamment embrouillée pour que le recours à ses services s’impose de lui-même. C’est la vertu même du marabout et Sidi Saïd en est un comme son nom l’indique. En cet homme, le pouvoir a trouvé un interlocuteur fiable et sérieux.

Pour en arriver là, il fallait que la fascination fût immense et un très long chemin à parcourir. Sidi Saïd est entré officiellement en service il y a près de 35 ans quand en 1980, déjà, il était le médiateur entre la willaya de Tizi Ouzou et les étudiants grévistes de l’université lors du Printemps berbère d’avril 1980. Un mouvement qui a pulvérisé la chape de plomb imposée par le système du parti unique, de la langue et de la pensée uniques. Ce long chemin n’était pas jonché que de fleurs sur un tapis rouge. Que d’embûches, que de coups bas, de tire-au-flanc et de poignards plantés dans le dos qui ont consolidé une carapace dure à transpercer. Chez cet homme au sourire espiègle, drôlement fringué, l’art de l’esquive est une seconde nature. Il a bien assimilé une règle non écrite du pouvoir: quand les électrons qui gravitent autour du noyau décisionnel s’avèrent médiocres et sans culture politique ni finesse stratégique, le pouvoir flingue. Sans pitié et sans complexe la dernière ayant conduit à l’exécution de Belkhadem n’est qu’un banal exemple de cette mécanique du pouvoir qui carbure au cadavre. Au suivant! Y en a-t-il encore au magasin?