Fête du 1er mai : baisse de la rente, problème de la représentativité et urgence de réformes structurelles

Fête du 1er mai : baisse de la rente, problème de la représentativité et urgence de réformes structurelles
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« Les travailleurs algériens doivent se préparer à la bataille de la productivité et de la compétitivité pour sortir l’économie algérienne de l’addiction au pétrole et l’argent facile…… Aussi, j’exhorte tous les partenaires sociaux et économiques dans le cadre de cet espace institutionnel national de concertation et de dialogue, à y adhérer afin d’accélérer le processus des réformes économiques et renforcer le développement industriel dans notre pays » 01 mai 2016- Mr le Président de la République-Abdelaziz Bouteflika.

1.-Je tiens d’abord à exprimer mes meilleurs vœux à l’ensemble des travailleurs. La fête du 01 mai 2016 se déroule dans une conjoncture particulière, difficile pour la majorité des travailleurs algériens et de ceux de plus en plus nombreux à la recherche d’un emploi, avec la chute du cours des hydrocarbures. Les recettes de Sonatrach qui représentent directement et indirectement 98% des exportations, permettent plus de 70% de la valeur ajoutée , de l’emploi global, des rentrées fiscales et qui tiennent pour plus de 70% la valeur du dinar. La restructuration économique et sociale étant inévitable passant par de profondes réformes structurelles, s’adaptant aux impératifs de la mondialisation et au nouveau modèle de consommation énergétique qui se mettra progressivement en place entre 20208/2030, évitant l’illusion de la rente éternelle, pour une économie hors hydrocarbures concurrentielle, devant dire la vérité à la population algérienne si l’on veut éviter un retour au FMI.

A ce titre, le pouvoir doit élargir la représentativité sociale afin d’éviter un monologue et en cas de tensions sociales, que les citoyens se retrouvent directement en confrontation avec les forces de sécurité sans aucune intermédiation. C’est qu’avec tant des mutations mondiales qu’internes à la société algérienne avec le poids de la jeunesse qui, parabolé, a une autre notion des valeurs de la société. Contrairement à certains se rattachant au passé, cela se constate à travers l’atomisation de la famille, la baisse du poids des tribus, des confréries religieuses (excepté pour une fraction de la tranche d’age supérieure à 60 ans, minoritaire au niveau de la société ) et de certaines organisations syndicales, du fait de discours en déphasage par rapport aux nouvelles réalités mondiales et locales.

2.-Les critères de représentativité utilisés aujourd’hui (indépendance, importance des effectifs, montant des cotisations reçues, expérience et ancienneté du syndicat, attitude patriotique pendant la guerre de libération nationale sont peu adaptés à la réalité actuelle. Les deux critères ajoutés par la jurisprudence (activité du syndicat en termes d’ampleur et d’efficacité d’une part, et influence du syndicat d’autre part, c’est-à-dire sa capacité à mobiliser les salariés) n’ont pas permis de surmonter ces difficultés. Aussi, il s’agit de fonder la représentativité syndicale sur le seul critère de l’élection.

LG Algérie

L’audience électorale doit devenir le critère incontournable de la représentativité. Elle doit être appréciée au regard des résultats des élections des délégués du personnel et des représentants du personnel au comité d’entreprise, complétés le cas échéant par les résultats aux élections prud’homales. Une meilleure représentativité passe par un choix entre représentation uniforme et représentation multiple. Quelle que soit la solution retenue, les règles de représentativité doivent être revues dans le sens « une entreprise – une voix », pour une meilleure représentation. Cette révision des règles de représentativité doit s’accompagner d’une transparence accrue en matière de financement et de certification des comptes des fédérations et confédérations patronales. L’objectif est de renvoyer l’essentiel des décisions sociales à la négociation en modernisant les règles de représentativité et de financement des organisations syndicales et patronales et de faire de la négociation collective le moyen privilégié de la transformation du droit du travail et de la maîtrise des évolutions socio-économiques des entreprises. C’est que la Tripartite initiée par le gouvernement algérien a pour objet en principe de renforcer le dialogue économique avec les partenaires économiques et sociaux, mais dont les résultats sont mitigés. Le dialogue ouvert aux forces nouvelles représentatives est la seule voie pour trouver un véritable consensus, ce qui ne signifie nullement unanimisme, signe de décadence de toute société afin d’anticiper tout conflit préjudiciable aux intérêts supérieurs du pays avec des coûts faramineux.

