Une sika inéditepour la soirée finale
Affluence record mercredi soir à la salle Ibn Zeydoun à Alger pour la clôture de la quatrième édition du Festival international de musique andalouse et des musiques anciennes.
Escaliers et allées étaient pris d’assaut par le public mélomane. La prochaine édition du festival pourrait se dérouler à la salle Atlas à Bab El Oued réputée plus grande que Ibn Zeydoun.
« Il y a un public avide de qualité. Il a constaté qu’on prend le temps de fignoler les choses, d’aller en profondeur par respect pour lui et pour la musique. Le bouche à oreille a fini par faire son effet et les gens viennent. C’est un public connaisseur et exigeant.
Pendant longtemps, on nous a complexés par rapport à l’élite en général. Or, il existe une élite pour l’écoute de la musique qui a trouvé son chemin », a estimé Rachid Guerbas, commissaire du festival qui a salué la parfaite entente avec l’équipe technique de la salle Ibn Zeydoun.
Selon lui, la prochaine édition sera marquée par des spectacles en dehors d’Alger. « Je trouve regrettable qu’on invite des artistes étrangers pour donner un seul concert. Nous voulons élargir le festival et organiser des concerts en dehors d’Alger dans d’autres villes du pays pour que tout le monde en profite », a-t-il dit. La soirée de mercredi a commencé, avec 30 minutes de retard, avec le passage de cinq finalistes du concours de mandoline : Khaled Bensaïd, Amine Aït Kaci, Kermas Saïd et Aladdine Bensafir.
Le cinquième finaliste est le Tunisien Wahid Siout. Le président du jury l’Afghan, Khaled Armane, assisté de l’Iranien Hassan Tabar et de l’Algérien Hassan Benchoubane, n’a pas pu attribuer le premier prix.
« Certains candidats ont des instruments qui ne sont pas à la hauteur de leur talent », a précisé Rachid Guerbas qui a annoncé que les cinq finalistes seront pris en charge par des joueurs de mandoline de niveau international. Finalement, un prix d’encouragement ex-aequo a été remis à Khaled Bensaïd et Aladdine Bensafir. L’Ensemble national de musique andalousie (Enama), composé par des membres des ensembles régionaux de Constantine, Alger et Tlemcen, a ensuite interprété une nouba sika complète revisitée par Rachid Guerbas avec de nouvelles compositions dans lesquelles les trois styles, malouf, sann’a et gharnati, sont respectés.
« Nous avons pris des textes qui n’ont plus de mélodies sur lesquelles nous avons mis une succession de pièces comme Soltane el ghizlane, Nadhrat ghazali, etc », a expliqué le compositeur. Après la touchia et le mçadar, l’ensemble a joué des betyaïhi, des derj et des insraf Ya mahla kass errah, Hadha el ghram ladhi katmtou, Ya mendara, Selli houmoumek, Mchi ya rassoul, etc. Zerouk Mokdad, Mohamed Benmiloud, Imen et d’autres solistes ont, chacun et selon son style, interprété une partie de la nouba.
« Dans un premier temps, l’expérience de l’Ensemble national a consisté à poser les jalons de telle manière à montrer les ponts naturels entre les trois styles (Alger, Tlemcen et Constantine) que nous continuons à appeler injustement écoles. La deuxième phase a consisté à insérer des compositions nouvelles dans un répertoire traditionnel. Les trois styles sont présents dans cet ensemble et chaque style doit garder sa spécificité et son originalité », a expliqué Rachid Guerbas.
Il a comparé l’Ensemble national de musique andalousie à l’équipe nationale de football qui est composée par les meilleurs de chaque club. « L’ensemble est un laboratoire dans lequel ont montre les passerelles. Les artistes ont voulu une autre forme d’expression et rompre avec la routine de jouer toujours les mêmes mélodies.
Il faut du temps pour savoir si l’expérience a réussi ou non », a-t-il ajouté. Il a remarqué que la tradition de création n’a jamais été interrompue en Libye, en Tunisie ou au Maroc, pays qui partagent l’héritage andalou.
Il est impératif, selon lui, de renouer avec l’esprit de création des ancêtres en Algérie. Interrogé sur l’absence, dans la manifestation de noms connus de la musique andalouse tels que Beihdja Rahal, Ahmed Serri, Zakia Kara Torki, Farid Khodja , Rachid Guerbas a estimé que le festival n’est pas le sien.
« Les portes sont ouvertes à tout le monde à ce festival et pour la participation dans l’ensemble national. Celui qui veut nous apprendre est le bienvenu. Idem pour celui qui veut venir apprendre avec nous. Cela dit, les luttes de clochers ne datent pas d’aujourd’hui. Toute nouveauté dérange. Ce qui me gène c’est la mauvaise foi. Les gens ne font rien pour venir et se permettent de juger.
C’est inacceptable », a-t-il dit. Il a pris le soin de dire qu’il veut donner un caractère professionnel au festival et à la musique andalouse. « Des artistes étrangers nous contactent pour participer à ce festival qui commence à avoir une audience à l’étranger.
Il faut amener notre musique, dite andalouse, dans le concert des autres musiques savantes et en même temps établir des connexions avec des musiciens habitués des festivals internationaux de telle sorte que notre musique trouve sa place sur la scène internationale », a-t-il dit. La quatrième édition de ce festival a été marquée par la présence de groupes et de musiciens venus d’Iran, du Maroc, de Grèce, d’Espagne, d’Autriche, de Tunisie, d’Afghanistan, de Libye, de France et du Japon. Des conférences ont été animées parallèlement aux spectacles par, entre autres, la Tunisienne Syrine Ben Moussa, l’Iranien Hassan Tabar et le Marocain Ahmed Aydoun.
Par Fayçal Métaoui