Héritière des cultures algérienne et française, amoureuse de la langue arabe comme du français, Karima Berger est un pont entre Orient et Occident. Elle se confie à Thierry Lyonnet.
« Rendez-vous digne de ce que Dieu nous a donné », apprenait-on à Karima Berger quand elle était enfant: « Dieu nous a donné une part de notre destin, mais c’est à nous de faire l’autre moitié », explique-t-elle aujourd’hui.
Karima Berger publie en 2016 « Mektouba », un roman dont le titre vient du terme « mektoub ». Au sens littéral il signifie « ce qui est écrit sur le papier ». Par extension, « mektoub » est devenu synonyme de destin. Non pas soumission à ce qui est écrit, ni fatalisme: « il y a un ordre déjà écrit mais qui reste mystérieux, et un ordre humain où c’est à nous de jouer », explique l’écrivain.
Alors que l’actualité nous offre depuis quelques années une image inquiétante et violente de l’islam et des musulmans, Karima Berger est de ceux qui nous rappellent, si besoin était, que l’on ne peut pas réduire l’islam à Daech et les musulmans à des terroristes sanguinaires.
L’écrivain a vécu en Algérie, une enfance heureuse, « bien tracée », dans les années 50 / 60, et relativement épargnée par la guerre. « Il y avait une coexistence avec les Français mais on n’avait pas la présence de la guerre comme à Alger ou Oran. » Elle décrit les jours de l’indépendance de l’Algérie comme les plus beaux de sa vie, elle avait alors 10 ans. Son souvenir l’émeut encore. D’où le bouleversement profond que constitue pour elle aujourd’hui « l’échec, la régression terrible, cet espoir déçu ». Pensant au « mektoub », elle confie: « peut-être qu’il était écrit que l’Algérie passerait par une phase que nous connaissons aujourd’hui de régression terrible, pas seulement l’Algérie d’ailleurs, tout le monde arabe. »
Arrivée en France à l’âge de 25 ans, mariée à un français, Karima Berger a grandi dans la tradition musulmane.
« Les prières, le ramadan, les lectures du Coran et l’approche de son sens… Il y avait une belle présence spirituelle notamment de mon grand-père. » La jeune fille a grandi dans le respect des tradition mais aussi dans l’admiration partagée pour la culture française, assimilée alors au savoir, à la science, au progrès. Aujourd’hui, musulmane pratiquante, elle est engagée dans le dialogue avec les juifs et les chrétiens. Héritière des cultures et traditions algérienne et française, amoureuse de la langue arabe comme du français, elle a fait de sa carrière un pont entre Orient et Occident, entre islam et christianisme. En octobre 2014, elle a succédé à Christophe Henning à la présidence de l’association Écritures & Spiritualités (anciennement association des Ecrivains croyants d’expression française).