Pour une meilleure représentativité, les organisations patronales privées doivent avoir un cadre unifié. Pour un véritable dialogue social, il serait souhaitable de convier d’autres organisations syndicales autonomes avec lesquelles notamment les ministres du Travail, de l’Education nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Santé sont déjà en contacts permanents. La composante est la même depuis plus de deux décennies alors que l’environnement économique et social algérien a profondément changé, ce qui explique que les anciennes Tripartites ont eu peu d’effet face aux tensions sociales. D’autres forces sociales et économiques sont apparues depuis, devant en tenir compte, faute de quoi cela s’apparenterait à un monologue du pouvoir avec lui-même, sans impact pour la résolution concrète des problèmes économiques et sociaux. Aussi faut-il éviter deux écueils

3.-Premièrement, le gouvernement doit se démarquer d’une vision culturelle largement dépassée des années 1970, tant sur le plan politique, économique qu’en matière diplomatique. Nous sommes en 2016 avec des mutations géostratégiques considérables entre 2016/2030 qui préfigurent de profonds bouleversements géostratégiques. La mentalité bureaucratique administrative des années 1970 est de croire qu’il suffit de changer de lois pour résoudre les problèmes. Cette vision bureaucratique est une erreur politique qui ne peut que conduire le pays à l’impasse, à une crise multidimensionnelle, voire à une déflagration sociale qu’il s’agit impérativement d’éviter. Deuxièmement, éviter que la Tripartite soit un lieu de redistribution de la rente (parts de marché et avantages divers supportés par le Trésor public de ceux présents via la dépense publique) en fonction d’intérêts étroits.

Car lorsqu’un pouvoir agit bureaucratiquement, sans concertation, sans tenir compte de la réelle composante sociale, la société enfante ses propres règles qui lui permettent de fonctionner en dehors de l’Etat officiel, se traduisant alors par un divorce croissant Etat/citoyens. On ne relance pas l’activité économique par décret ou par le volontarisme étatique, vision de la mentalité bureaucratique rentière. C’est l’entreprise et son fondement, le savoir, au sein d’une économie de plus en plus mondialisée à travers des stratégies de segments de filières internationalisées que l’Algérie peut créer une économie productive à forte valeur ajoutée, ne devant pas, en ce XXIe siècle du fait des nouvelles technologies, avoir une vison matérielle, l’industrie se combinant avec les services. La recherche tant théorique qu’appliquée avec un équilibre entre les sciences exactes et les sciences humaines, est fondamentale pour impulser de nouvelles filières industrielles. Il faut éviter cette vision populiste de distribution de salaires sans contreparties productives différents les tensions sociales dans le temps et aller vers de profondes réformes structurelles qui déplaceront forcément des segments de pouvoir liés à la rente.. Pour paraphraser le langage militaire qui différencie tactiques et stratégie, le gouvernement, et c’est sa mission essentielle, est n’est pas d’agir sur la conjoncture à partir de tactiques mais doit avoir une vision stratégique.

4.-Le tissu industriel algérien, sur lequel tous ces gouvernements souhaitaient fonder la relance économique est en réalité insignifiant. Il est composé d’à peine 1200 entreprises publiques pratiquement, toutes empêtrées dans de graves difficultés financières et managériales, et d’environ 200.000 petites entreprises privées de production en grande partie très jeunes et sans envergure, qui éprouvent d’énormes difficultés à se maintenir en vie. Exténués par les efforts surhumains que requiert l’activité industrielle soumise à des tracasseries permanentes, bon nombre d’industriels ont de surcroît fait le choix de changer d’objet social pour s’installer dans le confortable créneau de l’importation et de la revente en l’état. Les usines, pour la plupart acquises durant les années 1970 et 1980, ont ainsi eu le temps de vieillir et d’être passées de mode, au moment où la technologie et l’innovation progressaient à grands pas à travers le monde.

