Fête du nouvel An du réveillon, « La yadjouz »à Bouira

Fête du nouvel An du réveillon, « La yadjouz »à Bouira

Bouira se caractérise par une composante sociale bilatérale

Nos imams ont encore du chemin à faire pour comprendre ce qui se trame dans et autour de la société.

A l’évidence et à l’écoute des prêches officiels du département de Ghlamallah, les Algériens qui célèbrent ces deux dates sont catalogués chrétiens, ennemis de Dieu. Un discours qui rappelle l’ère du parti dissous….

La célébration du Nouvel An et du réveillon s’est invitée vendredi dans les prêches officiels. Pour les imams de la République, fêter cette date s’apparente à un blasphème. Certains iront jusqu’à considérer les cartes de voeux comme un crime impardonnable et une injure à l’Islam. Quel est alors l’Algérien qui oserait fêter publiquement l’événement? Les boulangeries qui, à l’accoutumée proposaient des bûches se sont abstenues. La dégradation du pouvoir d’achat, la cherté de la vie en générale sont deux autres facteurs qui obligent les citoyens à passer sous silence l’occasion.

Dans la discrétion, certains continuent à marquer le passage vers la nouvelle année chez eux autour d’un repas copieux, quelques friandises, mais pas de cadeaux, de sapin, de bougies et autres guirlandes. Rappelons que depuis longtemps la fête de Noël et celle du Nouvel An concernaient surtout les familles intellectuelles et plus précisément celles ayant une formation francophone, les médecins par exemple. Les familles modestes préfèrent le Mouloud, et Yennayer qui reste des dates références dans la société algérienne. Cette année, même les vitrines, habituellement décorées pour la circonstance, sont restées ternes. L’influence du religieux est plus qu’une évidence. Les uniques lieux qui proposent des soirées animées sont les hôtels étoilés, les night-clubs. Bouira se caractérise par une composante sociale bilatérale. Le réveillon est fêté dans une bonne partie de la région à dominance berbérophone. La raison est simple. Les nombreux habitants de cette région sont des anciens expatriés, ayant passé une bonne partie de leur vie outre-mer à la recherche du travail. Ils ont gardé une certaine nostalgie de leur jeunesse.

Le réveillon est familial autour d’un repas sans caviar, ni foie gras, ni vin. «Nous sommes musulmans comme nos ancêtres, mais accueillir la nouvelle année dans la joie mais surtout l’espoir de la voir bonne n’attenue ni notre foi ni notre croyance», commente un sexagénaire originaire de M’chedallah. Parce que l’interdit attire, un groupe de jeunes dans la région de Bechloul se sont reconvertis au christianisme et fêtent le réveillon dans un local qui fait office de paroisse. «C’est une manière de voir la vie et chacun est libre de ses actes pourvu qu’il ne touche pas à la liberté d’autrui», nous dira Rachid, un professeur originaire de Semmache.

Pour Hamid, un proche du courant salafiste, Noël et le réveillon sont deux fêtes chrétiennes et toute personne qui les célèbre, se rapproche de cette croyance. «Dieu et son Prophète (Qsssl) nous ont avertis. On n’a qu’à suivre leurs préceptes», nous affirmera notre interlocuteur. Rachid réagit à ces affirmations. «Tu crois qu’on est musulman. Est-ce qu’on fait notre travail convenablement? Est-ce qu’on respecte l’Autre? Est ce qu’on applique les recommandations de Dieu quand il s’agit de l’intérêt général? Fêter une date ou ne pas la fêter reste secondaire si on veut réellement avancer». Parce que le débat risque de durer et de ne pas trouver d’issue et de consensus, nous nous séparons de nos deux témoins. Entre les deux visions, une chose se dégage. Les imams en réservant le prêche du vendredi au sujet montrent que les mosquées ne sont pas encore complètement éloignées de l’acte politique. Noël et le réveillon sont deux dates charnières. C’est la fin d’un cycle et l’arrivée d’un autre. Accueillir une nouvelle année dans la joie et le bonheur éphémère d’une nuit n’est aucunement un reniement de ses origines ou un combat contre une religion qui a fait ses preuves de tolérance, d’amour, de solidarité, d’entraide… faire croire aux gens que dire «bonne année» est en soi un blasphème.

Parler en français, en anglais, en espagnol… n’est pas un acte pour se rapprocher des Chrétiens, mais simplement un pas vers la science, vers l’ouverture sur le monde.

Nos imams ont encore du chemin à faire pour comprendre ce qui se trame dans et autour de la société. Bonne année quand même.