Ce qui devait être une célébration artistique et culturelle s’est transformé en véritable polémique nationale. La 17e édition du Festival International de la Bande Dessinée d’Alger (FIBDA), clôturée il y a deux jours, a laissé derrière elle une vive controverse mêlant accusations de « satanisme », indignation politique et débat sociétal sur la jeunesse, la culture populaire et les valeurs nationales.
Une polémique enflamme la scène publique : « Satanisme » au Maqam Echahid ?
L’élément déclencheur : un concert de heavy metal et un concours de cosplay organisés sur l’esplanade du Maqam Echahid, dans le cadre du FIBDA. L’événement, festif et très suivi par les jeunes passionnés de mangas, d’anime et de jeux vidéo, a pris une tournure inattendue lorsque des images de participants déguisés – masques, costumes sombres, attitudes perçues comme « étranges » – ont été diffusées sur les réseaux sociaux.
Le député Zakaria Belkhir, président de la Commission de l’Éducation, de la Recherche Scientifique et des Affaires Religieuses à l’Assemblée Populaire Nationale (APN), a dénoncé avec virulence ce qu’il qualifie de « profond sacrilège », pointant du doigt une « fête pour des jeunes influencés par l’idéologie des adorateurs du diable », selon ses propres termes.
Dans une pétition adressée au Premier ministre, il exige une enquête urgente sur les circonstances de l’autorisation de l’événement, estimant qu’une « atteinte grave à la sacralité du Mémorial du Martyr » a été commise, un lieu hautement symbolique de la Révolution algérienne.
Une lecture alarmiste ou une méconnaissance culturelle ?
Les déclarations du député ont aussitôt provoqué une vague de réactions contrastées. Tandis qu’une frange conservatrice applaudit son intervention et s’inquiète de la « dérive culturelle des jeunes », de nombreuses voix s’élèvent pour dénoncer un amalgame hâtif entre cosplay, culture pop japonaise et satanisme.
Parmi elles, Bouzid Boumediene, ancien secrétaire général du Haut Conseil Islamique, a pris une position claire : « Parler de ‘satanisme’ ici est un non-sens culturel et religieux. Ce sont des jeunes influencés par les dessins animés, les mangas japonais et des jeux vidéos. Cela n’a rien à voir avec les rituels sataniques. »
Dans une interview à El Khabar, Bouzid a dénoncé « la précipitation dans le jugement » et le danger de « rejeter en bloc une jeunesse qui cherche simplement à s’exprimer différemment ». Selon lui, stigmatiser ces jeunes revient à risquer leur marginalisation et peut paradoxalement les pousser vers les extrêmes que l’on cherche à éviter.
FIBDA : un carrefour culturel devenu sujet de controverse
Pour rappel, le FIBDA 2025 a transformé l’esplanade de Riadh El-Feth en un véritable espace de fête et de créativité. Des auteurs venus du monde entier, des stands de BD, des ateliers de dessin manga, et un concours de cosplay hautement suivi ont rythmé les cinq jours du festival. Le tout dans une ambiance conviviale et intergénérationnelle.
Le cosplay, activité vedette du festival, a rassemblé des jeunes costumés en personnages de jeux vidéo et de mangas. Parmi les plus marquants : des vampires de Dracula, des guerriers de Mortal Kombat, des shinigamis de Bleach, ou encore des protagonistes de la série japonaise The Apothecary Diaries, très populaire cette année en Algérie.
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Le grand gagnant du concours était un cosplay d’une armure du jeu vidéo Fallout, salué pour sa qualité artistique.
L’événement, soutenu par le ministère de la Culture et des Arts, a également vu la participation de l’ambassade du Japon, qui a organisé des ateliers de dessin manga destinés aux débutants, illustrant l’intérêt croissant des jeunes Algériens pour la culture asiatique.
Quelles suites possibles ?
Pour l’instant, aucune déclaration officielle du gouvernement n’a été faite sur la demande d’enquête émise par le député Belkhir. Le ministère de la Culture, organisateur du FIBDA, n’a pas encore commenté publiquement la polémique.
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Sur les réseaux sociaux, les jeunes continuent de défendre leur passion pour l’art, le cosplay, la BD et les univers imaginaires. Ils dénoncent une tentative de censure et réclament un respect de la diversité culturelle et artistique.