Film « One, Two, Three, Viva l’Algérie » : L’histoire à travers le Foot

Film « One, Two, Three, Viva l’Algérie » : L’histoire à travers le Foot

À l’occasion du festival CINEMED qui a eu lieu à Montpellier en France, on a pu assister à la projection de One, Two, Three, Viva l’Algérie !, un film documentaire coréalisé par Samuel Ab et Amine Kouti. Le long-métrage de 1 h 15 allie l’Histoire du foot à celle de la vie politique algérienne. L’occasion pour un public non-initié de s’intéresser de plus près à un pays dont l’Histoire, reste en grande partie ignorée, de l’autre côté de la méditerranée.

Le film débute avec des images d’archives : un petit garçon joue au foot au pied d’un immeuble. C’est Samuel Ab lorsqu’il était enfant, filmé par son père. Très vite, des images de la Coupe du Monde 1998 apparaissent à l’écran. Victoire de la France, euphorie sur les Champs Élysées « J’ai dix ans et me fais emporter par la vague », explique la voix-off du film, à travers la voix du réalisateur. En 2001, lors d’un match amical France-Algérie, la Marseillaise est sifflée, puis le terrain envahi. C’en est fini de la génération « Black Blanc Beur », sur le toit du monde trois ans plus tôt.

« One, Two, Three Viva l’Algérie », co-signé par Samuel Ab et Amine Kouti, n’est pas qu’un film de ballon rond. « Dans tous les pays, le foot est consommé de la même manière. Des communautés se retrouvent dans des histoires communes et une image collective, particulièrement lors des Coupes du Monde. Avec ce film, nous avons essayé d’utiliser le ballon comme une grille de lecture », précise le réalisateur. À travers le prisme du football, le documentaire dépeint l’évolution politique de l’Algérie, notamment ses relations avec la France, pays colonisateur jusqu’en 1962.

Samuel Ab explique avoir voulu « utiliser le foot comme endroit de représentation et de mythologie nationales ». Le temps d’une compétition, les citoyens se retrouvent sous le maillot de l’équipe nationale et mettent de côté les problèmes sociaux, un moyen d’affirmation collective en somme. Dans le film, les réalisateurs font le choix artistique de parler de la guerre civile sur un écran noir, avec seulement une voix-off, toujours celle de Samuel. Et ils font le choix de l’animation pour évoquer la guerre d’indépendance, un choix qui retranscrit avec intensité l’effacement du conflit par la France. « Je n’aurai plus jamais le même regard sur la France », déclare Samuel avec force dans le film, après s’être rendu compte à point les Français ne savent rien de ce qu’il se passe en Algérie.

La position d’un regard français sur l’Algérie interroge. Mais en 10 ans de réalisation, le réalisateur a eu le temps de la réflexion. « Au début, il s’agissait d’un film choral avec plusieurs personnages algériens, qu’on suivait chacun pendant très longtemps, confie-t-il pour justifier ce regard. Mais il fallait pouvoir faire tenir 10 ans d’images en 1 h 15. Ce choix sert donc la narration et l’écriture. Je considère ce film comme un organisme vivant qui, à terme, nous mène lui-même vers sa propre justesse. »

Le football, bien plus qu’un sport

En Algérie plus qu’ailleurs, le football « est intimement lié à la politique », commente Samuel Ab. En 1958 déjà, l’équipe clandestine du FLN, qui militait pour l’indépendance, était un outil en faveur de l’autodétermination et de la création d’un état algérien. Bien que les autorités françaises aient obtenu la non-reconnaissance de cette équipe par la FIFA, la formation réalisera une tournée mondiale de 83 matchs, notamment en Asie et en Afrique. Elle en remportera 57. Quatre ans après sa création, l’équipe deviendra la sélection nationale d’Algérie.

Dans cette « œuvre hybride » que le réalisateur décrit comme un « film documentaire d’une forme artistique singulière » se succèdent images tournées caméra à la main et dessins d’animation autour du ballon rond. La célèbre phrase du « Je vous ai compris », prononcée par le général De Gaulle lors d’un discours en 1958 à Alger, est présentée comme un geste technique.

Dans ce long métrage, le réalisateur a préféré saisir le Football pour faire passer son message, et établir un rapport entre Algérie, France et le Ballon rond. On peut voir sur les images  qu’en Algérie, on joue partout au football et on ne parle que football ! et c’est donc logique que ce pays émarge au rang des grandes nations. « En Algérie, le foot est primordial », lance-t-il.

