Fête de Yennayer : la décision accueillie avec prudence à Béjaïa

Fête de Yennayer : la décision accueillie avec prudence à Béjaïa

Les militants politiques demeurent méfiants à l’égard du pouvoir qui donne d’une main ce qu’il s’empresse de reprendre de l’autre. L’un d’eux rappelle qu’une “déclaration n’est pas un décret présidentiel”.

Les Béjaouis ont diversement apprécié l’annonce faite par le président de la République d’instituer Yennayer, nouvel an berbère, soit le 12 janvier du calendrier grégorien, journée chômée et payée. Les personnes interrogées, soit en qualité d’anciens militants de la cause, acteurs politiques ou sociaux, soit en tant que citoyen lambda, sont, en effet, partagés entre satisfaction — l’aboutissement d’un long combat — et prudence.

C’est le cas notamment des militants politiques qui demeurent méfiants à l’égard du pouvoir politique, qui donne d’une main ce qu’il s’empresse de reprendre de l’autre. L’un d’eux a rappelé, à juste titre, qu’une “déclaration n’est pas un décret présidentiel”.  Aussi, explique-t-on, il ne faut pas crier victoire. “Et si le pouvoir voulait nous faire avaler encore une fois une de ses couleuvres ?”, s’interrogera un autre. Mais une chose est sûre, le sujet a suscité beaucoup de commentaires et n’a pas laissé indifférents tous les segments de la société. Pour Mouloud Messaoud, retraité et militant de la cause, de la commune de Taskriout, “avant de crier victoire, il faut attendre la promulgation du texte et le comparer à celui de ‘Aouel Mouharem’ parce que tamazight et l’islam sont deux constantes de la nation”. Le point de vue est partagé par Saïd Salhi : “Voilà une bonne nouvelle, en réponse à une demande populaire, de consacrer Yennayer comme fête nationale.”

Il a ajouté aussitôt qu’il faut “attendre le texte de loi et sa publication au Journal officiel pour que cela soit effectif”. Toutefois, il croit au geste, qui est fait et appelle à veiller à sa concrétisation. Il préfère prendre cette annonce comme un cadeau de fin d’année. C’est aussi l’avis de Kamal Rahmouni, ancien animateur de la Coordination nationale du MCB : “Je salue la décision avec beaucoup de prudence car il reste du chemin à faire pour cette noble cause. Je suis fier que notre combat commence à porter ses fruits. Il nous reste à assurer tous les Algériens sur la noblesse de notre combat, qui va renforcer l’Algérie dans sa diversité. Gloire à nos martyrs, dont ceux du Printemps noir, et à toutes les régions berbérophones de conjuguer leurs efforts pour avancer dans notre combat amazigh.” Un militant associatif de la région d’Akbou a indiqué, pour sa part, que cet acquis va renforcer “l’unité nationale”.

Un autre considère que la reconnaissance de tamazight comme langue nationale et officielle doit se traduire par la généralisation de son enseignement et son intégration dans les institutions de l’État.

Et pour s’épanouir et se développer, le pouvoir politique doit la doter des mêmes moyens, humains et matériels, que la langue arabe. Le président du bureau régional du RCD à Béjaïa, Moumouh Labdouci, a déclaré que “la journée de Yennayer, chômée payée, est un autre acquis arraché par la lutte et le combat de plusieurs générations. Le pouvoir n’est plus dans une situation de renier ni cette date ni son importance devant la détermination citoyenne. Même avec cette annonce et cet acquis notre combat pour une officialisation effective de tamazight et la considération de notre identité amazighe nord-africaine continueront. Je profite de l’occasion pour rendre hommage aux étudiants qui ont initié les marches citoyennes grandioses appelant à une officialisation effective de tamazight”.

M. Ouyougoute et L. Oubira