Beaucoup de choses ont changé en Algérie grâce aux nouvelles technologies. Les mœurs et les traditions se sont métamorphosées. Hélas, l’Aïd n’a plus de saveur. Tout a changé, on ne prépare plus les gâteaux, et les vêtements sont de plus en plus chers, et le comble, les Algériens ne visitent plus leur famille en cette occasion, ils se contentent d’envoyer un SMS ou un message sur Facebook ! Que c’est triste.
Plus court, plus rapide et présentant des avantages indéniables sur le plan économique, le SMS est devenu, pour l’écrasante majorité des citoyens, le moyen par excellence pour présenter les vœux de l’Aïd, supplantant ainsi les traditionnelles visites familiales au grand dam des personnes plus âgées qui regrettent les Aïds d’antan.
« Si par le passé, les gens prenaient la peine de se déplacer pour présenter leurs vœux le jour de l’Aïd, force est de constater que de nos jours les choses ont complètement changé, les gens se contentant d’un simple SMS », observe, non sans regret, Rabah, un sexagénaire rencontré dans l’un des cafés de la ville de Blida.
Pour notre interlocuteur, ce chamboulement dans les comportements des gens est révélateur de la « métamorphose que connaît la société en tous points de vues », ajoutant que des facteurs culturels, sociaux et économiques sont susceptibles d’expliquer cet état de fait.
Pour lui, envoyer un SMS peut, dans certains cas, être acceptable lorsque notamment le destinataire du message habite loin. « Mais lorsque celui-ci ne se trouve qu’à quelques kilomètres à vol d’oiseau, là c’est assurément adhérer à la politique du moindre effort que de lui envoyer un message de voeux », estime-t-il.
Nostalgie des Aïds d’antan
Emboîtant le pas à Rabah, El Hadja Méliania d’El Afroun insiste sur le fait que rendre visite à ses proches, notamment le jour de l’Aïd, est recommandé par la religion dans la mesure où cela efface les rancunes et contribue à consolider les liens familiaux. « Pour un malade alité par exemple, quoi de plus réconfortant que de lui sourire et d’échanger quelques mots avec lui », fait-elle remarquer.
El hadja Méliania regrette les Aïd d’avant lorsque toute la famille se réunissait autour d’un café et des gâteaux traditionnels dans un climat de convivialité, d’amour et de respect, ce qui du reste influe positivement sur les enfants et leur épanouissement. Réfutant tous les arguments qui font l’apologie du SMS, elle soutient, sans ambages, que rien ne peut remplacer les visites familiales le jour de l’Aïd.
« A la rigueur, on peut donner un coup de fil. Mais présenter ses vœux comme cela d’une manière dénuée d’humanisme et de chaleur est, pour moi, inconcevable », relève-t-elle, ajoutant que pour certains, les visites familiales sont un vain mot.
Affirmant ne rien connaître au domaine de l’électronique et Internet de manière particulière, elle dit, toutefois, avoir entendu que ces moyens permettent de communiquer avec des personnes qui se trouvent à des milliers de kilomètres tout en ayant la possibilité même de les voir (webcam).
« Là au moins on communique, on parle et c’est très important », note-t-elle. Du côté des jeunes, la perception des choses est tout autre.
« Je préfère face-book. Cela me permet d’envoyer des messages à un plus grand nombre d’amis en un court laps de temps », indique Lyès, 16 ans, un lycéen de la capitale. Pour Rachid, gérant d’une boutique d’habits, « envoyer un SMS est en tout cas mieux que d’envoyer des cartes postales de vœux dont l’arrivée mettrait des « lustres! ». Autres temps, autres mœurs. Le vent du changement qui affecte la société est irréversible et rien ne semble en mesure d’y mettre un frein.
Dans ce chapitre, des voix s’élèvent pour descendre en flammes ces » nouvelles technologies de Satan « , comme le qualifient nombre de nostalgiques. » Et n’essayez pas de me taxer d’antiprogrès. J’ai fait des études supérieures, j’ai sillonné la planète et j’ai même enseigné dans une grande école en Grande-Bretagne.
Et pourtant je zappe le téléphone portable le jour de l’Aïd en particulier, préférant me déplacer pour souhaiter de vive voix un joyeux Aïd à mes vieux oncles, vieilles tantes et autres aînés de ma chère famille « , martèle un haut cadre de l’Etat en retraite. Tout compte fait, l’usage du SMS ou les réseaux sociaux pour dire » saha aidkom » est en passe de prendre le dessus. Les sociologues considèrent le phénomène comme une » paresse sociale » qui a tendance aussi à s’installer dans les sociétés arabes.
Ouzzani S.