Fille ou garçon ? Des cliniques égyptiennes au centre d’une polémique

Fille ou garçon ? Des cliniques égyptiennes au centre d’une polémique

Progrès médical ou atteinte à l’éthi-que? En Egypte des cliniques proposent à des couples de choisir le sexe de leur futur enfant, malgré la réprobation des religieux et de certains politiques qui veulent interdire cette pratique.

La clinique du Dr Ashraf Sabry, au Caire, permet de prendre une telle décision – généralement en faveur d’un garçon -grâce à la fécondation in vitro (FIV) avec sélection des embryons avant implantation. «Parmi les patients, on trouve des gens qui ont déjà beaucoup de filles et voudraient avoir un enfant de sexe différent», affirme le docteur Sabry.



Mais «il arrive aussi parfois en Egypte que des familles aient absolument besoin d’un fils pour transmettre un nom ou un patrimoine», ajoute-t-il.

Les familles candidates sont aisées: il en coûte 3000 à 4000 euros, une somme inabordable pour la plupart des Egyptiens, pour un résultat qui n’est pas garanti.

Une ancienne cliente de la clinique, portant le foulard comme la majorité des Egyptiennes musulmanes, préfère témoigner sous le couvert de l’anonymat.

«Je suis mariée et mère de quatre filles. Mon mari et moi avons consulté le Dr Sabry et grâce à la fécondation in vitro nous avons un petit garçon qui a maintenant deux ans», raconte-t-elle.

Pour certains médecins comme le gynécologue Ehab Souleimane, la pratique ne contrevient par à la volonté divine.

«Nous ne changeons pas l’équilibre des sexes. C’est toujours Dieu qui fait que l’opération réussit ou pas».

Mais des responsables musulmans comme de la minorité chrétienne copte se sont émus de voir cette pratique proposée depuis quatre ans en Egypte, estimant qu’elle interférait bien avec la volonté divine.

Au sein même du corps médical, elle est loin de faire l’unanimité. «Je ne vois pas le besoin de faire de la sélection garçon/fille si un couple n’a pas d’enfant. Quant aux couples qui ont deux, trois filles ou plus, si cela leur pose un problème, ils devraient aller voir un religieux», estime le Dr Abdelshehid Azer, un spécialiste de la FIV qui se refuse à sélectionner les embryons en fonction de leur sexe.

Les cliniques comme celle du Dr Sabry profitent d’un vide législatif sur la question sensible de la FIV sélective, interdite ou très sévèrement réglementée dans de nombreux pays.

Plusieurs députés égyptiens ont récemment déposé devant l’Assemblée un projet de loi visant à encadrer la FIV et interdire la sélection embryonnaire pour «convenance». «Je crains que certains couples qui pourraient avoir des enfants de manière naturelle aient recours à la fécondation in vitro juste pour avoir des garçons.

A terme, cette pratique, si elle se répand, peut conduire à des déséquilibres dans la société», souligne Ibtissam Habib Mickael, députée du Parti national démocratique (PND, au pouvoir).

Le nombre des couples égyptiens qui choisissent le sexe de leur enfant est estimé à quelques dizaines par an, même si aucune statistique officielle n’existe.

L’Egypte est encore loin de pays comme l’Inde ou la Chine, où les avortements sélectifs ou les infanticides bouleversent fortement l’équilibre démographique. Mais même si le recours à ces fécondations sélectives reste limité, le désir d’enfant mâle reste fortement ancré en Egypte.

Selon une enquête officielle publiée en 2007, 90% des hommes égyptiens affirment préférer avoir des garçons, et préfèreraient même ne pas avoir d’enfant plutôt que n’avoir que des filles. L’étude révélait aussi que 10.000 Egyptiens avaient demandé le divorce parce que leur épouse ne leur donnait que des filles.

Par Fatma Ahmed de l’AFP