Festival international du cinéma du Caire,Les islamistes gâchent la fête

Festival international du cinéma du Caire,Les islamistes gâchent la fête

La remise des prix a été très discrète

Adila Bendimerad décroche le prix Isis de la meilleure comédienne.



Le Festival international du Caire s’est clôturé jeudi après-midi, dans la tristesse et l’émotion après la mort de cinq manifestants, la veille, devant le palais présidentiel, victimes des balles des partisans du président islamiste, Mohamed Morsi. La tension était à son comble mercredi soir après ces événements.

Les organisateurs du festival étaient dans l’obligation d’annuler la cérémonie de clôture qui était prévue le soir à 18h pour la remplacer par une cérémonie pudique de remise des prix à 13h. Les organisateurs, qui ont ouvertement affiché leur soutien aux manifestants de l’opposition, n’ont pas voulu faire la fête du cinéma et ont maintenu la remise des prix pour ne pas tuer l’âme du festival.

Le matin, à l’hôtel Sofitel Gazira, où sont hébergés le staff et tous les invités du festival, les Egyptiens avaient le regard triste, mais étaient dignes et déterminés à réussir leur événement quel qu’était le prix et cela afin de ne pas offrir l’image, devant les invités étrangers, d’un pays déstabilisé politiquement. Même le dîner de gala, qui était prévu par l’entreprise Dollar Film de Walid Kurdy, a été annulé, par compassion avec les familles des victimes de l’assaut des islamistes. A l’Opéra où devait se tenir la cérémonie, la sécurité a été renforcée, plusieurs policiers en civil quadrillaient l’immense espace qui servait de bastion au festival. Dès l’ouverture de la cérémonie, le président du festival, le grand comédien Ezzat Abou Ouf, a tenu à saluer la mémoire des cinq victimes des violences de la nuit dernière. Soudain, dans la salle des cris fusent: «Taskot houkoumet El mourchid Morsi», «Tayha Masr». La tension est à son comble, mais les organisateurs laissent éclater la colère de ces jeunes qui dénoncent la montée de la violence islamiste dans le pays.

La vice-présidente du festival, Mme Souhir Abdelkader, prend alors la parole pour annoncer la cérémonie de clôture.

Mais elle ne peut retenir son émotion, ce sont les applaudissements du public qui lui donneront la force de poursuivre son discours pour remercier tous les artistes d’être restés malgré la situation dans le pays. Le premier acte de la cérémonie a été l’hommage rendu au grand cinéaste chinois, Zang Yimou, qui devait prendre son vol à 16h. Il a tenu à assister à la cérémonie et surtout saluer cette grande marque d’intention du Festival du Caire à l’égard de ses oeuvres.

La cérémonie de remise des prix a débuté par la section du Prix du jury accordé par l’Union internationale des critiques de cinéma Fipresci, remis par son secrétaire général, Klaus Eder, au film vénézuélien de Eduardo Rodriguez Casser le silence. S’agissant de la compétition internationale de long métrage, le président du jury, Marc Müller, qui est par la même occasion, le président du festival de Rome, a commis un impair grave en supprimant trois prix de la compétition et en osant demander à la direction du festival d’apporter quelques modifications dans leur organisation du festival. Ainsi, aidé de l’un des membres du pays, l’acteur égyptien Khaled Abou Naga, a demandé la création d’une caisse pour la production des films et surtout la création d’une commission indépendante pour choisir les films du festival. Si la première proposition a été acceptée, la deuxième a été fortement dénoncée et rejetée par les organisateurs du festival et par certains réalisateurs comme le Marocain Nabil Lahlou qui a considéré que c’est une atteinte à l’intégrité du festival.

Pour ce qui est des récompenses, le Prix du meilleur film a été décerné au film français Rendez-vous à Kiruna d’Anna Novion. Mais la cérémonie de clôture a pris une autre tournure au moment qui a précédé à la remise des prix pour le cinéma arabe. La majorité des cinéastes et artistes récompensés, invités sur scène, ont exprimé leur solidarité avec le peuple égyptien dans cette douloureuse épreuve.

C’est le cas, notamment pour le comédien koweitien, Saâd el Faradj, qui a remporté le Prix Isis du meilleur comédien pour son rôle dans le film Tora Bora, alors que le Prix Isis de la meilleure comédienne a été décerné à Adila Bendimered, pour son rôle de composition dans le film de Merzak Allouache Le repenti. Le prix a été accueilli avec une grande satisfaction et une immense émotion par la délégation algérienne, présente à cette cérémonie. Et c’est la réalisatrice algérienne Souhila Battou qui était en compétition au festival pour son documentaire Bonjour Le Caire, (qui traite justement de la révolution égyptienne), qui a reçu le prix à la place de la comédienne algérienne, qui devait arriver l’après-midi et qui a accueilli avec grande satisfaction cette nouvelle distinction pour sa participation au film de Allouache. Du haut de la tribune, Souhila Battou a tenu à saluer le mouvement révolutionnaire égyptien, indiquant que grâce à leurs actions audacieuses, la Tunisie, l’Égypte, mais aussi la Syrie ne mourront jamais.

Enfin, la cérémonie de cette 35e édition du Festival du Caire, s’est achevée par la consécration du film marocain Les mécréants de Mohcine Basri. Le réalisateur marocain qui était très ému à l’annonce du verdict du jury, a sauté de joie et a prononcé un discours politique d’une grande qualité (dans le dialecte égyptien) pour saluer la révolution égyptienne et surtout rendre hommage au leader national Nasser et au peuple égyptien pour la résistance devant l’obscurantisme.

Pour rappel, le film Les mécréants, présenté en octobre lors des dernières Journées cinématographiques d’Alger, porte sur des comédiens de théâtre kidnappés par des islamistes, contre la culture et les arts. La 35e édition du Festival du Caire s’est achevée par une photo générale avec le signe de la victoire et le drapeau noir, blanc et rouge de l’Egypte donnant ainsi, à cette édition un cachet politique et artistique très fort, qui renforce la position des artistes égyptiens contre la doctrine de l’islamisme religieux.