Arrivé à El Madania, je constatai que le ministère de la Santé était toujours à la même place, l’un des rares à n’avoir pas changé d’endroit depuis longtemps.
Il était neuf heures lorsque nous quittions le parking en direction du ministère des Affaires étrangères. A cette heure, la circulation était déjà assez dense, ce qui était tout à fait normal pour une capitale malgré le mois de jeûne. Nous empruntâmes la rue Pasteur puis remontâmes le boulevard Mohammed V avant de descendre le boulevard Krim Belkacem, ex-Salah Bouakouir que feu Boudiaf avait fait débaptiser lorsqu’il fut à la tête du pays. Arrivés à hauteur du Saint-Georges, nous descendîmes le boulevard des Martyrs. Je ne pus m’empêcher alors d’avoir quelques pensées à propos de la télévision algérienne et de la communication, chez nous, de manière générale.
L’actuel ministre, de la Communication a certes annoncé, il y a quelques jours, une série de chantiers: les autorités, la rationalisation de la presse, la carte de journaliste, la déontologie dans la presse etc. Exactement ce qu’avait annoncé le précédent ministre, celui qui l’avait précédé, son prédécesseur, celui qui l’avait précédé et ainsi de suite.
L’éternel recommencement!
Il n’est pas besoin de remonter loin dans le temps, mais depuis que le ministère de la Communication a été séparé de celui de la Culture, c’est-à-dire depuis mai 2004, et si nous ne nous trompons pas, cela fait six ministres qui se sont succédé à la tête du secteur. Tous ces ministres ont organisé des rencontres avec la presse, ils ont parlé (à un ou deux près) de la loi sur l’audiovisuel, de la loi de l’information, de la carte de journaliste, des autorités, de l’office de justification de distribution, de la libération du secteur, des dettes impayées vis-à-vis de la société d’impression, etc… exactement comme le fait l’actuel ministre.
Mais qu’est-ce qui fait donc que tous ces hommes n’aient rien pu concrétiser ou presque de ces chantiers qui reviennent en boucle comme un éternel recommencement de l’envie impuissante de Sisyphe à monter sa roche légendaire? Trois choses expliquent cette incapacité à mener à bien des chantiers qui prennent racine. Il y a d’abord cette manière qui nous est si chère et si particulière et qui consiste à changer les ministres avant même qu’ils aient eu le temps de bien comprendre le fonctionnement de leur secteur.
Ensuite, il y a un fait tout aussi important et c’est notre compréhension des tâches ministérielles que nous attribuons toutes au ministre alors que nombre d’entre elles devraient être (et peuvent réellement être) menées par l’administration. Malheureusement, notre manière de faire les choses n’est pas la bonne et à chaque changement de ministre, c’est le retour à la case départ.
Enfin, il y a lieu de noter que ceux qui sont chargés de faire aboutir les chantiers ce sont toujours ou presque ceux-là mêmes qui en ont été chargés par les ministres précédents et qui se contentent alors de ressortir les mêmes documents qu’ils montrent aux différents ministres qui se succèdent au ravin de la Femme sauvage, en prenant soin, bien sûr, d’y apporter quelques touches par-ci ou par-là, en fonction des orientations du chef du moment. L’actuel ministre réussira-t-il à aller jusqu’au bout? Nous l’espérons mais, la durée de vie moyenne d’un gouvernement chez nous étant à peu près d’une année (voir L’Expression du 5 juillet 2013), nous sommes plutôt enclins à croire qu’il sera remplacé avant même d’avoir eu le temps de bien comprendre comment vont les choses dans ce secteur.
Arrivé à El Madania, je constatai que le ministère de la Santé était toujours à la même place, l’un des rares à n’avoir pas changé d’endroit depuis longtemps. En face, Maqam Echahid se tenait debout, plus imposant à chaque fois. Il me rappela, comme toujours d’ailleurs, les années quatre-vingts qui avaient précédé, annoncé et même causé notre déclin.
Affaires étrangères: des services à réorganiser!
Au ministère des Affaires étrangères, il y avait foule, comme chaque jour. Extrêmement sollicités, les services consulaires et ceux de l’état civil sont chaque jour débordés. Les agents et préposés aux guichets de ces services se démêlent comme ils peuvent pour faire passer un maximum de citoyens et nous saisissons cette occasion pour les féliciter sincèrement mais ceci ne signifie nullement que les choses se passent de la meilleure manière qui soit.
Que devient le e-gouvernement?
En effet, il est incompréhensible qu’il soit nécessaire à un habitant de Tamanrasset, de Bel Abbès ou d’El Tarf de faire le voyage jusqu’à Alger pour légaliser un diplôme, une traduction ou une attestation et revenir. Il n’est pas plus concevable qu’un citoyen de Ghardaïa, de Saïda ou de Annaba se déplace jusqu’à Alger pour retirer un acte de naissance d’un enfant né à l’étranger, un acte de décès ou un acte de divorce. Les coûts sont insupportables car ces actes, d’une banalité extrême, reviennent trop chers à ces citoyens auxquels il faut additionner le prix du voyage, de l’hôtel, de la restauration, du manque à gagner lorsqu’ils laissent leurs occupations, de la fatigue et tous les autres coûts cachés.
Nous sommes au troisième millénaire. Nous aurons dû apprendre après cinquante années d’indépendance à résoudre nos problèmes. L’organisation actuelle des services du MAE qui reçoivent les citoyens a atteint depuis longtemps ses limites, ce qui est tout à fait normal vu notre démographie, l’augmentation du nombre d’Algériens à l’étranger et la complexification de nos relations avec le reste du monde. Mais ces limites ne sont pas incontournables.
Le transfert du ministère du Golfe aux Annassers a certes permis d’avoir de meilleurs espaces mais il n’a pas résolu le problème des citoyens. Qu’est-ce qui empêche les Affaires étrangères d’ouvrir des services dans chaque wilaya et de mettre en place un réseau national pour permettre à ces services d’accéder aux données et aux documents dont ont besoin les citoyens?
Jusqu’à présent, certes, le ministère des Affaires étrangères n’a jamais eu de directions de wilaya mais est-ce une raison suffisante pour qu’il continue à ne pas en avoir? Il est temps que, dans ce ministère, on change de paradigme et qu’on repense le service public à l’aune des autres nations. Le bien-être des citoyens n’est pas, comme croient certains, de vaines déclarations concernant l’ouverture des boulangeries le jour de l’Aïd, il passe aussi par la facilitation de son accès au service public. Il n’y a rien de sorcier là-dedans. Le e-government, ou gouvernement électronique, n’est pas un vain mot dans beaucoup de pays, pourquoi tardons-nous à nous y jeter?
L’Algérien se sentira toujours humilié lorsqu’il est obligé de parcourir des centaines de kilomètres afin de faire légaliser un papier. Il ne peut s’empêcher de se sentir méprisé lorsqu’il est poussé à de tels déplacements pour une simple transcription sur un acte de l’état civil. Il est peut-être le seul au monde à subir un tel dédain!
Il est temps pour les services de Lamamra de revoir l’organisation de leurs services à travers le prisme de la décentralisation et de la déconcentration car il devient difficile de continuer dans la même voie.
Vers midi j’ai pu enfin quitter le ministère des Affaires étrangères, content quand même d’avoir été bien accueilli et bien servi, comme tous les autres d’ailleurs, par les agents du ministère mais tout aussi furieux d’avoir eu à faire plus de mille kilomètres pour un simple papier. Je pris le chemin du retour vers Alger-Centre où, à mon étonnement, je trouvais assez facilement une place pour stationner dans un parking.