Fermeture de « Liberté » : un autre coup dur pour la presse algérienne

Fermeture de « Liberté » : un autre coup dur pour la presse algérienne

L’inquiétude règne dans la scène médiatique algérienne après l’annonce de la fermeture du journal progressiste « Liberté » dans quelques jours sur décision de son propriétaire, l’homme d’affaires Issad Rebrab, après plus de trois décennies de publication.

C’est la fin d’une épopée. Considéré comme la propriété de tous ceux qui aspirent à un journalisme honnête et crédible au niveau national et international, le journal « Liberté » touche à sa fin, et ne fera plus partie du paysage médiatique après un itinéraire de trente ans.

En effet, le conseil d’administration du journal algérien francophone « Liberté » s’est réuni mercredi 6 avril,  et l’ordre de fermeture du journal a été acté.

Le journal « Liberté », qui est considéré comme l’un des plus anciens journaux algériens, a été créé avec le début du pluralisme des médias, et son premier numéro a été publié au plus fort de la décennie noire, le 27 juin 1992. Il a depuis adopté une approche progressiste et ligne moderniste.

Aujourd’hui, cette décision incompréhensible ne concerne pas que les propriétaires du journal, les employés, journalistes, hommes et femmes uniquement, mais aussi les lectrices et lecteurs, et les Algériens en général, puisque le journal « Liberté » demeure comme l’un des rares médias en Algérie, qui se caractérise par la qualité de son contenu, le professionnalisme des journalistes, leur respect de l’éthique de la profession et leur persévérance pour parvenir à une information significative et correcte.

La disparition de Liberté marque précocement et de manière brutale les esprits dans le milieu de la presse, où le moral global n’est déjà pas au beau fixe, car traversé par des incertitudes quotidiennes.

Dans ce contexte, d’autres journaux, arrivés sur la scène médiatique dans les mêmes circonstances au début des années 90, et immédiatement après l’adoption du multipartisme et du droit de créer des journaux indépendants après l’adoption de la constitution de février 1989, souffrent des mêmes circonstances difficiles qui peuvent les pousser à abandonner la scène médiatique.

Début de la fin ?

De nombreux indices montrent aussi la volonté de se débarrasser de ce qu’on appelle en Algérie « la presse des années 90 », qui est née au lendemain de l’adoption du pluralisme politique et a accompagné les voies de la crise sécuritaire sanglante en Algérie. En témoigne l’interdiction par l’autorité des publicités publiques pour ces journaux, malgré leur expérience et leur crédibilité, alors que les journaux modernes bénéficient du flux de ces publicités.

La fermeture du journal Liberté est comme un nouveau « enterrement », pendant que le cimetière des journaux s’agrandit, ce qui menace les médias qui promeuvent la démocratie, et menace l’ensemble du secteur. En effet, il est bien clair pour certain qu’il s’agit bien évidemment d’une tentative de museler la presse indépendante.

Cette fermeture est intervenue au milieu d’un climat de tension entre l’État algérien et les journaux indépendants. Dont les répercussions se poursuivent jusqu’à présent, entre procès, emprisonnement de certains journalistes tels que Rabeh Karéch et Mouloud Mouloudj, ainsi qu’en interdisant l’octroi de la publicité public à ces médias.

Ceux qui s’intéressent aux affaires des médias algériens ont estimé que la souffrance du journal » Liberté » n’est pas très différente de la fragilité financière que connaissent les autres institutions de presse. Tandis que d’autres ont vu que la fermeture du journal marque peut être le début de la fin de la presse écrite en Algérie. Affaire à suivre.

Il convient de rappeler que, à l’heure où nous écrivons ces lignes, les motifs réels d’une telle décision n’ont pas été avancés par le propriétaire du journal, qui est allé au bout de ses calculs, ignorant tous les appels et vœux qui ont souhaité la sauvegarde du titre, et l’espoir de voir le patron de Cevital revenir sur sa décision s’est vite évaporé. L’affaire est à suivre, mais la question qu’il faut se poser aujourd’hui est, « à qui le tour ? » Présentement, c’est Liberté, et demain d’autres journaux symboles de résistance et de démocratie.