La reprise des unités industrielles publiques par des opérateurs privés ne s’étant pas faite comme prévu, les actifs industriels algériens dépassant pour la plupart vingt années d’âge ont fini par être technologiquement déclassés. Les grands pôles industriels publics des années 1970 ont commencé à péricliter dès la fin des années 1980,( voyez les assainissements répétés d’El Hadjar et de la SNVI qui à chaque fois reviennent à la case de départ). Le secteur privé, 95% étant des PMI/PME peu initiées aux management stratégique, d’autres innovatrices minoritaires mais encore fragile et empêtré dans les méandres de la bureaucratique, a du mal à prendre le relais. Les institutions étatiques créées au début des années 2000, à l’effet de donner de nouveaux ressorts à l’industrie nationale (Andi, Calpi), se confinent malheureusement au simple rôle d’enregistreuses d’intentions d’investir, chargées de tenir les statistiques de projets qui ne dépassent pas, dans la majorité des cas, le stade de la déclaration d’intention. L’Agence nationale pour le développement de l’investissement (Andi) et le Conseil national de l’investissement (CNI), dans le but de promouvoir les gros investissements, ne feront guère mieux. Le nombre de projets d’envergure qui ont sombré dans le trou noir de cette institution est considérable. C’est pourquoi d’aucuns pensent que les acteurs de la prochaine tripartite doivent impérativement arracher du gouvernement le principe de la suppression de l’autorisation préalable d’investir accordée ou non par le CNI ou le CPE.

Ils doivent en outre avoir l’accord de principe pour l’agrément rapide des centaines de projets en souffrance au niveau de ces institutions depuis plusieurs années. Aussi, face à cette situation socio-économique, la nécessité de réformer s’impose à Algérie. L’essentiel de l’action est entre les mains des Algériens, qui devront vouloir le changement et partager une envie d’avenir, d’apprendre davantage, de s’adapter, de travailler plus et mieux, de créer, de partager, d’oser. La nature du pouvoir doit également changer supposant une refonte progressive de l’Etat par une réelle décentralisation autour de grands pôles économiques régionaux, impliquant qu’il passe de l’Etat gestionnaire à l’Etat régulateur, conciliant les coûts sociaux et les coûts privés.

L’Algérie peut y parvenir dans un délai raisonnable. Pour cela, les Algériens doivent réapprendre à envisager leur avenir avec confiance supposant de libérer toutes les énergies créatrices. Retarder les réformes ne peut que conduire à la désintégration lente, à l’appauvrissement, une perte de confiance en l’avenir puisqu’ avec l’épuisement de la rente des hydrocarbures, l’Algérie n’aura plus les moyens de préparer ces réformes et vivra sous l’emprise de la peur, voyant partout des menaces où les autres voient des chances. Mais les réformes ne pourront réussir que si, au plus haut niveau de l’État, existe une volonté politique d’une gouvernance renouvelée se fondant sur plus de morale de ceux qui dirigent la Cité. C’est une condition fondamentale pour mobiliser les algériens et les convaincre de leur importance. D’où avec l’ère d’internet une communication active transparente par des acteurs politiques et sociaux crédibles.

Ils doivent s’appuyer sur de nouveaux réseaux tant internationaux favorables à l’Algérie et ils sont nombreux, la diplomatie algérienne devant être rénovée, que dynamiser de nouveaux sociaux internes. Car l’analyse de l’évolution de la morphologie sociale de l’indépendance à nos jours montre clairement la baisse progressive du poids des partis politiques traductionnels, des tribus, des confréries religieuses officielles (excepté pour montre clairement une fraction de la tranche d’âge supérieure à 60 ans, minoritaire au niveau de la société) et de certaines organisations syndicales vivant de la rente, éloignés des préoccupations de la jeunesse et de la société et face à ce faible impact , le développement d’organisations informelles qui tissent un maillage dense au niveau de la société. ademmebtoul@gmail.com

(1)- Voir notre contribution sur Algérie1 du 27 avril 2016 : faiblesse de mobilisation des partis politiques et de la société civile.