Cet amour est né grâce à la riche contribution des footballeurs algériens pour ce sport, qu’ils soient du bled ou de la France. Les pionniers, ceux de l’équipe du FLN de 1958 et de la splendide Algérie 1982, vaincue par la magouille austro-allemande, sont aussi entrés dans le souvenir affectif parmi les illustres perdants magnifiques.

Et quand il s’agit de l’amour qu’ils portent à leur pays, toutes les occasions sont bonnes pour le manifester. Sur ce point, les Algériens sont célèbres. L’Algérie est la seule nation dont on verrait le drapeau à coup sûr, aussi bien dans les tribunes d’un stade de football que lors d’une manifestation politique. Des vérités qui ont étés bien illustrées dans le film que ce soit dans les rues d’Alger ou de celles de Paris.

Un balancement entre film d’auteur et documentaire

Plus qu’un simple documentaire, « One, two, three viva l’Algérie » est un film d’auteur, de cinéma. Il se veut à la fois informatif et artistique, et fait preuve de pédagogie. Un balancement est fait entre les images d’archives, les images faites pour le film et le dessin animé. Ce choix a été fait pour donner du rythme au film. « C’était trop lourd, il fallait un autre régime d’images, et donner un ton

ludique à tout ça ».

Ce sont les mêmes raisons qui ont poussé les réalisateurs à faire parler Samuel Ab en voix off pendant toute la durée du film. « On a fait le choix de parler au ‘Je’ pour accrocher le spectateur et parce que c’était ce qui nous touchait le plus », explique Samuel en évoquant la difficulté que lui et Amine Kouti ont eu à définir le point de vue d’où partirait le film.

« On voulait qu’il ait beaucoup de justesse pour pouvoir s’adresser aussi à un public algérien », ajoute-t-il. Il pourrait donc paraître malvenu de raconter cette histoire avec le point de vue d’un homme français, blanc qui n’a pour lien avec l’Algérie que des amis. Et paradoxalement, c’est ce qui paraissait le plus pertinent. Samuel Ab parle de « volonté de générosité » en racontant une histoire politique à travers l’humble point de vue d’un homme qui voyage et qui fait des rencontres.

Le nouveau souffle

Étant présent sur place en Algérie, le réalisateur ne manque pas de relater la joie des Algériens après la qualification historique des fennecs à la coupe du monde 2010 après 24 ans d’absences. Une compétition dans laquelle les Verts n’ont pas trop brillé, ils étaient éliminés dès le 1er tour avec Zéro but marqué. Lors de leur quatrième participation, en 2014, les fennecs ont réussi pour la première fois à hisser au second tour pour ce match mémorable contre l’Allemagne, perdu difficilement 2 -1.

En 2019, c’est le soulèvement populaire en Algérie. Le réalisateur a réussi à faire comprendre, à travers son film, que cette révolte a commencé dans les gradins des stades du football, elle était née au sein des ultras avant de se propager dans la rue, « On a filmé de 2010 à 2018. En février 2019, le Hirak débute. On se retrouve avec des supporters de foot davantage politisés. L’expression sort des stades. On doit réadapter notre film, car on sent une énergie politique nouvelle », explique le réalisateur.

On l’aura compris, la politique est désormais toujours présente dans les stades algériens, alors qu’à une époque si proche, le pouvoir politique a toujours essayé de tirer profit de la passion fusionnelle des Algériens pour ce sport.

Le 19 juillet de cette même année, l’Algérie remporte la deuxième Coupe d’Afrique des Nations de son histoire, vingt-neuf ans après son premier sacre. Un événement historique, qui n’apparaît pourtant pas dans le film. Un choix expliqué par Samuel Ab : « Sur cette question de l’articulation foot-politique, on ne voulait pas trop de football. On souhaitait que le regard sur le foot se déplace, et que le regard du narrateur évolue avec ces personnes qui regardent le football. En 2019, entre le foot et le Hirak, le personnage aurait choisi les manifestations ».

Après cette avant-première lors de la 44ème édition du festival Cinémed à Montpellier, « One, Two, Three, Viva l’Algérie » espère trouver son public et devrait sortir en début d’année prochaine. Pour pouvoir assurer sa diffusion le film lancera une campagne participative.

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